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Etta JAMES - At Last (1960)
Par LE KINGBEE le 14 Août 2018          Consultée 1836 fois

Décédée en 2012, Etta JAMES a traversé pas moins de six décennies. Curieusement, elle n’a connu qu’un seul Number One avec « The Wallflower (Dance With Me Henry) », et encore il ne s’agit que d’une 1ère place dans le classement R&B.

Peu connue en Europe, ou du moins pas quand il le fallait, la vie de la chanteuse n’aurait pas grand-chose à envier à la Cosette des Misérables. Revenons brièvement sur son parcours.

Jamesetta Hawkins voit le jour en janvier 1938 à Los Angeles. Fille supposée d’un joueur de billard et d’une adolescente de 14 ans psychologiquement fragile, Jamasetta grandit en Californie entre une tante péripatéticienne et une mère adoptive qui meurt dans ses bras alors qu’elle a tout juste douze ans. On ne vous parle pas du père adoptif, un alcoolique qui ne pense qu’à monnayer les dons vocaux de sa « protégée ».
La gamine fait ses gammes dans la chorale de Révérend Hines. En 1950, elle rejoint sa génitrice à San Francisco et forme avec deux copines les Creolettes, un trio vocal. Mais il lui faut attendre 1954 et sa rencontre avec Johnny OTIS pour percer au sein des Peaches (nouveau nom des Creolettes). Johnny Otis n’est pas le premier perdreau venu : il a déjà découvert entre autre Esther Phillips et Little Willie John, le producteur chef d’orchestre multi instrumentiste a du nez. Le bonhomme est aux commandes du premier disque d’Etta JAMES pour la firme Modern des frères Bihari. Ce premier essai se transforme en coup de canon, « The Wallflower (Dance With Me Henry) », une variante du « Work With Me Annie » d’Hank Ballard, montant sur la 1ère marche des charts R&B.
Les bonnes places vont s’enchaîner pour Etta JAMES avec des chansons souvent gravées à la Nouvelle Orleans. Les tournées vont-elles aussi se multiplier et la chanteuse tomber dans la bibine et la came, deux particularités beaucoup plus sombres ? A la fin des fifties, Etta met en boîte une poignée de titres avec Harvey Fuqua, le leader des Mooglows, son compagnon d’alors qui la quitte comme une vieille chaussette pour se marier avec l’une des frangines de Berry Gordy, patron du label Motown. Ah, la vie est dure dans le showbiz. Mais avant de la quitter, Fuqua a eu la délicatesse de la présenter à Leonard Chess, le grand manitou du label Chess basé à Chicago. Cette rencontre tombe à pic, Chess recherche une chanteuse qui permettrait de servir de pendant à Muddy WATERS et Chuck BERRY. Si certains titres sont les reflets de la ballade Soul de l’époque lourdement orchestrée, certains titres se vendent bien et Leonard Chess décide en 1960 qu’il est temps pour sa nouvelle chanteuse d’enregistrer un premier album.

« At Last » sort dans les bacs en novembre 60 sous l’étiquette Argo, filiale de Chess Records. Le disque regroupe dix chansons dont une composition de la chanteuse, « Tough Mary », coécrite avec Joe Josea (pseudo de Joe Bihari) lors de son passage chez Modern. Soucieux de pouvoir pénétrer les marchés de la Soul et du R&B, Chess prend quelques risques en confiant les parties instrumentales et arrangements à Riley Hampton. Ancien saxophoniste de Big Joe Turner, Albert Ammons et Joe Williams, Hampton n’a jamais fracassé les statistiques de l’industrie du disque; il a collaboré avec Dee Clark, Ty Hunter, Tobin Matthews ou le duo Johnny & Jackey, pas de quoi révolutionner la planète mais qui convient parfaitement à Chess, le label étant attentif à seconder la chanteuse d’une orchestration lourde ne se lançant pas dans des frasques. Il n’est pas question d’apeurer l’auditeur ou les radios mais au contraire de faire venir les acheteurs.

Parmi les dix titres du disque, cinq sortent en singles en 1960 et trois autres l’année suivante, un procédé permettant de promouvoir le disque sans trop de risque ni de frais. Parmi les cinq pistes ayant fait l’objet de publication single, « My Dearest Darling », ballade empruntée à Paul Gayten et Eddie Bo, sert de pont entre Chicago et la Crescent City. Si le titre avait été gravé par Bo en 58, on ne peut s’empêcher de penser que chez Chess, tout est bon comme dans le cochon et que rien ne se perd.
Titre d’avant-guerre, « Trust In Me », compo de l’acteur animateur radio Ned Wever, a été repris à toutes les sauces souvent indigestes et périmées. Mais on peut penser que Chess a décidé de s’attaquer au morceau suite à la récente reprise de Clyde McPhatter, une façon peu risquée de surfer sur le succès des autres et d’amasser quelques menues monnaies pour pas cher. On conseillera les essais postérieurs de Doris Troy ou d’Harry Nilsson. « Tough Mary » vient trancher dans cette face, le morceau s’orientant entre Dance et R&B avec des passages de sax qui viennent booster la soupe. Dernière piste de l’album et également dernière chanson à avoir été préalablement éditée en single, « Girl Of My Dreams » prend un léger coup de jeune, normal pour une romance à l’eau de rose gravée dès les années 20, un titre ravivé ne méritant qu’une brève audition.

Parmi les deux nouveautés, « Anything To Say You’re Mine », une ballade de Sonny Thompson, peut servir d’étalonnage avec la version enregistrée deux ans plus tôt par Lula Reed pour le même label. On pourra préférer l’orchestration moins ampoulée de la première et la voix plus puissante et sexy d’Etta JAMES. « Stormy Weather », vieux titre des années 30 d’Harold Arlen, fait figure de standard. On ne compte plus les reprises du morceau (plus de 300) d’Ethel Waters à Peggy Lee, en passant par toutes les grandes chanteuses de Jazz vocal jusqu’à Joni MITCHELL et Doris Troy (deux versions conseillées) et Etta JAMES en délivre une version convaincante. Rien à voir avec l’adaptation chantée par Zizi Jeanmaire sous le titre « Ciel de Plomb » ou celle de Marie Myriam « Nostalgia ». Là, on ne boxe pas dans la même catégorie.

Trois titres de l’album sont réédités en singles après la parution du disque. Procédé qui suppose qu’on a là les meilleurs titres du disque, ou du moins ceux censés rapporter de l’argent une seconde fois. Y’a pas de mal à se faire du bien ! C’est raté avec « Sunday Kind Of Love », une ballade jazzy et Pop de Louis Prima, qui a connu un petit engouement trois ans avant avec l’interprétation Doo Wop des Del Viking. Là, Miss Etta nous gonfle carrément ! « At Last » pourrait provenir du même tonneau, encore une ballade issue du film « Orchestra Wives » (Ce que femme veut), un nanar d’Archie Mayo dans lequel figurait Glenn MILLER. Mais cette fois, si le rythme n’a rien d’emballant, la chanteuse parvient à mettre assez d’intensité. Peut-être l’une des meilleures reprises du standard avec les essais postérieurs de Doris Day et Leela James.

Mais c’est bien avec « I Just Want To Make Love To You »⃰ que l’on perçoit toute l’intensité scénique, sexuelle et énergétique que pouvait diffuser Etta JAMES. C’est avec ce standard de Willie DIXON composé pour Muddy WATERS que la chanteuse allait prendre toute sa dimension. Bien que comportant de nombreuses ballades un peu molles qui sonnent aujourd’hui un brin obsolètes, ce disque allait lancer la carrière d’une chanteuse dont les racines se situent entre Gospel, Blues et R&B.

Cette chronique provient des écoutes de l’édition Argo pressage mono et de l’édition Cadet (pressage US) publiée en 1971.

⃰C’est sur scène que ce titre chanté par Etta JAMES prenait toute sa signification. A titre informel, la chanteuse a fait l’objet d’un biopic réalisé par la réalisatrice Darnell Martin en 2008 sous le titre de « Cadillac Records ». Si Beyoncé dans le rôle d’Etta JAMES donnait la réplique à Adrien Brody interprétant Leonard Chess, le film est bourré d’erreurs et d’anachronismes.

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- Etta James (chant)
- Riley Hampton (orchestre et arrangements)


1. Anything To Say You're Mine
2. My Dearest Darling
3. Trust In Me
4. Sunday Kind Of Love
5. Tough Mary
6. I Just Want To Make Love To You
7. At Last
8. All I Could Do Was Cry
9. Stormy Weather
10. Girl Of My Dreams (rendered As Boy Of My Dreams)



             



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