Johnny Winter And... voici un nom d’album qui semble bien mystérieux au premier abord, mais pas incohérent en réfléchissant à l'orientation musicale commencée par Johnny winter dès son album Second Winter. En effet, sur cet opus on pouvait déjà constater une transition du blues vers une musique plus rock'n roll. Cet effort se poursuit sur And, mais vous me direz quel rapport avec le titre de l'album? Je pense que cet abandon (provisoire) du blues, genre qui a fait de lui une star dès la fin des années soixante s'est accompagné inévitablement par le besoin de créer un groupe uni, dans lequel tous les membres sont placés sur le même plan, ont à la même importance, peuvent contribuer à la composition des chansons et ne sont plus là seulement pour accompagner le leader qui fait tranquillement sa carrière solo. Un groupe de rock un peu à la manière des Rolling Stones ou des Who, d'où le nom Johnny Winter And qui implique inévitablement les autres membres du groupe. D'ailleurs, rien qu'en regardant la pochette, on peut remarquer que tous les musiciens sont photographiés et pas seulement Johnny Winter comme sur la quasi-intégralité des albums du Texan.

Cette évolution se ressent dans les chansons de cet album. Johnny Winter n'est plus seul à la guitare et au chant: on trouve à ses côtés Rick Derringer, guitariste-chanteur mais également co-producteur du disque, Randy Hobbs bassiste-chanteur et Randy Z (frère de Rick) à la batterie qui a composé la très belle ballade « Am I Here? ».

Cette variété de chanteurs et de compositeurs constitue la force de l'opus et en fait un album très contrasté au niveau des styles: plus rock n' roll de la part de Rick Derringer à l'image de « Rock n' roll, Hoochie Koo », plus bluesy pour Johnny Winter (« Prodigal son ») , plus rock avec les ballades envoûtantes de Stevie Winwood (« No Time To Live ») et de Allan Nicholls (« Let the music Play ») qui ne font que confirmer l'évolution musicale de Johnny Winter. Les voix antithétiques des différents chanteurs rendent encore plus évident ces effets de contraste ; où l'on oscille de la voix rocailleuse et parfois même forcée de Johnny Winter et à celles de ses amis Rick et Randy aux voix plus douces et (à mon humble avis) plus agréables à écouter.

Cet album est une belle réussite de la part du Texan : il y a de bons riffs de guitare, de bons solos, de bonnes compos, de bons musiciens, alors que demander de plus? Rien, à mon avis même si l'on peut éventuellement reprocher un manque d'originalité et d'inventivité, ce qui fait que cet album n'est pas un chef d'oeuvre, mais cela n'enlève rien au charme de And. Cependant, cette association avec les membres des McCoys ne durera que quelques mois, le temps encore d'enregistrer un live. And restera le seul album sans morceau blues de Johnny Winter.