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Etta JAMES - Sings For Lovers (1962)
Par LE KINGBEE le 6 Février 2021          Consultée 943 fois

Nous sommes maintenant en 1962, si Etta JAMES fait toujours recette sur scène où elle n’hésite jamais à envoyer la sauce avec un R&B gorgé de Gospel et de Blues, ses disques ne connaissent plus le succès du début. Les frères Chess se sont mis en tête d’en faire une chanteuse de ballade sentimentale avec un répertoire oscillant entre variété, musique populaire, et un Jazz easy listening. Quand on regarde de près, on peut se demander si Leonard Chess n’a pas voulu en faire le pendant de nombreuses chanteuses blanches de l’époque : Peggy LEE, Teresa Brewer, Kay Starr, Doris Day. En fait, le bon Leonard va à contre courants des tendances du moment, l’Amérique connait des changements radicaux au niveau de la musique : BOOKER T & The MG’S avec "Green Onions", Gene Chandler et son "Duke Of Earl", les ISLEY BROTHERS avec "Twist And Shout" sans oublier LITTLE EVA avec le dansant "The Locomotion". On peut penser ce qu’on veut de ces différents titres, mais Leonard Chess a un train de retard. En lorgnant sur un répertoire bien gentillet, bien comme il faut, à la limite pas très éloigné de ce que fait Ray Conniff, il piétine. Sans conter que la pauvre Etta, non contente de s’en mettre plein le nez, recommence à s’en remettre plein les veines.

Don Bronstein, photographe attitré du label Chess, auteur du "At Last" de cette même Etta JAMES et de nombreuses pochettes de disques de Jazz. Nous indique clairement à quelle sauce on va être mangé. Pour le coup, on dirait une pochette de Mitch Miller, Nelson Riddle ou Ray Conniff avec ce bonhomme qui embrasse sa bien-aimée sur le front. Rajoutez-y un petit cœur en rouge qui agrémente le I de "Sings" et vous avez devant vous un visuel peu avenant et pour le moins passe partout.

Placée sous la houlette de Ralph Bass, l’homme qui avait signé James BROWN chez King en 56, Etta JAMES entonne dix chansons orientées sur le Jazz vocal et la musique populaire. En fait, si Bass a contribué aux succès d’artistes comme Johnny OTIS, Howlin’ WOLF, Muddy WATERS ou Sonny Boy Williamson, on retrouve ici ses premières influences, des prédilections issues du Jazz. Bass a longtemps tourné dans le giron de Charlie PARKER, Charlie MINGUS, Errol Garner ou Billy Eckstine et on retrouve ici certaines tendances liées à ces diverses artistes. Curieusement, Bass décide de faire appel à deux arrangeurs différents ; une moitié du disque provient de l’orchestre de Riley Hampton, déjà présent sur le premier disque, l’autre moitié est confiée à Al Poskonka, ancien arrangeur du label Meteor au curriculum aussi fin qu’une feuille de papier à cigarette.

Le ton est donné dès le premier morceau, "Don’t Take Your Love From Me", une vieille ballade des années 40 popularisée par Mildred Bailey. Au fil des ans, la chanson sera accommodée à toutes les sauces (Country, crooner, Jazz, Vocal Jazz et Soul). Si la qualité de l’orchestration se situe un cran en dessous des instrumentaux de John COLTRANE ou Johnny Hodges, Etta JAMES nous délivre une interprétation pas trop sucrée. A notre sens, l’une des meilleures reprises avec celles de Timi Yuro et Doris Day."How Do You Speak To An Angel" n’avait jusqu'alors fait l’objet que de reprises masculines souvent grandiloquentes et parfois proche du ridicule. Le titre figurait dans la BO de "Living It Up" un nanar avec Jerry Lewis et Dean MARTIN. S’il n’y a ici pas de quoi sauter au plafond, la chanteuse délivre une version correcte, rendant ainsi ses lettres de noblesse à la chanson. A l’image du titre d’ouverture, elle reprend "Fools Rush In", seul titre de l’album édité en single et issu de la même époque. Le parallèle avec la version de Brenda LEE enregistrée quelques semaines plus tôt est évident. On se demande pourquoi Decca et Chess ont enfermé les deux chanteuses dans un répertoire d’écoute facile, digne de la ménagère type du début sixties. Etta James nous offre à notre sens l’une des meilleures reprises de ce standard, on regrette juste l’intro bourrée de violons, petit dada de Riley Hampton. On remonte dans la machine à explorer le temps avec "Don’t Blame" ⃰, un titre à l’eau de rose remontant aux années trente. Si encore une fois les violons se montrent quelque peu intempestifs, la voix et la sensibilité font leur effet. On pourra juste regretter qu'Etta ne chante pas derrière des ensembles dans la lignée de Thelonious MONK, Yusef Lateef ou Roy Eldridge. Cette face A se termine sur "Someone To Watch Over Me", compo du couple GERSHWIN au générique de la comédie musicale "Oh Kay !". Repris environ 700 fois, la chanson figurera au générique du film de Robert Wise "Star" chantée cette fois par Julie Andrews. La chanson sera également au générique du film "Traquée" du réalisateur Riddley Scott, chantée cette fois par STING. Vu le nombre de covers, la chanson sera cuisinée à une incroyable multitude de sauces, des plus traditionnelles aux plus sucrées jusqu’aux plus excentriques. Si Amy WINEHOUSE lui redonna un air de jeunesse dans une interprétation épurée, la version d'Etta James toute simple n’a que peu d’équivalent.

Pour l’ouverture de la face B, si vous êtes amateurs de violons n’hésitez pas à vous munir d’un parapluie, c’est une vraie cascade de cordes qu’on se ramasse sur le coin du museau. Titre d’après-guerre de Lionel Newman (frère d’Alfred et oncle de Randy), "Again"⸋ s’inscrit dans le genre chanson pomme d’amour débouchant assurément sur quelques caries. Une version qui vaut largement celle du duo Tom JONES/Sandra Locke, ancienne égérie des productions Malpaso. Composé par Pat Best mais parfois accrédité à Savannah Churchill, "I Want To Be Loved" fait partie de ces morceaux d’après-guerre qui gardent malgré eux une vieille odeur de renfermé. Troisième berlingot de suite avec "It Could Happen To You", une vieillerie d’avant-guerre cette fois, popularisée par Jo Stafford. Si le début avec des notes de piano évoque une comptine pour enfant la suite bourrée de violonades lorgne sur les comédies à l’eau de rose comme Broadway en distillait à la pelle. "These Foolish Things" nous permet de remonter encore plus loin dans le temps ; issue d’une comédie musicale londonienne annulée en raison du décès du Roi George V, le titre fera la joie des crooners du monde entier. Encore une fois le rythme hyper lent ne permet jamais au titre de prendre son envol. Malgré un wagon de violons et de cordes Etta JAMES parvient à gommer les effets sucre d’orge. Pour l’anecdote, le français Jean Sablon chantait l’adaptation en français "Ces petites choses" en 1936, le même bonhomme en fera une version anglaise dix ans plus tard. Ne descendons pas de notre machine à remonter le temps, restons y bien cramponner via "Prisoner Of Love", une vieille soupe du début des thirties. Là, le piano et le chant réendossent les costumes de premier rôle, Etta JAMES parvient presque à nous faire verser une larme (de crocodile ?).

En dehors de chansons vieillottes ou vieillissantes, d’un tempo souvent très lent, normal puisqu'il s’agit de ballades sentimentales et d’un répertoire destiné aux amoureux, d’arrangements et d’une orchestration souvent pesants et polluées par d’innombrables violons, le timbre de James demeure le meilleur atout de ce disque. A vrai dire, la face A pourrait même mériter un bon 3,5, voir un 4 pour les amateurs de ballades ne risquant pas de nous donner un lumbago. A contrario, la face B se révèle être à mi chemin entre le caramel mou et le sucre d’orge bien sucré collant irrémédiablement aux dents, une sucrerie indigeste. Etta JAMES était une chanteuse de Blues et de R&B, on ne comprend pas trop pourquoi Leonard Chess s’est évertué à en faire une chanteuse de variété. Ce quatrième opus ne vaut aujourd'hui pas plus d’un 2,5.

⃰ Titre homonyme à celui de Taylor Swift.
⸋ Titre homonyme à ceux de Melanie, Janet Jackson, Alice In Chain, Lenny Kravitz.

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- Etta James (chant)
- Riley Hampton (orchestre, arrangements 3-5-7-9-10)
- Al Poskonka (orchestre, arrangements 1-2-4-6-8)


1. Don't Take Your Love From Me
2. How Do You Speak To An Angel
3. Fools Rush In
4. Don't Blame Me
5. Someone To Watch Over Me
6. Again
7. I Want To Be Loved
8. It Could Happen To You
9. These Foolish Things
10. Prisoner Of Love



             



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