AVERTISSEMENT : cette chronique de bande originale de film est également susceptible de contenir des révélations sur le film

JOURNEY surprend son monde en cette fin d'année 80 en sortant un second album ! Bien sûr, il ne s'agit pas d'un album standard mais bien d'une B.O, celle du film japonais Yume Yume No Ato de Kenzo Takada. Mais compte tenu de l'impact du groupe californien sur le marché nippon, cette sortie n'a rien d'un événement mineur. On y retrouve donc pour la dernière fois Gregg Rolie aux claviers, avant son départ définitif organisé. Qui dit B.O dit ambiance et donc inéluctablement, un pas en arrière vers le progressif et sans doute une place prépondérante laissée aux musiciens qui vont avoir tout loisir de s'exprimer. Le film sera d'ailleurs complétement vampirisé par sa B.O. L'opus est enregistré au pays du soleil levant, comme il se doit, dans les studios sony de Tokyo.

Nous n'avons que trois chansons sur ce nouvel album. Steve Perry hante donc la longue et introductive "Destiny", on passe du slow au mid-slow puis à la cavalcade proche des thèmes de RUSH, des pauses instrumentales progressives évidentes fort bien gaulées, pour les amateurs du genre. "Little Girl" lui permet ensuite de poser une superbe ligne mélodique, soutenue par une guitare folk. On revient en territoire pop, mais une pop de tradition où les chorus sont d'une qualité irréprochable. Ecoutez donc ce refrain où les voix des trois chanteurs se marient avec un talent consommé. Une chanson sentimentale pour l'éternité ! Et ce refrain, quelle merveille ! Neal SCHÖN achève de transformer l'essai avec un solo sublime, quelle classe ! "Sandcastles" poursuit la quête de l'ambient avec emphase, Steve ajoute sa voix aux instants de calme proposés par le groupe, un solo de saxophone, l'ambiance restant progressive à donf.

Et des instrumentaux donc ! Guitares et cordes règnent sur "Moon Theme" où Neal prend le pouvoir avec sa maestria coutumière dans un esprit jazz fusion de belle allure. Le guitariste est incontestablement parmi les grands de la six cordes en ce début des eighties. Une harpe nippone introduit "When The Love Has Gone", très ambient, un peu simpliste mais la guitare volubile impose sa marque. Nous avons aussi deux courts intermèdes : flûte et guitare pour "A Few Coins", on navigue à vue. "Festival Dance" annonce l'arrivée prochaine de "Kiowas" dans le monde du hard-rock plus de 15 ans plus tard. Les Brésiliens de SEPULTURA ont ils écouté JOURNEY ? Allez savoir ! Deux titres sortent de la basse de Ross Valory, plus décisif qu'à l'accoutumée : "Snow Theme" est le parfait exemple de la B.O, une vibration toute asiatique avec un violon qui évoque la légèreté des thèmes nippons. Le piano prend le relais pour un moment toujours empreint de calme et de quiétude. "The Rape" marque par son ton dramatique. Le titre annonçait, il est vrai, une couleur terrible. Le bassiste réussit ici à imposer avec brio une ambiance lourde et un ton mortifère.

Bien sur, l'album est un peu à part dans la discographie des monstres de l'AOR : il rebondit davantage sur les influences progressives du groupe, mais ne se départit pas de son talent pour les mélodies, avec des musiciens qui tiennent la baraque de manière autoritaire et dynamique. Neal impose sa marque sur les titres instrumentaux en positionnant la guitare au centre des débats, Steve prenant le relais avec sa belle voix claire et puissante sur les titres chantés. Un produit final qui s'insère magnifiquement dans l'histoire de JOURNEY et ne démérite aucunement. On retient en particulier le mid-slow "Little Girl" et ses vibrations pop de haute volée. Un 3 équilibré.