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- Style + Membre : Univers Zero, Thierry ZaboÏtzeff
 

 Art Zoyd (892)

ART ZOYD - Le Mariage Du Ciel Et De L'enfer (1985)
Par NANAR le 29 Janvier 2024          Consultée 370 fois

C’est en assistant par hasard à la diffusion télévisée d’un concert du combo valenciennois que le chorégraphe Roland Petit a tranché. Il allait opérer un mariage de son art chorégraphique avec celui, électro-acoustique, de ART ZOYD. Dans la foulée, Roland Petit téléphona au groupe pour lui faire part de ce qu’il avait en tête. Ainsi fut créé, à Milan en juin 1984, ce ballet qui tire son titre d’un recueil de poésie de William Blake (1757-1827), réputé comme une pierre angulaire de la littérature anglaise. Les représentations en France eurent lieu à Paris puis à Marseille en février et mars 1985.

Du point de vue sonore, Le Mariage Du Ciel Et De L'Enfer est le plus hybride des albums de ART ZOYD. Les boîtes à rythme sont encore primitives, mais se font plus présentes. Les collages sonores délimitent ("Sortie 134", "Io") ou se juxtaposent ("Io", "Cryogénèse") à la composition. Du côté des claviers, les synthétiseurs se font encore discrets derrière l'orgue et le piano électriques. Pour le reste, le violon, le violoncelle et la trompette tiennent encore une place de premier plan. Après les propositions hétéroclites des Les Espaces Inquiets, les rôles se clarifient du fait du changement de paradigme de composition : le piano est plus obstiné et structurant que jamais, se réduisant parfois à des clusters métalliques; l'orgue s'arroge les nappes et les accords tenus; la trompette se fait pour ainsi dire bipolaire entre sobriété et dissonance semi-improvisée ("Cryogénèse : Rêve Artificiel"); les boîtes à rythmes et les percussions se complètent; les cordes se font plus rares.

Pour la première fois chez ART ZOYD, deux morceaux de compositeurs différents s'imbriquent (mis à part le cas particulier de "Scènes De Carnaval", 1976). "Sortie 134" et "Cryogénèse" sont deux entités musicales en deux parties qui s'enchaînent symétriquement de part et d'autre du disque. Le piano construit la polyrythmie, fait et défait la tension, tantôt calquée, tantôt étoffée par l'orgue et la trompette. Le premier mouvement de "Sortie 134" alterne des nomenclatures binaires à d’autres structures à septs temps ou sept temps et demie (soit 15/8). Après une ouverture franche et un développement versatile, le piano et l’orgue grandioses englobent l’auditeur comme s’il franchissait le pas de quelque gigantesque édifice, avant un long corridor, non moins imposant, sur les rythmes qui s’enrichissent à partir d'un thème unique. Transition parfaite sur "Cryogénèse : Rêve Artificiel", en deux partie, l’une basée sur des nappes d’accords de quinte, l’autre dominée par les hoquets lancinants du piano électrique, les deux riches de contrastes impressionants. Une demi-heure absolument magistrale. Et ce n’est que le début.

La partie centrale se distingue avec plusieurs pièces courtes, uniquement disponibles sur les éditions CD de l'album. Les deux "Mouvances", composées par Gérard Hourbette et centrées sur l'orgue et le piano électrique, prolongent son travail sur Les Espaces Inquiets (1983). Le très bigarré triptyque "Io" de Thierry ZABOÏTZEFF brasse l'ensemble des instruments sur de petits thèmes, déjà exposés sur Prométhée (1984), premier album solo de Thierry, qui pourront apparaître plus légères vis-à-vis de ce qui l'encadre, enfin, toutes proportions gardées. "Mouvance 1" relance les hostilités avec un marcato qui saisit immédiatement à la gorge, avec une ligne de basse en porte-à-faux, avant d'autres parties moins brutales, une transition parfaite vers le pantagruélique "Cryogénèse : Les Portes Du Futur". Nous retrouvons ce contraste de pièces courtes et longues sur Berlin (1987), avec une structure différente, plus éclatée.

Si le motif au piano plaqué de "Cryogénèse" dessinait un climat lourd et statique digne d’une chambre froide sur le premier mouvement, déclinant jusqu’à s’effacer, non sans emporter avec lui l’auditeur dans le "Rêve Artificiel", sur le second mouvement "Les Portes Du Futur" il amorce une montée en puissance continuelle qui finit en apothéose. Dès les premières secondes, les rythmes se font à nouveau lancinants, mais plus définitifs encore, rendant plus grave encore le retour du premier thème de "Rêve Artificiel" et la juxtaposition de notes tenues, procédé déjà connu avec entre autres "Naufrage" (1982). Le vacillement sonore final est particulièrement cauchemardesque. La seconde partie de "Sortie 134", comme un clin d’œil à la New-Wave, nous laisse tout juste le temps de souffler.

Le coffret 44 ½ Live (2017) contient une captation du ballet à Paris en mars 1985 révélant que "Légendes : La Forêt Qui Avance" et "Cérémonies" (1983) ont été choisis par Roland Petit en ouverture du ballet et que "Cryogénèse" est structuré différemment des prises studio : dans la version live, "Rêve Artificiel" est un peu plus court et "Les Portes Du Futur" séparé en deux parties encadrant les "Mouvances". La performance est une nouvelle fois remarquablement fidèle aux versions studio, même si le groupe a pu faire usage de bandes jouées en direct, notamment dans certaines parties électroniques. Thierry ZABOÏTZEFF enrichit "Cérémonie" d’un solo de guitare électrique furieux, fait durer le souffle de violoncelle à la fin de "Io 1", et sa voix se fait particulièrement crue sur cette interprétation des "Portes Du Futur", c’est saisissant. Environ une minute de bourdon électronique précède le passage le plus puissant de "Rêve Artificiel". On découvre enfin une version allongée de "Mouvance 1" ainsi que "Mouvance 3", qui commence comme une version modulée de "Mouvance 2" avant un bref mais prenant passage polyrythmique et dissonant.

Plus qu’un album de transition, Le Mariage Du Ciel Et De L’Enfer est le point de rencontre idéal entre les facettes contemporaine et électronique de ART ZOYD, mais aussi sa première excursion majeure* dans la musique de scène – suivront Marathonnerre (1992), Armageddon : Opérette Pour Robots (2004) et Kaïros : Les Particules Noires (2014). Il s'agit également du premier album de ART ZOYD édité en CD, dès 1985 par Cryonic Inc, la version vinyle faisant l'impasse sur les cinq courtes pièces centrales.
Malgré son statut initial d’œuvre de commande, Le Mariage Du Ciel Et De L’Enfer est une œuvre majeure de ART ZOYD – une de plus.

*Ce n’est pas tout à fait une première pour ART ZOYD, il y eut entre autres "L’Étrangleur Est Derrière Nous" (1983).

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- Gérard Hourbette (violon, violon alto, pianos, claviers, percussions)
- Thierry Zaboïtzeff (violoncelle, basse, voix, claviers, percussions)
- Patricia Diallo (piano, piano électrique, claviers)
- Jean-pierre Soarez (trompette, percussions)
- Didier Pietton (saxophone alto sur 3, 4)


1. Sortie 134, Part 1
2. Cryogénèse: Rêve Artificiel
3. Io 1
4. Io 2
5. Io 3
6. Mouvance 2
7. Mouvance 1
8. Cryogénèse: Les Portes Du Futur
9. Sortie 134, Part 2



             



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