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- Style : Magma
- Style + Membre : Univers Zero, Thierry ZaboÏtzeff
 

 Art Zoyd (953)

ART ZOYD - Nosferatu (1989)
Par NANAR le 3 Février 2024          Consultée 467 fois

En cette fin de décennie 1980, ART ZOYD fait le grand saut dans l’épreuve du ciné-concert. Nosferatu, neuvième album d’ART ZOYD, retranscrit la quasi-intégralité de la bande-son composée pour le ciné-concert autour de Nosferatu (1921), film de Friedrich Willem Murnau et référence du cinéma d’épouvante. Il s’agit d’une commande du festival Les Inattendus de la ville de Maubeuge, pour l’édition de 1988. Les compositions ont donc été jouées au festival en 1988, mais ont été peaufinées en studio à l’automne 88 / hiver 89; il ne s’agit donc pas d’un album live.
ART ZOYD n’a pas le monopole des ciné-concerts. Citons par exemple UN DRAME MUSICAL INSTANTANÉ, autre groupe hexagonal à géométrie variable, qui a déjà réalisé de nombreux projets de cet acabit (certes pas tous publiés sur disque), dont le plus connu (si je puis m’exprimer ainsi) est, en 1983, une illustration du film L’Homme à la Caméra de Dziga Vertov, dans un style très contemporain mêlant acoustique, analogique et numérique. Film que ART ZOYD lui-même illustrera plus tard dans un tout autre registre (Eyecatcher, 2011).

En annexe de Nosferatu se trouvent trois autres morceaux, extraits d’une musique de ballet spécialement composée pour le Vorgänge Bewegungstheater de Salzbourg. Précisons encore que trois autres ensembles de morceaux sont restés inédits jusqu’à la sortie de l’incroyable coffret 44 1/2 – Live And Unreleased Works (2017); il s’agit de la Musique pour le Six-Centenaire du Beffroi de Béthune en 1988, ainsi que Globe Arena et Béthune 1789 en 1989. Sur ce même coffret figure enfin la trace d’une prestation live à la trente-huitième édition des Rugissants de Grenoble en 1990, où l’on trouve la majorité de l’album Nosferatu, ainsi que trois morceaux qui figureront sur le futur album Marathonnerre (1992); un document dont on peut s’amuser à trouver les différences avec les versions studio.

Ces multiples projets évoluent dans un style similaire: morceaux concis et écriture simple. Étonnant venant d’un groupe comme ART ZOYD, non? Qu’on se rassure, ART ZOYD ne s’est pas amusé à balancer plein de petites compos en mode random. Les dix-sept premiers morceaux ainsi que les trois derniers forment chacun un ensemble cohérent, et ont été pensés comme tel. Pris isoléments, certains morceaux peuvent paraître faméliques voire dérisoires, de par leur constitution: suites de notes répétées, nappes atmosphériques, samples saupoudrés. Chaque morceau représente un chapitre, une séquence scénaristique de l’œuvre originale. La musique voyage, se mue au fil des chapitres; les compositions respectives de Gérard Hourbette et Thierry ZABOÏTZEFF, auparavant souvent clivées, sont désormais imbriquées, fondues en un tout cohérent. Peu importe au fond qui a composé quoi, ledit tout vaut plus, beaucoup plus, que la somme de ses composantes. Cette démarche particulière donne un album très cohérent, très fluide, qui pose les bases d’un nouveau cycle artistique voyant le groupe non pas simplifier, mais épurer son style musical.

Commettre une simple B.O. au sens premier du terme aurait conduit ART ZOYD droit dans le mur. La plupart des bandes originales de film ou de série vendues telles quelles dans le commerce ne tiennent pas la route, du fait d’un ressassement des mêmes thèmes et d’une incohérence entre les nombreux petits morceaux qui les composent. Même si la trackist de Nosferatu peut faire peur, ART ZOYD ne s’est nullement borné à une œuvre in situ. ART ZOYD s’est ici fixé un double objectif qui sera réitéré par la suite: composer une musique entrant en osmose avec l’œuvre cinématographique, tout en se suffisant à elle-même. Les morceaux de la version CD ne suivent pas exactement la durée des scènes, les quelques redondances de la version de concert ayant été sabrées, "La Peste" et "Livre Des Vampires" se chevauchant originellement. Quelques images extraites du film figurent dans le livret (absent de la réédition de 2004!), proposant un ou deux extraits par morceau.

Nosferatu demeure une œuvre de qualité, même si je ne lui trouve pas la gniaque des précédents albums. Le son est une fois de plus irréprochable. Les samplers et synthétiseurs numériques règnent en maîtres, mais quelques touches acoustiques surgissent de temps à autre, le saxophone d’André MERGENTHALER ("L’œuf du Serpent", "Rumeurs II") qui fait ici sa dernière apparition au sein du groupe, sans oublier la voix caverneuse de Thierry ZABOÏTZEFF, qui fait de belles apparitions sur "Rumeurs III" et "Sleep No More". Certains morceaux sont plus oubliables que d’autres (le très anecdotique "La Peste"), mais l’album est truffé de passages remarquables. J’ai une préférence pour l’enchaînement "Le Maître Arrive" et "Rumeurs III", bien gouleyant. Le triptyque final Vorgänge est également à retenir, et tout particulièrement l’entraînant et étonnament pop "Sleep No More", qui demeure un cas unique dans l’univers zoydien et préfigure la carrière solo de Thierry (si l’on excepte Prométhée en 1984).

Nosferatu inaugure donc une nouvelle période musicale pour ART ZOYD comme pour Thierry ZABOÏTZEFF en solo (disons respectivement jusqu’à Häxan et Voyage Au Centre De La Terre), marquée par des sons électroniques crus et des compositions souvent courtes, organisées en recueils. Les albums de cette période sont marqués par la récurrence d’un disque à l’autre de certains objets sonores (comme le définit Pierre HENRY), synthétiques ou samplés – y compris parmi les productions plus anciennes, comme l’effet sonore qui ouvre Les Espaces Inquiets (1983) réinjecté ici dans "Livre Des Vampires", ou encore les tintements de "Ba Benzele" (1985) prochainement. Cela crée des correspondances musicales intéressantes que l’auditeur pourra se plaire à déceler, mais se révèlera quelquefois gênant.

Pondre un Berlin-Bis aurait été contre-productif. Nosferatu a pour le moins permis à ART ZOYD de renouveler son propos. La formule des morceaux-qui-n’en-font-qu’un-seul fonctionne bien ici, et sera reconduite avec plus ou moins de succès par la suite.

3 ½ sur 5

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- Gérard Hourbette (claviers, programmation, violon)
- Thierry Zaboïtzeff (claviers, programmation, violoncelle, basse électr)
- Patricia Dallio (claviers, programmation)
- André Mergenthaler (saxophone alto, violoncelle)


1. L'Œuf Du Serpent
2. L'agent Renfield
3. Le Voyage De Harker
4. Le Matin
5. Le Château
6. Nosferatu
7. L'Œuf Du Serpent Ii
8. Rumeurs
9. Rumeurs Ii
10. Anaphase
11. Le Maître Arrive
12. Rumeurs Iii
13. Les Docteurs
14. La Peste
15. Livre Des Vampires
16. Anaphase Ii
17. Le Maître Est Mort
- Vorgänge
18. Marées
19. Beffroi
20. Sleep No More



             



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