Incroyable histoire que celle de METALLICA. Comment en huit années et cinq albums passer du statut de rejeton le plus sauvage de la N.W.O.B.H.M., seigneur du Thrash Metal, à celui de plus gros vendeur de disques de Metal de l'histoire et un des groupes les plus connus et immédiatement identifiables du monde ? Ce miracle a une figure, et presque un nom : l'album Metallica ou le "Black Album" comme il est souvent nommé, probablement en clin d'œil au légendaire White Album des BEATLES alors qu'il en est finalement l'exact opposé en terme de démarche artistique.

Car ici pas de place à l'individualisme, encore moins à l'expérimentation et autres divagations inspirée par des substances illicites : sous la houlette du fameux Bob Rock, tout est minutieusement pesé, agencé et dosé pour aboutir à une formule magique, celle qui va faire de nos Four Horsemen des multi-millionnaires par la grâce de ce véritable monument de Metal mainstream. Les progrès impressionnants de James au chant et le son savamment concocté de l'opus expliquent en grande partie le phénomène, mais il échappe finalement à toute réelle analyse tant il fut fulgurant et d'une portée imprévisible.

Si on y regarde de plus près, ce disque copieux (douze titres pour 63' de musique) est avant tout porté par ses trois célèbres monuments : "Enter Sandman" évidemment, parfait titre de stade qui réveillerait un mort; "Nothing Else Matters" essentiellement, le titre que mes filles qui n'aiment pas le Heavy Metal reconnaissent en une demi-seconde et qui est désormais repris sous format easy-listening par des chanteurs aux voix éthérées; "The Unforgiven" enfin, excellent pastiche du fameux "Ecstasy Of Gold" de Ennio Morricone que les californiens utilisent de longue date en entrée de concert.
Ces titres sont certes excellents, mais tellement formatés et rabâchés qu'il deviennent difficile à entendre aujourd'hui.

Et les neuf autres titres ? "Whenever I May Roam" avec son intro orientale est presque du niveau des trois précités, le reste va du peu au pas intéressant. Les intros sont généralement réussies, certains riffs font mouche, certains refrains captent l'attention mais rien n'égale les splendeurs passées. On a souvent l'impression d'être dans du Canada Dry de Metal: ça en a le goût et la couleur mais ce n'est pas vraiment du Metal (et je ne parle pas de Thrash)tant tout est conçu pour ne pas heurter ni écorcher les oreilles non initiées dont le portefeuille est la cible réelle de l'opus (ce n'est pas une critique, mais un constat).

A l'époque, j'ai découvert ce disque par les passages radios des tubes sur Oui FM, un comble pour un fan de la première heure qui a assisté aux concerts des débuts devant 1.000 personnes environ au théâtre de verdure de Nice. J'avais du sentir le virage, et commencé à m'éloigner d'un groupe qui n'était plus le jeune horde sauvage que j'avais tant appréciée à ses débuts. En réécoutant ce disque aujourd'hui, je ressens la même impression qu'à l'époque : malgré ses qualités, il n'était pas fait pour moi et si je n'ai jamais pris vraiment le temps de l'écouter c'est parce qu'il sonne la mort du METALLICA que j'ai aimé et qui ne reviendra plus malgré les tentatives maladroites de ces quinze dernières années.
Je me fends néanmoins d'un trois car ce "Black Album" reste, et restera probablement, le dernier disque studio acceptable des Américains.