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Anne VANDERLOVE - La Sirene (1976)
Par MARCO STIVELL le 11 Mars 2019          Consultée 1431 fois

Cette image dessinée par Enki Bilal est très connue, et pour cause ! Elle est extraite du Vaisseau de Pierre, BD parue en 1976 et deuxième volume de la trilogie des Légendes d'aujourd'hui. Suivant l'histoire scénarisée par Pierre Christin, les Bretons, à travers un mage (qui pourrait aussi être un druide), y voient un symbole dans leur soulèvement au profit de la nature ainsi que de leur chère culture et à l'encontre d'un pouvoir oppresseur, ici le grand capitalisme. Ce n'est pas étonnant si Anne VANDERLOVE, chanteuse contestataire, pour moitié originaire de la péninsule, (sa mère) goûte à cette image, planche impressionnante qui occupe toute une page dans la BD. Quelques années plus tard en 1988, TRI YANN la reprend aux mêmes dimensions et sur fond noir aussi pour son album le plus exigeant, adaptée de l'oeuvre de Bilal et Christin.

VANDERLOVE, quant à elle, s'en éloigne, mais pour moitié seulement. La face B est particulièrement dédiée au caractère politique de la chanteuse, avec "Les mains blanches", cinglant à l'égard des puissants, ou des chroniques d'événements récents (la grève étudiante de 1976, très forte en Bretagne, Nantes comme Rennes) sur "La manif des chiens" par exemple. La chanteuse reste elle-même, pour un résultat meilleur que jamais dans ces quelques élans de plume bien sentie. Seulement là, on parle de la voix et de l'ambiance voulue, car contrairement aux disques précédents, il arrive à VANDERLOVE de narrer les textes.

Textes qui ne sont pas les siens, guère plus que les musiques. Les sources sont diverses, il y a des reprises de folk américain (GUTHRIE, Bob DYLAN pour Joan BAEZ), de la chanson française (MONTEHUS) émanant en partie d'artistes bretons (François BUDET - père de YELLE -, Gilles SERVAT, Yvon LE MEN) ; Anne VANDERLOVE met d'ailleurs le poète Xavier Grall en musique deux ans avant Dan AR BRAZ, avec "Les marins". "Loguivy-De-La-Mer" reste une des chansons les plus connues de la péninsule. Il y a un traditionnel écossais, "The Great Silkie", mais tous les titres sont adaptés en langue de Molière. Deux morceaux ("La sirène" et "La Grèce") ont déjà été interprétés en compagnie de Philippe Val, qui les a écrits, sur leur album en commun appelé Non !

Il est heureux que ces morceaux aient été conservés et qu'Anne VANDERLOVE ait souhaité une autre mise en lumière pour eux comme pour elle, dont ils bénéficient. Loin du timbre grave de Val, et à la différence de ses disques précédents, elle choisit de chanter d'une voix très aiguë, pure, un chant de sirène véritable et magnifique mais qui ne fait de mal à personne. Elle est, de plus, seule pour la majeure partie du disque, avec un synthétiseur sur trois ou quatre morceaux de la face A, utilisé à chaque fois de différentes manières. Une voix féminine sensuelle, habitée, presque seule avec sa 12-cordes (la plus belle des guitares non électrifiées), pour des arpèges cristallins en picking, valsés ou 'coulés' à la manière d'une harpe celtique, un clavier féerique ; le son est réverbéré, on entend le vent, la mer à proximité.

Autant dire que la teneur en enchantements de cet album est très forte. On oublie vite que c'est un disque de reprises, ce qui pourrait constituer une déception, tant le climat et l'interprétation atteignent un niveau élevé d'élégance et de magie. Anne VANDERLOVE nous présente d'une façon divine quelques légendes celtiques, des histoires de sirène, de Selkie, aussi bien que des visions plus terre-à-terre mais non moins poétiques de marins retraités, ces regards parfois très masculins ("The Deportee" de GUTHRIE). Quelle grâce ! Quelle beauté ! Et quelle voix caressante !

Même les textes politiques y gagnent, car au lieu d'être scandés, ils sont contés et remarquablement, comme une maman le ferait à des enfants, avec des intentions remarquablement placées. On retrouve ces dernières sur certaines chansons. La reprise de Gilles SERVAT, "La ballade de Francois Quenechou", aussi bien que celle de Bob DYLAN sont d'autant plus merveilleuses qu'elles se distinguent de leurs originales dans le rythme, par le choix d'un picking de guitare rapide. Et puis il y a la voix, son falsetto. Beaucoup préfèrent la "Farewell, Angelina" de Joan BAEZ, un ami ne jure que par celle de Nana MOUSKOURI, pour moi c'est celle d'Anne VANDERLOVE.

Matériau musical limité, création absente, et pourtant ! Cet album, parmi les meilleurs de l'histoire du folksong à la française, est distribué par Velia, le même label que François Budet, et surtout le même que MYRDHIN (artiste principal), AN TRISKELL pour leur troisième album, plus tard Bernard BENOIT avec son Prélude Englouti. Spécialisé en enchantements, pour ainsi dire. L'enregistrement, de fait, se fait au château de Kernabat, à Plouisy dans les Côtes-d'Armor et s'imprègne du cadre, la présentation soignée est de mise, sous forme de pochette Gatefold ouvrante, avec images de bateaux et une splendide photo grand format d'Anne VANDERLOVE. À avoir absolument !

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   MARCO STIVELL

 
  N/A



- Anne Vanderlove (chant, guitare 12 cordes)
- Jean-claude Moreau (synthétiseur)


1. La Sirène
2. Loguivy-de-la-mer
3. Les Marins
4. The Great Silkie
5. La Ballade De François Quenechou
6. The Deportee
7. Les Mains Blanches
8. La Manif Des Chiens
9. La Grèce
10. Farewell, Angelina



             



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