Doté d'une pochette emblématique avec trois fois rien (Sharleen Spiteri et Johnny McElhone dans une ruelle à briques rouges, posture et apparence tout aussi prolétaires, au plus proche du peuple britannique des petites classes), Ricks Road est l'album du retour au succès. En Grande-Bretagne, il se positionne dans le top 20 et trois singles, "So in Love With You", "So Called Friend" et "You Owe It All to Me" se classent dans le top 50 (le dernier extrait seul, "Fade Away", manque son coup). Toujours bien classé en Suisse également, la France est décidément le pays numéro 2 du groupe écossais, avec un beau double disque d'or consacré.

Rien d'étonnant quelque part, Sharleen & les garçons ont tout fait pour ça. Finies les années 80, la réverb' à gogo, même la guitare slide acoustique si 'american heartland' d'Ally McErlaine qui n'apparaît franchement que pour l'intro de "You Owe It All to Me". Le groupe a comme senti ses limites de ce côté avec Mothers Heaven (1991) et veut exploiter un son plus direct qui paradoxalement va le contraindre à délaisser toujours le rock un peu plus. Pour Ricks Road (1993, enregistré à... New York !), le groupe a fait appel à Paul Fox, producteur des POINTER SISTERS, d'XTC (Oranges & Lemons), ou encore de 10,000 MANIACS (Our Time in Eden).

L'évocation de ce dernier groupe est parfois citée comme un rapprochement musical, de même que les PRETENDERS, mais pas au crédit de TEXAS. Le fait de délaisser l'étiquette rock pour plus de facilité pop n'est pas pour arranger les choses, et avec Ricks Road leurs intentions sont claires : un tube sera loin de suffire ! Alors beaucoup de chansons demeurent empreintes de cette recherche du succès à tout prix, mais ce n'est pas une mauvaise chose pour autant. L'album, d'une cinquantaine de minutes, semble tirer en longueur à la première écoute, mais il se bonifie à force d'y revenir et la qualité s'y trouve égale tout du long.

"So Called Friend", avec son intro californienne très classe, Sharleen sensuelle sur de grands accords ouverts, rythme entraînant, son chaud etc, est une petite perle d'efficacité que l'on savoure jusqu'au leitmotiv final pendant le solo de guitare. "Fade Away" la suit de près en succès d'écriture ciselée, avec davantage d'éléments blues/funk (notamment le guitare et le piano Wurlitzer qui est un favori d'Eddie Campbell sur ce disque), d'agressivité de la part de miss Spiteri et d'interactions entre les instruments. Notons d'ailleurs, outre sa mélodie hispanisante, "Hear Me Now" chaloupé et parfois lumineux, franchement excellent à son tour, conclu par un instrumental... pink floydien !

Difficile de passer à côté de ce single pop-rock en diable qu'est "You Owe It All to Me", avec une 'chansorceleuse', un organiste au diapason avec l'harmonica (les deux étant en feu sur le pont), un final plus soul. "You've Got to Live a Little" fait une percée en termes routiers, un morceau égayant et réjouissant à écouter en conduisant, l'harmonica faisant son retour aux côtés de choeurs gospel tous réalisés par Sharleen.
Dans un nouveau registre, comment peut-on passer sous silence "I've Been Missing You", pop bluesy en shuffle, complainte d'une chanteuse qui ne peuvent se voir considérées que comme enjôleuses ? Un des morceaux les plus sexy de TEXAS, approuvé par master Ragnar Lod... pardon, Erwin !

"So in Love With You" ou la tentative de ballade ultime. Une effluve de grands sentiments grâce aussi à ses cordes et sa caisse claire martiale, son arpège génial sur le refrain. TEXAS met le paquet, offre un beau creseendo avant de terminer sur une note plus intime, pour laisser le piano avoir le dernier mot ; du grand art ! Les cordes sont présentes encore pour "Listen to Me", slow folk suave délicieux où Sharleen Spiteri joue beaucoup de son falsetto. Elle s'adapte fort bien au registre blues un peu plus traditionnel de "I Want to Go to Heaven", résolument passionné, à la soul acoustique guère plus mineure de "Fearing These Days".

Et pour "Winters End", elle n'a rien à envier aux grandes chanteuses country ; la chanson elle-même finit l'album comme il se doit, magistralement, usant d'effets appropriés, batterie de Lynd plus prononcée, guitare 12 cordes... Si Ricks Road n'est pas un best-seller à proprement parler, peut-être pas même pour cette année 1993 en plein dans une période qui amène d'autres starisations musicales que dans le rock, s'il souffre un peu d'être suivi par deux albums qui vont faire date bien mieux, on aurait tort de l'oublier.