Si les Etats-Unis n'avaient pas fait la sourde oreille, les records de White on Blonde (1997) auraient pu être encore plus énormes. Première place dans leur Ecosse natale, deuxième place des classements en France où il est disque de platine (d'autant plus qu'il a été enregistré partiellement en Normandie, dans l'Orne, 61, à Joué-du-Plain et son château de la Motte), même distinction en Suisse et en Belgique, franc succès dans d'autres pays européens et le tandem lointain Australie/Nouvelle-Zélande, mais aussi et surtout sextuple disque de platine pour l'ensemble du Royaume-Uni. Certes, à moins de cinq millions de copies, on peut dire qu'il y a eu des best-sellers plus faramineux en musique, mais à l'échelle d'un groupe de rock, c'est déjà fort et il n'y en aura plus beaucoup de tels dans l'histoire à compter du nouveau millénaire (LINKIN PARK, MUSE). Le rap est sur le point de tout truster, et TEXAS lui-même parvient à son apogée d'une période de cinq ans dont il va devoir bien profiter.

Au niveau de son image, il reste encore un groupe mais avec une chanteuse qui prend de plus en plus d'assurance. À se demander pourquoi elle se voile ainsi la face sur la pochette désormais culte de ce quatrième album des Ecossais, alors qu'au verso du livret, en plan rapproché, elle apparaît somptueusement collée à une paroi avec un visage captivant, épaules/bras nus et décolleté en latex des plus prometteurs (Erwin, tu peux ajouter cette image sur ton 'wall of femmes' du rock !). Si Sharleen Spiteri n'a pas encore trop déteint sur l'esprit collectif, c'est justement parce qu'avec White on Blonde, les cinq membres de TEXAS parviennent à jouer la carte de l'unité et mieux que jamais, tout en ayant d'autres apports à la production dont Dave Stewart (moitié de EURYTHMICS) et Mike Hedges (The CURE, SIOUXSIE AND THE BANSHEES mais aussi U2, DIDO, TRAVIS).

Et puis, il y a ce début d'album merveilleux où, après une trentaine de secondes étranges faites de soul instrumentale noire, comme au sortir d'une nuit agitée, d'un cauchemar, le groupe nous envoie direct "Say What You Want". Une ballade faite d'éléments rap dans la rythmique mais sans plus, juste pour prouver qu'en dix ans depuis des débuts plus véritablement rock, les choses ont changé, TEXAS s'adapte et sans se renier puisque l'apport mélodique de choix a subsisté. Une ballade printanière, comme une 'love scene' faite de caresses et autres mamours au petit matin, voilà ce qu'est cette chanson superbe, au petit arpège de guitare électrique bien pensé, aux cordes léchées, au Fender Rhodes qui plane à côté, aux halètements saccadés mais suaves de miss Sharleen. Le 'when I get that feeling...' semble être un clin d'oeil subtil à Marvin GAYE et son "Sexual Healing" (1982), le pré-refrain rêveur nous tient en haleine chaude et le refrain, si doux bien que plus orchestré, reste un modèle d'efficacité. Simple, porteur. 3ème place dans les singles charts britanniques/UK !

Il y a ensuite, si l'on garde l'ordre du classement, cette "Insane" incroyablement bien cotée, alors qu'il s'agit d'un air r'n'b sombre, triste, éperdu même pendant son solo de guitare et ses cordes qui s'élèvent dans un ciel gris. Les phrases chantées sont constamment ornées de sons de trombone, de saxophone ténor insidieux, comme pour illustrer une forme de mal-être et, cependant, il y a ce refrain où perce toujours un peu de lumière, d'optimisme avant de retomber inéluctablement. Dommage que TEXAS n'utilise point davantage de cuivres et du grand art pour une pop nouvelle génération sous forme de diamant noir, un peu oubliée. 4ème place dans les singles charts UK !

"Black-Eyed Boy" a mieux retenu l'attention avec le temps, en bonne tentative de hit jusqu'au-boutiste comme il avait tant voulu en faire sur l'album précédent, esprit Motown impeccable et immanquable par un groupe de la patrie au chardon au point de donner l'illusion. Ces cordes montantes et descendantes pour thème principal vont vous rester en tête, pas toujours pour le meilleur. Il s'agit néanmoins, contrairement à l'habitude, d'une composition de tout le groupe et non pas seulement de Spiteri/McElhone. En outre, comment résister au refrain épique, à la guitare funky et au final avec Sharleen dont la seconde voix s'égosille magnifiquement, avec pour seule contrainte de ne pas nous en faire bénéficier suffisamment de temps ? 5ème place dans les singles charts UK !

Si TEXAS, avec un nom pareil et depuis le départ, ne semble avoir aucune envie d'évoquer sa patrie écossaise avec un soupçon d'identité en musique, l'intro de "Put Your Arms Around Me", avec voix féminine et résonances célestes, garde quelque chose de celtique. Le reste de la chanson est un slow langoureux, avec quelques accents indé dans la guitare cinglante tandis que des 'sha la la' nous sont susurrés avec délice. Sharleen nous enveloppe, en falsetto, en sensualité, jusqu'à ce qu'elle-même se laisse déborder par le désir et clame 'stop!'. Juste avant, il y a "Halo", meilleur titre du disque car non seulement rock, débuté par une forme de berceuse noire très brève, lancé par le groupe augmenté de cordes héroïques pour un effet nostalgique et étourdissant, un refrain magique, une chanteuse impériale. 10ème place pour ces deux titres dans les charts UK !

Voilà pour les tubes, mais ensuite, que reste-t-il ? C'est ça, la réussite de White on Blonde : arriver à mélanger succès massif et des chansons méconnues qui restent fortes. Le caractère printanier se retrouve dans les débuts folk Sharleen/guitares acoustiques du morceau-titre et de "Drawing Crazy Patterns", ce dernier avec un refrain traînant et une grosse guitare à écho pour le pont, "White on Blonde" non-moins majestueuse dans sa tenue soft-californienne si simple, toujours façon amour au petit matin. "Ticket to Lie" poursuit la belle ambiance douce et fraîche typée west-coast, on note que Campbell insiste joliment à l'orgue quand ailleurs il est plutôt discret. À force, Sharleen, décontractée, semble prendre un bain de soleil sur "Polo Mint City", interlude où interviennent quand même toujours des lead guitares saturées au milieu des cordes, du rêve ensoleillé, rappelé encore plus brièvement sur "0,28" sans que l'on trouve à redire.

"Good Advice" joue de nouveau la carte Marvin GAYE pour une intro céleste (flûte sur cordes) ainsi que pour de la soul proprette, mais avec une haute teneur en 'love' et sensualité, une fois de plus avec quelques guitares réussies, crème plutôt ici. Si le rock nous manque, "Postcard" offre un blues électrifié gentiment agressif au chant tout aussi adapté que sur les ballades, des bidouillages menus, la 12 cordes bien gardée pour le clou et une batterie qui se confond avec une boîte à rythmes sans dénaturer. Enfin, "Breathless" termine l'ensemble par un nouveau slow r'n'b, sans surprise vu son ton solaire et amoureux mais lui aussi à l'avenant, agrémenté d'harmonica et de choeurs masculins un peu plus appuyés.
Un joli travail que tout cela, une fausse allure conceptuelle pour une trame qui fait du bien (l'album, paru au coeur de l'hiver en février 1997, a de quoi réchauffer le coeur et le reste) mais aussi un rapport belles chansons-tubes imparables à la pelle comme TEXAS n'en a jamais connu et n'en connaîtra plus jamais.