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Etta JAMES - The Right Time (1992)
Par LE KINGBEE le 26 Août 2022          Consultée 692 fois

Nous sommes maintenant en 1992 et cela fait maintenant une décennie et demi qu’Etta JAMES traverse le temps, un peu à l’image du vent perforant le désert sans y laisser la moindre trace si ce n’est qu’une infime poussière déposée sur d’anciennes ruines. Le constat pourrait paraitre sévère mais l’ancienne vedette du label Chess est dans le dur, la faute à de multiples excès, mais nous ne sommes pas là pour juger.

En peu de temps, le paysage de la Soul s’est considérablement transformé. Le début des nineties voit les arrivées de Mariah CAREY et de Boyz II Men, Janet JACKSON tente de prendre la relève des JACKSON 5, tandis que Michael JACKSON devient le roi de la Pop, alors que Gladys Knight connait son plus grand succès avec "Men". Coté obscur du tableau, Albert KING ancien pilier de la Stax décède d’une crise cardiaque tandis que du côté rose Whitney HOUSTON se marrie en grande pompe avec Bobby Brown devant un parterre d’invités prestigieux. Eh oui, tout va très vite dans le monde implacable de l’industrie du disque.

En 1992, minée par une vie d’excès, d’addictions peu conciliables avec la santé (héroïne, alcool), obèse et le souffle court, Etta JAMES va ressurgir de sa boite tel le diable. En fait, Etta JAMES est une femme que le conflit ne répugne pas, véritable mère-courage comme l’Amérique les adore, la chanteuse va faire un retour en force avec cet album dont le titre pourrait résumer à lui seul la genèse de sa naissance. "The Right Time" résulte de la collaboration (la seconde depuis "Deep In The Night" en 1978) entre la chanteuse et le producteur Jerry Wexler. L’ancien grand manitou de la firme Atlantic s’ennuie, il vient certes de produire et de participer à la publication de plusieurs compilations (Wilson PICKETT, Solomon BURKE, LaVern Baker, The Clovers, Clyde McPhatter ou Doug Sahm) mais cela sent un peu le réchauffé. Le bonhomme a besoin d’un autre défi tout comme la chanteuse qu’il a longtemps essayé d’attirer en vain dans les filets d’Atlantic Records.

D’un commun accord, JAMES et WEXLER décident de concocter un répertoire à toute épreuve, une tracklist solide capable d’affronter les adversités avec des titres remontant le temps, un disque où viennent se mêler R&B fifties à la sauce Atlantic, Soul sixties, Soul Sudiste et une Soul plus contemporaine comme le label Malaco en produit à la pelle.
Le producteur, parfois friand de faste, parvient aisément à convier un parterre de vedettes. A la lecture de cette line-up, on pourrait croire que c’est un vrai who’s who qui est venu s’agglutiner pour cet enregistrement. Un procédé qui reste souvent mitigé mais qui pour une fois va se révéler de bon aloi. On retrouve au gré des pistes quelques-uns des grands noms de la Soul en matière de backing : les guitaristes Steve Cropper (BOOKER T & The M.G.’s, Otis REDDING, Albert KING), Jimmy Johnson (Arthur CONLEY, Aretha FRANKLIN, Bobby WOMACK), l’organiste guitariste Lucky Peterson ( Melvin TAYLOR, Lazy LESTER, Rufus THOMAS), les bassistes David Hood ( Candi STATON, Solomon BURKE, Bonnie Bramlett), Willie Weeks ( Donny HATHAWAY, George HARRISON, Randy NEWMAN), les batteurs Roger Hawkins ( Aretha FRANKLIN, Clarence CARTER, Bob SEGER), Steve Ferrone (Freddie KING, Roberta Flack, Chaka Khan), le pianiste Clayton Ivey (Boz SCAGGS, Lightnin’ SLIM, Lou Ann BARTON), sans oublier une solide section cuivre avec les saxophonistes Hank Crawford ( BB KING, Ray CHARLES, Ruth BROWN) Jim Horn (Duane EDDY, Shuggie OTIS, Tracy Nelson) Harvey Thompson ( Bobby WOMACK, Rita COOLIDGE, Bettye LaVette), les trompettistes Gary Armstrong (Bobby BLAND, Brenda LEE, Little Milton) et Mike Haynes (Bobby BLAND, DION, Johnnie Taylor). Si cette liste pourra paraitre rébarbative à certains, elle restitue cependant un certain clinquant avec des accompagnateurs qui se se sont souvent croisés lors d’innombrables sessions.

Outre cette impressionnante troupe de sidemen, Wexler n’a pas lésiné pour la pochette, faisant appel à David Ritz (auteurs de nombreux plaquettes, livrets intérieurs et livres), au designer Ron Larson connu pour ses collaborations avec Bobby WOMACK et les POINTER SISTERS et sa pochette de "Trio", album dans lequel Dolly PARTON, Emmylou HARRIS et Linda RONSTADT croisaient le fer. Le visuel issu d’une photographie de Donald Miller propose un visage souriant de la diva, le label Elektra ayant pris soin d’édulcorer les formes avantageuses de la chanteuse.

D’entrée de jeu, l’accent est mis sur le Blues avec "I Sing The Blues", un inusité du chanteur Earl Thomas. L’harmonica, probablement tenu par Jim Horn, tisse une toile solide vers Chicago, Etta ne s’en laisse pas compter et n’hésite pas à s’affirmer en chanteuse de Blues tandis que les riffs de Cropper et Peterson s’entrecroisent avec délicatesse toujours avec le souci de mettre la chanteuse au diapason. Petit détour par la case Memphis avec "Love And Hapiness", petit hit d’Al GREEN au début des seventies. Si l’orgue de Charles Hodges marquait de son empreinte l’original, ici ce sont les cuivres et la guitare de Peterson qui endossent le premier rôle. La chanson connaitra au fil des ans de bonnes covers (The UNDISPUTED TRUTH, LIVING COLOR) avant d’être remise au gout du jour par Lemar et samplé par le rappeur Busta Rhymes, Le morceau connaitra une version Jazzy par Al JARREAU et une Funky par le Graham Central Station, deux essais, selon nous, peu recommandables. On peut raisonnablement supposer que Steve Cropper est l’instigateur de la reprise de "You're Taking Up Another Man's Place", titre gravé par Mable John pour la Stax et dans lequel le guitariste s’offrait de beaux passages de gratte. La version originale au tempo plus lent nous parait plus captivante et groovy, ici les cuivres donnent un relief trop intempestif, bien dans la culture des années 90.
Avec "Evening Of Love", compo des deux countrywomen Ava Aldridge et Cindy Richardson, Etta propose une immersion dans la Country Soul ; seul hic il s’agit là d’une interprétation bien dans l’esprit des productions boursouflées des 90’s qui n’a pas la saveur de la Country Soul des années 70. Le groupe belge Vaya Con Dios reprendra la chanson à son compte.

La frontière entre le Blues et la Soul est parfois des plus tenue, la preuve avec l’excellent "Wet Match", création du prolifique George Jackson. Si Denise LaSalle l’avait antérieurement enregistré, Etta James nous délivre une version un peu près similaire bien que légèrement plus groovy via les arrangements de Clayton Ivey. Un morceau représentatif de la Soul Sudiste que Bobby RUSH reprendra bien plus tard. Avec "You’ve Got Me", compo de Billy Vera et Russell Brown Etta nous plonge dans les méandres d’un Slow Blues de bonne facture. Second emprunt à George Jackson avec "Down Home Blues", titre de clôture qui s’ancre nettement dans le registre du Blues avec des accompagnateurs particulièrement en verve.

Le ton monte encore d’un cran avec "Let It Rock" dont certaines paroles reprennent le tube homonyme de Chuck Berry, d’ailleurs accrédité pour la circonstance, chose assez rare et qui mérite d’être signalé. Là, la rythmique et les guitares de Jay Johnson et Steve Cropper impulsent une ambiance Southern Rock du meilleur effet, le chant reste en symbiose avec la mélodie. La cadence se fait millimétrée sur "Ninety Nine and a Half (Won't Do)", compo de la triplette Cropper, Pickett, Eddie Floyd popularisée par Wilson PICKETT avant d’être reprise avec verve par CREDEENCE CLEARWATER REVIVAL et DR. FEELGOOD pour deux versions dantesques. Les anglophones auront saisi qu’il s’agit d’une chanson d’amour malgré le tempo: "I got to have all your love - Night and day - But all of your heart, sugar - Ninety-nine and a half just won't do". Démêler les fils de "Night Time Is A Right Time" est un vrai chemin de croix, toujours est-il que le titre doit autant au pianiste Roosevelt Sykes qu’au blues shouter Nappy Brown ainsi qu’au futur succès de Ray CHARLES. Si le titre a été repris à toute les sauces (The ANIMALS, John Lee HOOKER, Aretha FRANKLIN ou John SCOFIELD) la rythmique des Muscle Shoals (Hawkins, Hood) et la guitare de Jimmy Johnson impriment au morceau un rythme des plus lent, un titre qui tempère les ardeurs de la chanteuse et qu’il aurait été bon de placer en milieu de disque.

Terminons notre panorama par un véritable feu d’artifice avec "Give It Up", une variante d’un titre de KC Casey (KC & SUNSHINE BAND) arrangé pour l’occasion par Allen Toussaint. Etta James nous entraine dans une joyeuse farandole accompagnée au micro par l’inattendu Steve WINWOOD dont le timbre de ténor met presque sous l’éteignoir sa pourtant robuste équipière. Un disque bien conçu, même si les arrangements de Clayton Yvey sonnent un peu trop nineties sur deux pistes, idem avec Hank Crawford coordinateur de la section cuivre, ceux-ci se montrant trop présents sur deux faces, mais comme dirait l’autre, il faut savoir vivre avec son temps. Ce disque sera rangé dans le tiroir du Blues, registre prédominant par rapport à celui de la Soul.

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- Etta James (chant)
- Steve Winwood ( chant 6)
- Steve Cropper (guitare 1-2-3-4-5-7-8-9-11)
- Jay Johnson (guitare 7-10-11)
- Jimmy Johnson (guitare 6-10)
- Will Mcfarlane (guitare 6-10)
- Lucky Petreson (orgue, guitare 1-2-4-6-7)
- Willie Weeks (basse 1-2-3-4-5-9-11)
- David Hodd (basse 6-10)
- Steve Ferrone (batterie 1-2-3-4-5-8-9-11)
- Roger Hawkins (batterie 6-10)
- Tom Roady (percussions 1-2)
- Clayton Ivey (piano 1-2-3-4-6-7-8-9-10-11)
- Frankie Crawford (synthétiseur 1-2-3-5-7-9-10-11)
- Hank Crawford (saxophone)
- Jim Horn (saxophone, harmonica 1)
- Harvey Thompson (saxophone)
- Gary Armstrong (trompette)
- Maike Haynes (trompette)
- Marie Lewey (chœurs)
- George Soulé (chœurs)


1. I Sing The Blues
2. Love And Happiness
3. Evening Of Love
4. Wet Match
5. You're Taking Up Another Man's Place
6. Give It Up
7. Let It Rock
8. Ninety Nine And A Half (won't Do)
9. You've Got Me
10. Nighttime Is The Right Time
11. Down Home Blues



             



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