Apôtres d'un blues-rock simple et carré, les membres d'AC/DC sont condamnés à des morceaux finalement assez semblables. On pourrait même se demander si la possession de plusieurs albums a du sens. D'autant que leur disque précédent, Powerage, a montré l'essoufflement du gang. Pour arriver à se renouveler avec les mêmes riffs et le même blues, il faudrait une écriture qui tienne du génie.

Ce sont des putains de génies.

Highway to Hell enfonce tout. On pensait avoir fait le tour chez les Aussies, de "Bad Boy Boogie" à "High Voltage" en passant par les "Whole Lotta Rosie" ou les "Riff Raff". Or, en 4 mesures, ils nous foutent par terre. "Highway to Hell" est un morceau dont l'évidence et la perfection le placent direct aux côtés de "Jailhouse Rock", "Roll Over Beethoven" ou "Satisfaction". Le riff, le beat et le flow de Scott entre chaque coup de six-cordes en font immédiatement un 'classic', dès la première écoute.

Le génie consiste aussi à bosser (le génie c'est 1% d'inspiration, 99% de transpiration, disait Thomas Edison, lointain parrain de ces diables électriques), ce qu'ils n'avaient sans doute pas eu le temps de faire sur Powerage. Les frères Young, ça s'entend, ont planché comme des artisans pour ciseler ces morceaux au millimètre, où tout est pensé pour nous ensorceler. Cette science s'articule autour du BINAIRE. Un, deux. Poum-tchak.

Binaire comme les deux riffs de "Shot Down in Flames", frères jumeaux machiavéliques. Binaire comme les choeurs de voyous qui crient Girl's Got Rhythm en écho aux paroles de Bon Scott. "Girl's Got Rhythm", morceau ahurissant de perfection addictive. Binaire comme le beat de "Touch Too Much", basique, simplissime, qui fait mouche direct. Binaire comme l'alternance entre les phrases de Scott et le riff qui lui répond sur "Beating Around the Bush", succession de tueries monumentales.

Le secret de la magie tient sans doute aussi à l'arrivée de Mutt Lange à la production. Ce britannique fera les beaux jours d'un rock F.M assez atroce (Nickelback, DEF LEPPARD, BRYAN AdDAMS...), mais on ne peut pas dire qu'il ne sait pas fabriquer un son qui cartonne. C'est cette petite touche 'mainstream' qui aiguille AC/DC vers des choeurs bon-enfant fédérateurs ("Love Hungry Man", "If You Want Blood", "Night Prowler", "Highway to Hell"...). Et le pire c'est que ça fonctionne à mort. Seul "Get it Hot" peut sembler moyen. Tout le reste est parfaitement construit, équilibré, perforant, un couplet rageur est suivi par un refrain choral, un break fait monter la mayo et le final explose les derniers doutes.

Un album génial, puissant, de nouveaux riffs inoubliables, un groupe au sommet ! Le dernier chef-d'oeuvre pour Bon Scott, peut-être le plus grand chanteur de rock de l'histoire, qui mourra bientôt, endormi dans une voiture au petit matin, après une cuite de trop. Rest in Peace, mister.