Je ne sais pas pour vous, mais moi j'ai débuté l'écoute de JOURNEY avec cette belle pochette que je trouvais très science-fictionnaire à l'époque ! Bien m'en a pris, je tombais sur une période faste du groupe californien. Au début des années 80, Neal SCHÖN était d'ailleurs une des références ultimes du monde de la guitare. Il convient de réparer un statut aujourd'hui quasi oublié parmi les plus grands. Ce mec, que j'aime aujourd'hui à écorner quelque peu en le charriant, est un des dieux vivants de la guitare. Le groupe investit les studios automat de San Francisco pour poser une nouvelle pierre à l'édifice majestueux que devient sa discographie. Ah, ce Phénix scarabéen aux couleurs arc-en-ciel qui déploie ses ailes entre deux planètes ! Voilà qui ne manque pas de classe, les pochettes de Mouse et Kelley seront toujours aussi réussies.

"Anyway You Want It" est le premier tube intersidéral et galactique de la carrière de JOURNEY : tout le monde connaît cette entêtante ritournelle, les soli de feu de Neal qui la ponctuent et le joli timbre de voix si efficace de Steve Perry. Une modeste 20ème place mais un premier grand classique de sa carrière et, surtout, un des grands standards de l'Airplay aux states puisque la chanson y tourne sans-cesse sur les radios spécialisées. Un sacré compte épargne retraite ! Puis "Walks Like A Lady" est un petit titre pop à l'ambiance langoureuse, avec un Hammond léger et une gratte impertinente. Pas un single judicieux à mon sens car il manque un peu de puissance et d'émotion. Il parvient cependant à la 32ème place du billboard. "Stay Awhile" est le dernier single, un slow langoureux pas mémorable pour deux sous.

Et puis du riff sur "Where Were You" qui nous redonne un peu de gros son et une dynamique agressive. Belle efficacité sur cette splendide rythmique de Neal SCHÖN, avec un refrain qui se laisse bien chanter, de la belle ouvrage, d'autant qu'un piano boogie parvient à se glisser dans les interstices, vraiment chouette. Un petit rock'n'roll est de la partie avec "Line of Fire", qui permet à Steve de pousser un brin dans les aigus, rien de renversant, mais sympa. "Homemade Love" nous renvoie à des considérations plus bluesy rock, avec un petit esprit pas si éloigné que ça des potes d'AC/DC, avec lesquels les Californiens tournent régulièrement. Un harmonica et une gratte folky sont à la baguette sur "Precious Time" pour délivrer une chanson à l'esprit plus americana qu'à l'accoutumée. De l'AOR dans toute sa splendeur au final, avec un Neal déchaîné comme souvent.

Et les slow qui tuent ? Pensez donc, JOURNEY a un fond de commerce évident de ce point de vue, ça nous donne ce "I'm Cryin" pas forcément très amène. Il y a heureusement la gratte nucléaire de Neal pour rendre tout ceci digérable. "Good Morning Girl" ressemble presque à une comptine avec son orchestration à base de cordes et sa petite guitare presque modeste. La voix de Perry, en revanche, défonce tout. Neal chante avec Steve "People and Places", un joli travail d'harmonies vocales pour ce titre quasi ambient aux relents progressifs franchement réussi. "Natural Things" en bonus n'est pas trop convaincante. "Departure" est plus un intermêde mignonnet qu'un réel instrumental. Enfin, de la pop avec "Someday Soon" qui laisse de côté les grosses guitares agressives pour se concentrer sur une mélodie répétitive et un peu simpliste où Greg Rolie tient le micro.

Greg Rolie, qui en a ras-la-casquete du show-biz et du rythme éreintant de tournée du groupe multi-platine, souhaite s'occuper de sa famille en comptant ses billets verts. Il trouve alors lui-même son remplaçant en la personne de Jonathan Cain ex-The BABYS, chose rare dans le milieu et qui prouve que JOURNEY fonctionne plutôt bien. L'opus vaut 3.5, il parvient à une superbe 8ème place du billboard, preuve de la grande force que dégage le groupe à chacun de ses opus qui se vendent systématiquement au-dessus des cinq millions d'unités. Un sacré résultat ! Neal SCHÖN et Steve Perry sont à la tête du grand cador de l'AOR, sans doute au-dessus de BOSTON et de FOREIGNER, tout au moins en terme de ventes.