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- Membre : Harry Nilsson

Randy NEWMAN - Sail Away (1972)
Par LE BARON le 18 Octobre 2016          Consultée 2327 fois

2 ans après son dernier album studio (12 Songs), Randy NEWMAN nous propose de nouveau 12 chansons courtes, ciselées, tant au niveau du texte que de la musique. Tout en finesse, ces 12 chansons peuvent paraître anodines si l'écoute n'est pas attentive. On peut se dire alors que l'on entend un de ces chanteurs comme il y en a beaucoup aux Etats-Unis : des histoires façonnées avec adresse, à défaut de vrai talent, et que l'on écoute avec plaisir sans qu'elles deviennent inoubliables. Sauf que NEWMAN, avec son air de ne pas y toucher, entame ici la dissection de son pays. La forme est délicate, certes, mais le résultat est saignant.

« Sail Away » ouvre l'album. Décrivant les Etats-Unis comme un pays de Cocagne, on peut d'abord penser que celui qui parle – car Randy NEWMAN se met une fois de plus à la place de son personnage – s'adresse à des gens en partance, probablement des migrants, les encourageant à monter à bord pour rejoindre un pays où l'on mange à sa faim et où tout le monde est heureux. La musique porte une certaine nostalgie, une émotion que l'on peut partager avec ceux qui vont tout laisser pour tenter la grande aventure de l'Amérique. Sauf que. Tout paraît plutôt confortable (qu'il est bon de se laisser aller à la nostalgie !) jusqu'au premier refrain, qui annonce la destination du voyage : la baie de Charleston. Ça y est, Randy NEWMAN a donné un grand coup de scalpel. Car Charleston, Caroline du Sud, fut un port très important pour... l'esclavage ! Ainsi, fidèle à son habitude, Randy NEWMAN joue avec son auditeur, lui laissant prendre la fausse piste de la chanson du migrant pour lui asséner d'un coup une vérité historique qu'il aimerait pouvoir oublier, surtout s'il est américain, blanc et bien pensant. Car pour parachever le tout, et comme toujours chez Randy NEWMAN, aucun jugement moral n'est prononcé. Plutôt que de céder à la facilité de la condamnation de l’esclavage, dont il pense qu'elle est évidente, il laisse son auditeur se débrouiller avec lui-même, mais après avoir touché un point éminemment sensible.

« Sail Away », la chanson, est un coup de maître. Mais le reste de l'album l'est également, ce qui met définitivement Randy NEWMAN dans la cour des (très) grands. Le contenu des chansons peut être plus léger : « Lonely At The Top », hilarante description du succès, ou « Simon Smith And The Amazing Bear », drôlatique et délirante. « Political Science » est une leçon de géopolitique américaine que Donald Trump ne renierait sans doute pas : puisque le monde ne nous (« nous » pour les Etats-Unis) aime pas, malgré tout ce que nous avons fait pour lui, larguons des bombes ! Mais sauvons l'Australie, pour ne pas faire de mal aux kangourous. Et pour y faire du surf. Là encore, NEWMAN ne dénonce rien, mais se présente en très grand satiriste, qui aime à pousser les idées les plus stupides jusqu'au bout, et avec bonhomie. Ne tirant de nouveau aucune morale de ce qu'il chante, il n'impose rien, charge à l'auditeur de former son propre jugement.

Il n'est pas possible de passer chacune des chansons en revue, mais il faut bien sûr mentionner « You Can Leave Your Hat On », un immense succès, chanté notamment par Tom JONES et Joe COCKER, ce dernier décrochant haut la main la palme de la vulgarité avec ses beuglements. La version originale est évidemment beaucoup plus intéressante, et de très loin, Randy NEWMAN parvenant à rendre son interprétation parfaitement libidineuse, très éloignée de tout type de sentiment.

Enfin, cet album se termine par une nouvelle pépite : dans « God's Song (That's Why I Love Mankind) », Randy NEWMAN décrit rien moins que la misérable vie des êtres humains observée d'en haut, par un Dieu hilare et n'ayant pas l'intention de faire quoi que ce soit pour aider l'humanité, même s'il en aime la faiblesse et les prières. C'est une chanson magnifique, par ce décalage de point de vue dont NEWMAN est coutumier. Dieu n'est ni bon, ni mauvais, juste amusé.

Toujours délicat, jamais pesant, Randy NEWMAN n'en est pas moins un artificier. Mais c'est adepte des mèches longues plutôt que courtes, de celles qui font tout sauter, mais après un temps d'imprégnation nécessaire. L'auditeur doit être attentif et patient. Randy NEWMAN n'est pas difficile à aborder, mais il se mérite.

Sail Away est le premier d'une série d'albums magnifiques. Le fait que Randy NEWMAN reste confidentiel encore aujourd'hui est une grande injustice. C'est un artiste surprenant, mais nécessaire, à découvrir d'urgence.

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   LE BARON

 
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- Randy Newman (piano, voix)
- Ry Cooder (guitare)
- Russ Titelman (guitare)
- Jim Keltner (batterie)
- Gene Parsons (batterie)
- Earl Palmer (batterie)
- Chris Ethridge (basse)
- Wilton Felder (basse)
- Jimmy Bond (basse)
- Milt Holland (percussions)


- sail Away
1. Sail Away
2. Lonely A The Top
3. He Gives Us All His Love
4. Last Night I Had A Dream
5. Simon Smith And The Amazing Dancing Bear
6. Old Man
7. Political Science
8. Burn On
9. Memo To My Son
10. Dayton, Ohio - 1903
11. You Can Leave Your Hat On
12. God's Song (that's Why I Love Mankind)



             



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