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METALLICA - ...and Justice For All (1988)
Par SASKATCHEWAN le 15 Mars 2014          Consultée 7737 fois

Aussi improbable que cela puisse paraître a posteriori, toutes les conditions sont réunies en 1988 pour que METALLICA sorte un Black Album avant l’heure. Lars Ulrich, comme la moitié des Etats-Unis à l’époque, est en pleine GUN'N'ROSES-mania. Leur premier album, Appetite for Destruction, a connu un succès phénoménal l’année d’avant, et Axl Rose a remplacé pour un temps les vieilles idoles de la NWOBHM dans le cœur du batteur danois. Alors, quand Flemming Rasmussen se déclare indisponible pour enregistrer le nouvel album, Ulrich et Hetfield pensent immédiatement à Mike Clink, le producteur d’Appetite for Destruction.

Seulement, en 1988, deux ans à peine après la mort de Cliff Burton, le groupe n’est pas prêt à faire sa révolution. Le remplaçant de Cliff, Jason Newsted, ex-bassiste de FLOTSAM AND JETSAM, ne s’est pas vraiment intégré à la bande. Pire, la tournée au Japon qui doit promouvoir Master of Puppets se transforme en épreuve de bizutage interminable pour le 'Newkid'. L’enregistrement d’un E.P de reprises en 1987, Garage Days Re-Revisited, est l’occasion pour le petit nouveau de prouver son talent, mais quand vient l’heure des sessions avec Mike Clink, Newsted est une fois de plus mis à l’écart.

Mike Clink ne tarde pas à tomber en disgrâce lui aussi : lassé par les méthodes du nouveau producteur, Lars Ulrich supplie Rasmussen de reprendre les choses en mains. Ce dernier s’envole pour Los Angeles en février 1988, pour une session d’enregistrement qui va durer cinq mois. Malgré les nouvelles lubies musicales de Lars, le duo créatif de METALLICA est désormais convaincu qu’il n’a pas complètement épuisé les possibilités de la formule Ride the Lightning. Il reste une tonne de riffs et d’ébauches de compositions à exploiter, et l’influence de Cliff se fait encore sentir dans la musique et l’attitude du groupe.

Tous ces errements lors de l’enregistrement, ces hésitations sur la direction artistique à prendre, sont à l’origine de cette catastrophe géniale que représente Justice... dans la carrière des four horsemen. Hetfield et Ulrich ont souhaité une production radicalement différente, à la fois sèche et tranchante, très travaillée, à l’opposé du son 'brut' du dernier E.P. Le mixage, réalisé par Steve Thompson et Michael Barbiera, est complètement raté : la basse de Newsted est réduite au silence par la batterie et la guitare rythmique, ce qui ne doit rien au hasard. Lars Ulrich et James Hetfield ont sciemment effacé Jason Newsted d’…And Justice for All, comme s’il était indigne de jouer sur un album de METALLICA. Ambiance.

En dépit de tout cela, …And Justice for All est un sommet du metal : la colère, la frustration, le dégoût n’y sont pas feints ; METALLICA décline sa rage en neuf morceaux et une heure de musique. Dès les premières notes de "Blackened", on mesure le gouffre qui sépare Justice... de ses deux prédécesseurs : l’architecture est la même, mais les intentions sont beaucoup plus radicales. Même si elle va de moins en moins vite, la musique de METALLICA est de plus en plus extrême, les paroles de plus en plus sombres. Hetfield a trouvé sa voix définitive, un chant rauque et hurlé qui tranche avec les cris aigus de la plupart des chanteurs de heavy et de glam. Ulrich, pour la première et dernière fois de sa carrière, parvient à trouver l’équilibre parfait entre violence et raffinement. Hammett, enfin, est plus en retrait, avec un jeu moins tape-à-l’œil, ce qui lui réussit plutôt bien.

…And Justice for All est un monument à gravir qui offre peu d’aspérités, si ce n’est "One", le seul véritable 'classique' tiré de l'album. METALLICA retrouve le thème de la guerre, avec un sujet inspiré du roman Johny s’en va-t-en guerre de Dalton Trumbo. "One" est une lente montée en puissance où Hetfield se risque au chant clair avant que les guitares ne se déchaînent. La fin du morceau est l’un des moments les plus forts de l’œuvre de METALLICA, où les riffs acérés de Hetfield et les blast beats d’Ulrich font surgir un véritable champ de bataille des enceintes.

Une fois qu’on a mis le doigt dans l’engrenage, il n’y a plus qu’à se laisser happer par "Eye of the Beholder", "The Shortest Straw", "Harvester of Sorrow" et consorts. …And Justice for All, au fond, est plus une suite qu’un véritable album de rock : chaque morceau répond aux 8 autres dans un ensemble indivisible. Seul "To Live is to Die", hommage à Cliff Burton, se détache du monolithe par son aspect triste et solennel. D’ailleurs, il m’a toujours semblé que l’on entendait mieux la basse sur ce morceau en particulier, comme une sorte d’écho grave en arrière-plan.

Quelque part, …And Justice for All représente bien plus que le manifeste rageur d’un groupe en deuil, c’est aussi et surtout un passage de témoin entre deux générations du métal extrême. METALLICA a épuisé son radicalisme dans un album à la limite du thrash ; d’autres groupes plus jeunes, plus audacieux, n’ont plus qu’à prendre le relais (coucou DEATH !). Une fois soldé l’héritage de Cliff Burton, METALLICA n’a plus qu’à se laisser porter par l’ambition de ses deux membres fondateurs, convaincus que leur créature peut devenir une légende du rock.

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   (5 chroniques)



- Lars Ulrich (batterie)
- Jason Newsted (basse)
- Kirk Hammett (guitare)
- James Hetfield (chant, guitare)


1. Blackened
2. ...and Justice For All
3. Eye Of The Beholder
4. One
5. The Shortest Straw
6. Harvester Of Sorrow
7. The Frayed Ends Of Sanity
8. To Live Is To Die
9. Dyers Eve



             



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