Dix ans ! Dix ans se sont écoulés depuis le dernier album de JOURNEY. Pas d’inquiétudes à avoir, cela dit. Le groupe multi-platine peut compter ses billets verts pendant plusieurs générations. Les carrières solo se sont développées: Jonathan et Neal ont fondé BAD ENGLISH, de même que les projets annexes, la logique même. Mais les membres interrogés affirment que le groupe est juste en sommeil. Une petite réunion impromptue conduit le patron de Columbia, le mythique John Kalodner, à leur proposer une reformation. Nous voici donc, après toutes ces années, avec le line-up de la Mark II au complet. Bien sûr, nos artistes ont dix ans de plus, les responsabilités familiales se sont accumulées, les petits pépins physiques aussi. Steve a des soucis de hanche, empêchant toute tournée pour ce Trial By Fire et provoquant quelques remous dans l’ambiance du groupe.

"When You Love a Woman" est le premier single depuis un bail. Un piano langoureux, et un chant quasi variété de Steve en sont les principaux éléments. Tout le savoir-faire de JOURNEY et de Kevin Shirley en matière de slow traîne ici. 12ème au hot et 1er de l'adult top pendant 4 semaines, de quoi faire tomber quelques billets verts de bon aloi. Un joli slow pour l'été 96 certes, très clinquant, on s'arrêtera deux minutes devant le superbe mais court solo de Neal et...Voilà...

"Message of Love" est plus rock. On en retient le refrain toujours remarquablement achalandé, mais les couplets manquent un peu de force, dommage avec un nouveau solo de l'espace. Très AOR, "If He Should Break Your Heart" reprend les affaires où elles s'étaient arrêtées en 86. voilà voilà, mais c'est tout mou... On ferme la marche des singles avec "Can’t Tame The Lion", plus rentre-dedans avec son petit rythme en cavalcade, agréable mais pas définitif non plus. Pas un de ses trois singles n'intègre le billboard hot, se contentant de charter dans les top inférieurs.

"I Can See It In Your Eyes" possède une énergie qu'on apprécie à sa juste valeur, un titre qui dépote carrément mais oui ! Tout y est pour la bonne défonce : une section rythmique au top, des grattes hyper agressives jusqu'au chant habité de Steve Perry avec un refrain imparable. Quel hymne pour un retour finalement un brin hasardeux ! Voilà qui devrait rabibocher tout notre monde avec JOURNEY, et je ne vous parle pas du solo de Neal SCHÖN, magnifique. C'est bien simple, dès que le titre est terminé, on a juste envie de le remettre ! Jonathan Cain fait des merveilles en rythmique de synthé sur "One More" qui sonne bien agressive et dynamique. Le refrain est nanti de choeurs lancinants, un titre très efficace et qui sonne B.O avec des orchestrations de cordes très qualitatives. A retenir, définitivement.

Le gros son continue avec la réussie "Castles Burning" et sa jolie guitare wah-wah, six minutes où la six cordes de Neal est intenable. "Forever In Blue" nous laisse dans le giron du Hard FM, comme c'est souvent le cas avec les groupes d'AOR. Un mix entre guitares clean et distorsionnées : sympa. Que nous raconte l'éponyme "Trial By Fire" ? Quelques réminiscences prog, un mode pop en général et une vibe presque ambient au final. Le groupe y joue un peu comme 'en se retenant'. Vous saviez que nos Californiens savaient jouer en mode Reggae ? Voilà, cela nous donne cette incongruité qu'est "Baby I’m Leavin You", marrant non ?

Et des tonnes de slow en fusion ! "Don’t Be Down On Me Baby" ne fera pas changer d'avis ceusses qui n'aiment pas l'AOR pour ses slows pompiers. En voici un prêt à éteindre tous les feux possibles et imaginables. Ok, je vous concède toutefois encore un solo de feu du divin Neal. Comme son titre l'indique, "It’s Just The Rain" est un slow... Attendez-vous à des tonnes de sirop ! On tombe dans l'horreur avec "When I Think of You", un slow qui atteint les tréfonds du genre. On est plus en mode mid-slow sur "Still She Cries", quasi variété à nouveau, avec Steve qui roucoule. Forcément pas ma préférée. Enfin, les nappes de synthés dominent sur "Colors of the Spirit", un autre mid-tempo peu inspiré. "Easy To Fall" n'est pas plus emballante. L'addition de slows est très salée.

La conclusion se révèle complexe : un chef-d'oeuvre avec "I Can See It In Your Eyes", deux titres excellents avec "One More" et "Castles Burning", des singles ok mais transparents, et une tonne de slows. En amputant la livraison des 8 slows, on obtiendrait un quasi quatre sur l'échelle de notation, mais ainsi chargé, l'album est un hymne au non développement des slows. Je vais donc me fixer sur un deux certes un peu sévère mais tout en encourageant l'écoute des trois morceaux à sauver de cette onzième offrande studio au monde de la musique.