Cette plage du mémorial marque la fin de la première époque de la carrière des demi-dieux norvégiens d'A-HA. Nous sommes en 1993, et ce sont déjà des souvenirs d'adolescence qui nous assaillent à l'écoute de "Take On Me", il y a une belle éternité. Pour les Scandinaves, il s'agit de survivre à l'acte de décès de la new-wave classique. L'heure est aux mouvements alternatifs, au grunge, il faut s'adapter à la demande. Une pochette plus lointaine, qui marque aussi sans doute l'entrée dans un autre monde pour le trio, les heures faciles semblent révolues. Tout ceci est mis en boîte aux studios Paislay du Kid de Minneapolis lui-même, PRINCE.

Le premier single "Move to Memphis" - sorti 2 ans plus tôt - bénéficie d'un joli riff acéré de guitare de Pal Waaktaar. L'idée générale nous rapproche des courants musicaux alors à la mode. Il y a un petit grain, notamment dans l'agressivité générale du titre, assez réussi. On note d'ailleurs le petit lick de guitare à la PRINCE, influence évidente. Le point d'orgue de cette livraison est toutefois le second single - et cela est confirmé par Mr Furuholmen lui-même - la jolie et atmosphérique "Dark Is the Night For All" qui permet à nouveau au chant clair de Morten de faire merveille.

S'ensuit la jolie petite ballade "Angel In the Snow", avec toujours cette production sophistiquée qui caractérise les albums de nos jouvenceaux. Enfin, "Lie Down In Darkness" leur permet d'investir définitivement de nouveaux champs artistiques, sur une ambiance rock soul à la ROLLING STONES. C'est à nouveau assez sympa pour être signalé. Au niveau des singles, on ne peut leur daigner d'avoir produit un bel effort !

La musique du groupe évolue cependant sur tous les fronts et prend en certaines occasions une certaine ampleur. En effet, un slow crépusculaire très B.O va aussi marquer les esprits : l'éponyme et fameux "Memorial Beach" narre avec romantisme les souvenirs et émois d'antan, mais l'idée n'a rien de passéiste, bien au contraire. Dans ce même trip B.O "Cold as stone" se signale par une basse lancinante de belle tenue et des guitares alternatives très étonnantes - on a envie d'applaudir ! - pour qui connaît bien A-HA.

Et ça recommence, les aspects presque soul funk de "How Sweet It Was" à la belle rythmique de guitare confirment cette évolution presque drastique, d'autant que le chant de l'icône Morten est toujours aussi bien placé. "Between Your Mama and Yourself" avec sa petite ambiance très sixties ne fait qu'entériner cette nouvelle prise de position. Enfin, nous avons même une espèce de Blues alternatif avec l'originale "Lamb to the Slaughter", composée par Magne - ici son unique contribution - magnifiquement orchestrée. Cette pièce ne manquera pas d'attirer l'attention, et je vous la conseille vivement.

Tout ceci me semble, à l'image de nos Norvégiens, drôlement sain ! Plus rock, plus couillue, leur musique ne s'adresse plus du tout aux midinettes de tous poils, mais clairement aux fans de rock ! Morten, qui ne minaude plus, occupe remarquablement l'espace avec sa belle voix claire. Nous allons clairement féliciter Pal Waaktar pour des compositions variées et fort agréables, et regretter que cet opus, un des moins appréciés de la communauté des fans d'A-HA, ait conduit à la mise en sommeil du groupe.

Un 4 net et sans bavures, leur meilleur album pour moi jusqu'à présent.