1972. BLACK SABBATH est au sommet de sa gloire. En plein âge d'or, le groupe vient de poser les bases du heavy metal avec une trilogie d'albums légendaires - "Black Sabbath" (1970) ; "Paranoid" (1970) ; "Master Of Reality" (1971) - et achève deux années de tournées-marathons. "Master Of Reality", album au son lourd, caverneux, stellaire et puissant, s'achevait sur une chanson prophétique, "Lord Of This World". Cette chanson reflète très bien l'état du groupe de Tony Iommi en ce début de décennie : BLACK SABBATH est alors le leader absolu et quasi-incontesté d'un genre musical qu'il vient de faire naître. Sa domination créatrice dans ce domaine est encore loin d'être achevée. Les prémices d'expérimentations sonores audibles sur "Master Of Reality", ses sonorités incantatoires et ténébreuses, tout celà laissait présager d'un album encore meilleur, une oeuvre encore plus recherchée, encore plus aboutie ... Ce défi créatif, BLACK SABBATH l'a superbement relevé et matérialisé dans "Volume 4".

Solaire ET ténébreux, enjoué ET dépressif, psychédélique ET métallique, pesant ET léger à la fois, "Volume 4" est un foisonnement d'ambiances démentielles. Enregistré aux USA par un groupe totalement dépendant aux drogues les plus dures (la chanson "Snowblind" et le sticker "Enjoy Cocaine" alors arboré par Geezer Butler sur sa basse sont là pour nous le rappeler), cet album transpire d'une chaleur sonique venue d'un autre monde. La guitare de Tony Iommi semble fonctionner telle une étoile, aspergeant l'auditeur d'éruptions solaires intempestives ("Under The Sun", "Cornucopia") et de rayonnements gamma radioactifs ("Wheels Of Confusion"). L'utilisation massive de basses ronflantes (autant pour la guitare que pour la basse) témoigne de la poursuite des recherches sonores entammées depuis "Paranoid". La coupure centrale, constituée par quelques légères notes de piano désormais cultes ("Changes") et par d'obscurs trifouillages de consoles ("FX"), permet au voyageur cosmique/auditeur de reprendre son souffle avant de se refaire happer violemment par un trou noir ("Supernaut") Ce genre de progression musicale sera repris plus tard sur l'album "Mob Rules" (avec le morceau "E5150") et se retrouve dans d'autres albums postérieurs ("Seventh Star", "Tyr" ...)

Aussi coloré et lumineux qu'un coucher de soleil sur une plage de Californie ("Laguna Sunrise" semble réellement avoir été composée lors d'un tel moment) et aussi obscur que le vide sidéral, "Volume 4" et sa pochette au graphisme 70's (culte lui aussi) constituent un moment charnière dans la discographie du groupe. BLACK SABBATH atteint ici le summum de sa lourdeur sonore : plus rien ne sera pareil après. Déjà "Sabbath Bloody Sabbath" assagira quelque peu les choses l'année d'après et le groupe devra attendre 1983 et l'album "Born Again" pour retrouver une lourdeur similaire, en moins bien toutefois. Une telle lourdeur de riff a été souvent copiée par la suite : on appelle celà le Doom Metal. "Volume 4", album ultime du Doom ? Probablement, oui probablement.