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Etta JAMES - Deep In The Night (1978)
Par LE KINGBEE le 9 Avril 2022          Consultée 1097 fois

Pour Etta JAMES, le quotidien ne change guère. Entre de petits séjours en cure de désintoxication, de brefs passages en hôpital psychiatre et des concerts dans de petites salles miteuses, la chanteuse parvient à rebondir par éclipse, c’est ainsi qu’elle se produit plusieurs fois en Europe entre 1977 et 78. Elle a assez de bouteille et de feeling pour enthousiasmer le public de Montreux en juillet.

Dix ans après avoir convaincu son associé Ahmet Ertegun de vendre Atlantic à la Warner Seven Art (future Warner Brothers), Jerry Wexler bosse en free-lance pour la Warner. En 1978, il se met en tête de relancer la carrière de l’ancienne égérie de Chess Records. Son dernier disque pour le label de Chicago remonte à deux ans et n’a connu qu’un succès limité.

Wexler envoie la chanteuse à Hollywood aux Cherokee Studios, antre de Bruce Robb, là où David BOWIE a gravé Station To Station. L’ancien manitou d’Atlantic décide de faire d’une pierre deux coups, se partageant entre la production de Motion, du pianiste songwriter Allen Toussaint dans lequel figurent Etta James et Bonnie RAITT dans des rôles de choristes, et Deep In The Night.

Si Wexler supervise un répertoire à toute épreuve, il fait appel à une nouvelle équipe d’accompagnateurs mais prend soin de garder le bassiste Chuck Rainey et le jeune guitariste Brian Ray (qu’on retrouvera plus tard auprès d’HALLYDAY, FARMER et Sir McCartney). C’est ainsi qu’on retrouve les guitaristes Cornell Dupree (ex-Aretha FRANKLIN, Chaka KHAN, Donny HATHAWAY), Larry Carlton (STEELY DAN, Joan BAEZ, Joni MITCHELL), du batteur Jeff Porcaro (membre fondateur de TOTO) et des saxophonistes Plas Johnson (Ella Fitzgerald, Larry WILLIAMS, Amos MILBURN) et Jim Horn (Harry NILSSON, Joe COCKER, Shuggie OTIS). De cette longue liste de sessionmen, certains ne pourront s’empêcher d’y voir une corrélation avec STEELY DAN, formation pour laquelle tous les précités jouèrent un jour ou l’autre. Si Bruce Robb s’installe derrière les consoles, ce dernier est assisté de Joe Chicarelli, un débutant qui fera bientôt parler de lui auprès de Frank ZAPPA.

Comme à l’accoutumée, Wexler propose un bel éventail de chansons regroupant inusités et une poignée de hits intemporels.
Le disque s’ouvre sur "Laying Beside You", une compo d’Eugene Record chateur des Chi -Lites. Si l’orchestration s’approche de l’original, la guitare de Carlton impulse une coloration Pop tendance Reggae Blanc qui n’allait pas tarder à déferler sur les ondes.
Composition bluesy d’Helen Miller, "Deep In The Night" donne son nom à l’album. L’interprétation d’Etta marche sur les traces de Linda Hopkins avec une longue intro de 120 secondes dans le genre spoken song. Une version selon nous bien plus riche que celles de Barbra STREISAND ou Sarah Vaughan.
Les liens entre la musique du Diable et celle du Seigneur sont parfois aussi minces qu’une feuille de papier à cigarette comme en témoigne "Strange Man", une compo de Dorothy Love Coates, membre des Gospel Harmonettes. On regrette juste que l’orgue ne prenne pas plus le leadership par rapport au piano. Sans en faire des caisses, Etta parvient à donner un peu d’ampleur à "Sugar On The Floor", une modeste balade de l’anglaise Kiki Dee. Une version, selon nous, bien moins barbante que celle d’Elton JOHN. Autre petite balade plus groovy avec "Sweet Touch Of Love", une compo d’Allen Toussaint. La batterie et les cuivres impulsent dès l’intro une trame avec la Nouvelle Orléans. Si le titre avait été repris antérieurement par Esther Phillips dans un registre Soul Blues rappelant les productions de FAME Records, Etta nous balance ici une interprétation plus sobre, peut-être la meilleure avec celle d’Irma THOMAS.

De bonnes surprises agrémentent le recueil, c’est ainsi qu’Etta parvient à donner une autre dimension à "Only Women Bleed", grand succès plein de douceur d’Alice COOPER. L’orgue de Richard Tee associé au jeu de guitare de Dupree soulignent l’émotion influée par la chanteuse. Une version qui relègue selon nous les futurs essais de Tori AMOS et Tina ARENA. Chez nous, Patrick JUVET en fera une adaptation loin d’être ridicule avec "J’ai peur de la nuit". Elle reprend "Take It To The Limit" des EAGLES avec une orchestration plus Country Soul dans la lignée de Tracy NELSON, le piano et les chœurs imprimant ici une atmosphère crépusculaire, comme on en entend parfois le dimanche dans les églises du Sud.
Grand classique du Yodel et du Hillbilly via Emmett Miller et plus tard Hank WILLIAMS, "Lovesick Blues" se retrouve ici complètement transformé au profit d’un titre enjoué interprété aux confins du Blues et de la Soul, Etta se montrant pour le coup plus humoristique que d’habitude. Une version qui fait oublier les mièvreries de Johnny DORSETTE et LeAnn Rimes ou celle plus récente de Jamie Cullum dans une laborieuse tentative de Hokum. Etta JAMES nous délivre ici l’une des relectures parmi les plus actualisées avec celles de Linda RONSTADT et Tanya Tucker.
En dernière piste, Etta rhabille "I’d Rather Go Blind" en "Blind Girl" dans une version plus intimiste où la sophistication nous semble prendre le pas sur l’émotion.
Petite tuerie du tandem Bert Russell/Jerry Ragovoy, "Piece Of My Heart" doit sa popularité à Janis JOPLIN. Le titre a depuis été repris plus d’une centaine de fois. Mais deux versions nous paraissent incontournables et ne connaissent aucune rivale tant au niveau de l’interprétation que de l’orchestration : la première d’Emma FRANKLIN publiée en single par Shout Records en septembre 67 et celle de Bettye LaVette éditée quatre ans plus tard par SSS International Records, label de Shelby Singleton. Le jeu de guitare de Cornell Dupree et la slide de Carlton ne proposent pas de symbiose et paraissent décalées tandis que la production montre trop de clinquant.

Si la pochette d’Ed Trasher, un ancien photographe auteur d’innombrables pochettes pour Reprise et Warner ne s’annonce guère porteuse, il convient de préciser que ce disque de Soul tombait à une époque où le Disco régnait encore en maitre sur la plupart du globe, comme en attestent les classements du Billboard. Le magazine américain, dans lequel Wexler avait débuté, répertoriait sur les plus hautes marches des charts les BEE GEES, A Taste Of Honey, BONEY M, The Commodores ou The Trammps. Intrinsèquement Deep Of The Night venant trop tôt ne pouvait s’imposer à une période où Disco et Pop encombraient à eux deux la plupart des trônes de l’industrie du disque. Si deux titres s’annoncent plus faiblards et si Larry Carlton se montre comme un maillon faible facilement identifiable, ce disque sous-estimé reste comme un échec commercial pour la Warner mais ne mérite pas d’avoir une note inférieure à la moyenne. Plus de quarante ans après sa sortie, force est de constater que le répertoire, les arrangements et l’orchestration n’ont pas pris trop de rides, contrairement aux productions de l’époque souvent surproduites et bien artificielles.

Le disque a été réédité au format CD en 1996 par Bullseye avec le visage d’Etta James placé cette fois en position verticale.

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   LE KINGBEE

 
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- Etta James (chant)
- Cornell Dupree (guitare)
- Brian Ray (guitare)
- Larry Carlton (guitare)
- Chuck Rainey (basse)
- Jeff Porcaro (batterie)
- Tom Roady (percussions)
- Keith Johnson (piano)
- Richard Tee (orgue)
- Plas Johnson (saxophone)
- Jim Horn (saxophone)
- Joyce Austin (chœurs)
- Merry Clayton (chœurs)
- Gilbert Ivey (chœurs)
- Reuben Franklin (chœurs)
- Henry Jackson (chœurs)


1. Laying Beside You
2. Piece Of My Heart
3. Only Women Bleed
4. Take It To The Limit
5. Deep In The Night
6. Lovesick Blues
7. Strange Man
8. Sugar On The Floor
9. Sweet Touch Of Love
10. Blind Girl



             



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