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Etta JAMES - Matriarch Of The Blues (2000)
Par LE KINGBEE le 2 Juin 2020          Consultée 1908 fois

Lorsqu’elle enregistre son 24ème album studio, Etta JAMES est sur le point d’atteindre ses 63 ans. Propriétaire d’une discographie débutée en 1954, la chanteuse est toujours là. Si les années 70 ont été pour elle un vrai calvaire entre la vague Disco, de nombreux séjours en maison de repos pour soigner ses addictions à l’héro et à l’alcool sans parler de dépressions, la chanteuse s’est refait une santé au cours des eighties, le Revival Blues n’étant pas étranger à la chose.
En 1984, c’est elle qui chante lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Los Angeles.
Aujourd’hui, nous autres Gaulois gardons à l’esprit le sourire goguenard de Philippe Boisse à l’escrime et Pierre Quinon qui sautait sur le toit du monde, les deux sportifs glanant au passage une médaille d’or, avouons que la prestation d’Etta James est tombée au fond d’un puits. Durant les nineties, elle remporte de haute lutte son combat contre ses démons intérieurs, ce qui lui vaut un surpoids conséquent, mais Etta, à l’instar de Jésus avec sa croix, va porter sur ses épaules la bonne parole d’une Soul fortement connectée au Blues. La native de Los Angeles consacrera le nouveau millénaire à employer avec justesse toutes les palettes de la musique afro-américaine.

Depuis le début des années 90, Etta JAMES s’est souvent démarquée de la production Soul du moment, n’hésitant pas à inclure à son répertoire divers registres bien représentatifs de la musique noire. A vous de juger s’il s’agit là d’un opportunisme commercial, toujours est-il que si la chanteuse a souvent joué avec les tendances, elle n’avait jusqu’à présent jamais franchi un cap si important en reprenant les emprunts au Vieux Sud et en prospectant dans les répertoires d’Al GREEN, O.V. WRIGHT, Little MILTON ou Otis REDDING. Mais Etta s’autorise ici, comme nous le verrons plus bas, quelques escapades dans le registre du Rock.

Depuis deux ans, la chanteuse collabore avec deux de ses rejetons, Donto et Sametto. Ceux ci officiant principalement à la batterie et à la basse se lancent dans le grand bain en produisant le disque de Maman. On retrouve ici une suite cohérente, l’album étant édité par Private Music, le label de Peter BAUMANN (ex-membre de TANGERINE DREAM). Etta James est dans son élément : si elle a connu sa meilleure période alors qu’elle était sous contrat chez Chess Records, le décès brutal de Leonard Chess met fin à cette période dorée. Avec BAUMANN, la chanteuse a retrouvé la confiance qui l’avait quittée, l’Allemand ne lui impose quasiment rien, le bonhomme a suffisamment d’expérience pour savoir qu’Etta James n’a besoin de personne pour sortir un bon disque quand elle en a envie. Le présent disque est le fruit de leur septième collaboration.

Enregistré au Fort Athens Studios de Riverside, à deux pas de chez elle, « Matriarch Of The Blues » laisse clairement entendre que la sexagénaire désire ardemment récupérer le titre honorifique de la Reine du Blues. Le titre dépasse même cette anecdotique histoire de couronne, Etta se considère toujours comme l’une des valeurs sûres du Blues et le mot « Matriarch » ne laisse guère de doute sur ses aspirations. La chanteuse est toujours sur le devant de la scène et demeure l’un des phares des registres Blues, R&B et Soul.
Pour la seconder, on retrouve en dehors des fidèles guitariste Bobby MURRAY (ex Frankie LEE, Freddie HUGUES) et Josh SKLAIR (ex Rita COOLIDGE, Natalie COLE) une excellente troupe : l’organiste Mike FINNIGAN (ex Jimi HENDRIX, Buddy GUY, CROSBY STILLS & NASH) déjà présent sur « Life, Love & The Blues » mais également l’immense Leo NOCENTELLI (ex METERS, Allen TOUSSAINT, Patti LaBelle, Robert PALMER) ainsi qu’une section cuivre en verve menée par Jimmy Z ZAVALA (ex Rod STEWART, EURYTHMICS, YES), le trompettiste Tom POOLE (ex Tommy CASTRO, Boz SGAGGS) et le tromboniste Lee THORNBURG (ex Nicolette LARSON, Huey LEWIS, TOWER Of POWER).

L’album démarre sur les chapeaux de roues avec le bruit d’un gros cube tandis que la chanteuse impassible face à une telle pétarade pose les bases du disque avec « Gotta Serve Somebody », gros titre de DYLAN figurant dans « Slow Train Coming ». Révélateur de conscience, ce titre du barde Bob sera repris par de nombreux artistes issus de la communauté noire (Shirley CAESAR, Pops STAPLES, Marva WRIGHT). Si les fans de DYLAN risquent de rester attachés à la version d’origine, Etta impose ici une sorte de prêche sans concession, la voix comme sortie du fond d’une crypte. Un délicat nappage d’orgue et une guitare victime de foudroyantes montées d’adrénaline donnent le ton de l’album. Une version qui relègue bien loin les mièvreries de Natalie COLE ou d’Axelle RED. Rappelez-vous les paroles : « You may be an ambassador to England or France - You may like to gamble, you might like to dance … But you're gonna have to serve somebody, yes… ». Ce long groove avoisinant les 7 minutes est une vraie pépite de Soul Sudiste. Francis CABREL en livrera une excellente adaptation dans « Vise le ciel ».
Si les succès d’Etta James ont fait l’objet de nombreuses reprises plus ou moins fructueuses, la chanteuse sait également aller dans le sens du vent et a souvent repris à son compte les succès des autres. Reprendre les STONES s’avère souvent un sacerdoce ardu, mais Etta JAMES nous délivre une interprétation pleine de feeling, les touches délicates d’harmonica, les sobres notes de Leo NOCENTELLI, l’apport de David Mathews au Wurlitzer contribue à moderniser le morceau avec des faux airs de remix. Peut-être la meilleure reprise du morceau avec celle des ZYDECO FLAMES. Carla BRUNI aurait été inspirée d’en écouter quelques passages, bien qu’on puisse penser que cela n’aurait rien changé à sa reprise des plus ridicules. L’intro de guitare funky sur « Born On The Bayou », hit intemporel de CREEDENCE CLEARWATER REVIVAL, avait de quoi faire peur à l’instar du décollage d’une demi mesure, mais Etta JAMES a assez d’expérience et de sagesse pour s’écarter du plagiat sans intérêt, contrairement à de nombreux musiciens qui ont vainement essayé de copier le titre en pure perte.

Au rayon des petits bijoux issus de la Deep Soul, Etta JAMES nous assène l’obsédant « Don’t Let My Baby Ride » immortalisé par O.V. WRIGHT. La présente interprétation demeure marquée par la guitare de NOCENTELLI et une rythmique hyper groovy qui booste la tonalité, alors que l’orgue de FINNEGAN apporte une couleur crépusculaire. Second morceau et second coup de canon ! A noter pour les lecteurs curieux que RL BURNSIDE en donnera une réponse avec « Let My Baby Ride » un Hill Country Blues rural hypnotique. Du Groove, « Rhymes », compo d’Al GREEN, en regorge. Si on garde en mémoire le falsetto si particulier de celui qui allait troquer son costard de soulman pour une soutane de prédicateur, la version d’Etta mérite le détour. Les deux guitares parfaitement complémentaires proposent un duel plein de feeling porté par la rondeur de la basse alors que le chant se fait volontaire. Si ce titre a fait l’objet de rares et récentes covers (Joan OSBORNE, Beth HART/Joe BONAMASSA), celle de James se situe, selon nous, un cran au-dessus. O.V WRIGHT est encore à l’honneur via « You’re Gonna Make Me Cry », une pépite de Deep Soul gravée en 65 pour le label Backbeat. Si l’orgue tisse une ambiance quasi religieuse, le duo JAMES/FINNIGAN nous expédie vers des sommets célestes, la dualité des chants évoquant certains prêches pentecôtistes. A notre sens, la meilleure reprise du morceau avec celles de Lavelle WHITE et Toni Lynn WASHINGTON.

Enregistré au début des seventies par Little MILTON pour la Stax, « Walking The Back Streets »⸋ a connu au fil des années quelques essais bien juteux : Albert KING, Otis RUSH, Magic SLIM. Là encore, la guitare tranchante et précise de BOBBY MURRAY semble comme téléguidée vers sa cible, tandis que la section rythmique enrobe la mélodie d’un saupoudrage groovy à souhait. « Let’s Straighten It Out », probablement le titre le plus connu de LATIMORE, marque ici un changement de cap bienvenu démontrant que la chanteuse est capable de diversifier sa tonalité. La guitare acoustique de Josh SKLAIR dépeint ici une coloration Jazzy proche de la Bossa Nova, tandis qu’Etta nous conte les déboires d’un couple. Cette piste nous semble plus originale que la reprise de Gwen McCRAE qui débutait par une intro instrumentale beaucoup trop longue. Vieux titre des années 30, « Try A Little Tenderness », popularisé après guerre par Sinatra, a été repris à toutes les sauces : du Ska via Prince BUSTER à la variété internationale via les acteurs Jack LEMMON et Rex HARRISON sans parler d’une pléiade de chanteurs de Jazz, de Soul, de crooners et d’opportunistes de tout poil. Si les versions d’Otis REDDING (studio ou Live) nous paraissent aujourd’hui au-dessus de la mêlée, Etta parvient à retenir l’attention malgré une soupe rabâchée jusqu’à plus soif, la guitare de Bobby MURRAY offrant en fin de piste une agréable coloration exotique.
Version tempérée du « Come Back Baby »⃰ titre que s’est accrédité sans vergogne le grand Ray CHARLES et qui figurait en face B du 45-tours « I’ve Got a Woman ». Hit interplanétaire du tandem Leiber/Stoler, « Hound Dog » est enregistré pour la première fois par Big Mama THORNTON et popularisé trois ans plus tard par le King, le morceau a connu son paquet de reprises. Etta JAMES a ici l’intelligence de se démarquer de la copie servile en basant le titre sur une mélodie décalée. La reprise hommage à Otis REDDING n’est pas anodine ; s’il s’agit d’un inusité, c’est clairement parce que « Hawg For Ya » ° est issu du registre Blues et non de la Soul qu’il est ici illustré.

A l’orée du nouveau millénaire, Etta JAMES signait peut-être l’un de ses meilleurs albums avec l’aide de ses deux rejetons. Si on peut parfois reprocher à la chanteuse d’être avant tout une interprète des chansons des autres, JAMES a assez de feeling et d’intuition pour parvenir à se réapproprier certaines pistes, sans l’air d’y toucher. Allez, sans un « Hound Dog » trop mou en clôture et « Try A Little Tenderness », les deux points faibles, ce disque aurait pu prétendre à la note maximale. Une chose est sûre, en revenant vers ses racines, Etta JAMES pouvait aller tranquillement s’assoir sur le trône ornant la pochette. Malgré son titre et une inspiration bluesy, ce disque est classé dans le tiroir de la Soul. A l’occasion de ses 20 ans, ce CD vient d’être édité pour la première fois en vinyle par le label allemand Music On Vinyl.

⸋ Le titre d’origine s’intitule « Walking The Back Streets And Crying ».
⃰ Le pianiste Walter DAVIS est le véritable compositeur de « Come Back Baby ».
° Le titre exact d’Otis REDDING est « Hawg For You ».

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- Etta James (chant)
- Bobby Murray (guitare)
- Josh Sklair (guitare, claviers 3)
- Leo Nocentelli (guitare 2-5-10-12)
- Sametto James (basse)
- Donto James (batterie, percussions)
- Mike Finnigan (orgue 1-2-4-5-7-8-9-10-11, chant 7)
- David Mathews (piano 2-4-5-6-7-8-10-11-12, claviers 9)
- Tom Poole (trompette 1-2-3-4-5-7-8-11)
- Lee Thornburg (trombone, trompette 1-2-3-4-5-7-8-11)
- Jimmy Zavala (saxophone 1-2-3-4-5-7-8-11, harmonica 5-6)
- Goldman Redding (chœurs 1-3-11)
- Ross Locke (chœurs 1-3, percussions 11)


1. Gotta Serve Somebody
2. Don't Let My Baby Ride
3. Rhymes
4. Try A Little Tenderness
5. Miss You
6. Hawg For Ya
7. You're Gonna Make Me Cry
8. Walking The Back Streets
9. Let's Straighten It Out
10. Born On The Bayou
11. Come Back Baby
12. Hound Dog



             



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