On en fait beaucoup trop au sujet des BEATLES.

Depuis un demi-siècle, la réputation des Fab Four est énorme. Plus grand groupe du monde, révolution musicale, mais surtout sociologique, personnalités uniques et inimitables... les louanges ne manquent pas, partout comme nulle part. Mais à force de déifier les quatre (ou cinq avec George Martin) de Liverpool, on en oublie d'écouter vraiment leur musique, et du coup on échappe à un cruel constat : leur réputation est quelque peu surfaite. Loin de moi l'idée de dire que les BEATLES étaient médiocres voire mauvais, mais à côté des quelques pépites qu'ils ont pu laisser sur leurs disques figurent trop de morceaux bancals pour les qualifier de chefs-d'oeuvre.

Le constat est encore plus appuyé avec le double blanc, qui enchaîne les erreurs. D'un côté, on entend que ce disque est fabuleux car double et éclectique. Ce sont justement des défauts à relever. Déjà, faire un double est une erreur, et ce d'autant plus étonnante quand on sait que les BEATLES avaient tendance à être perfectionnistes et sélectifs. Ensuite, jouer de tous les styles est intéressant, mais au sein d'un même album, le manque de cohérence est difficilement évitable. Et pas pardonnable quand les morceaux sont mauvais : "Ob-La-Di, Ob-La-Da", "Piggies", "Sexy Sadie"... il faut avoir une sacrée dose d'humour ainsi qu'une large tolérance pour les aimer. Que dire également de "Good Night", qui ne ressemble à rien d'autre qu'une pauvre parodie de standards de comédie musicale ? En outre, le double blanc permet de relativiser le caractère génial des pionniers de Liverpool : "Helter Skelter" n'est jamais qu'un énième morceau de garage rock avec une bonne production, et si l'osé "Revolution 9" a marqué les esprits, il n'en reste pas moins qu'il est peu agréable, et surtout quand on sait que Faust fera la même chose en bien mieux trois ans plus tard.

Le double blanc contient tout de même son lot de bonnes chansons, talent des BEATLES oblige. "The Continuing Story of Bungalow Bill" au refrain crétin mais entraînant, et pour les plus exigeants, "While my Guitar Gently Weeps" s'imposerait comme le meilleur morceau de l'album s'il n'y avait pas "Back in the USSR", soit une ouverture puissante et grandiose (pas autant que "Come Together", certes, mais c'est déjà pas mal). Et si "Helter Skelter" ne mérite pas un culte aussi puissant, elle n'en reste pas moins une explosion d'énergie des plus appréciables.

En 1968, les BEATLES apportent une nouvelle pierre, que dis-je, un nouveau pan de mur à ce monument sacré qu'est la Musique. Il ne faudrait pas faire son révisionniste et renier l'apport du double blanc, mais il faut bien comprendre que derrière le mythe se cache une oeuvre aussi fondatrice que fragile.