JOURNEY est désormais un quatuor en 77, à l'approche de la sortie de son troisième album dans les bacs. Columbia est toujours derrière ses poulains californiens, mais il va falloir au groupe de Neal SCHON une certaine réussite pour s'imposer dans les billboards. Neal est d'ailleurs au four et au moulin puisqu'il produit en grande partie cette galette, comme les précédentes. Habituez-vous, l'animal a un esprit de Deux ex-Machina et, 45 ans plus tard, il continue de tout vouloir gérer avec une grosse tête assez hallucinante, mais il n'empêche qu'il est l'un des meilleurs guitaristes de l'histoire du rock. Bref, la scène est posée pour un troisième disque aux attentes ambitieuses.

"Spaceman" est donc le single de cette année révolutionnaire ! Elle est à nouveau le fruit des claviers du chanteur Greg Rolie. Titre atmosphérique poppy à la mignonne ligne mélodique et dont les aspects progressifs restent notables. Mais, comme à l'accoutumée, les belles interventions en solo de Neal SCHON donnent une identité rock à la chanson. Elle est très agréable, mais ne fait pas vibrer le billboard pour autant. "People" nous ramène à des considérations plus progressives, les claviers enrobant le titre nous donnant un look proche de RUSH par instant. La voix de Rolie me semble toutefois, comme depuis les débuts, assez banale et manque d'originalité, même si elle est juste. Nous sommes évidemment à l'opposé des aspirations de la jeunesse de 77, le punk et le disco sont bien loin. Il va falloir polisser tout ceci pour parvenir au succès.

Alors, comme s'il soupçonnait que son chanteur ne fait finalement pas l'affaire, Neal se met au chant et cela nous donne deux titres : c'est un clavier agile qui embraye "I Would Find You", contrairement à ce que l'on aurait pu croire, le titre est ambient et très progressif. Neal ne démérite pas au micro, mais c'est sa gratte qui emporte tous les suffrages. Le riff de "Karma" nous trimballe immédiatement sous d'autres cieux jouxtant le hard-rock, avec quelques relents psychédéliques compréhensibles. L'instrumental "Nickel and Dime" est toujours signé de George Tickner, malgré son départ maintenant lointain. Nous y restons progressifs, et ce son finalement très clair évoque WISHBONE ASH à bien des égards. Malgré tout, le momentum du titre c'est du RUSH dans le texte, ou nous évoluons entre "La Villa Strangiato" et "Xanadu", ce qui est tout de même une sacrée bonne nouvelle du point de vue qualitatif. Même la basse sonne Geddy Lee, c'est dire ! Le grand moment de cet album qui, à mon sens, lui évite une note médiocre.

Deux autres titres sortent aussi de la besace de Rolie : "Here We Are" : de la pop progressive. Une gratte agressive démarre "Hustler" et, cette fois, les gimmicks nous rapprochent de DEEP PURPLE, un chant à la Ian GILLAN, un hammond à la Lord, tout ceci bien connu des foules ne risquant guère de déclencher une vague d'enthousiasme folle, même si les instants d'emballage sont sympas. L'éponyme "Next" laisse entrapercevoir le futur qui s'amorce pour JOURNEY : une forme de rock AOR, pas assez dure pour être classifiée Hard-rock, des structures parfois proches du progressif, et l'appétence particulière de Neal SCHON pour les aspects technique et pyrotechnique de la guitare. Voici donc le titre le plus emblématique de cette livraison, symbole de l'évolution à venir, même si je lui préfère l'instrumental.

Next atteint la 85eme place du billboard, un résultat encourageant, mais qui ne peut guère satisfaire les boss de la Columbia. Il semble toutefois que Neal ait pris conscience de la faiblesse de Greg au poste de chanteur, il engage Robert Fleishman au micro et, peu à peu, Greg Rolie est cantonné au job de claviériste et co-vocaliste de luxe. Au final, ce troisième opus reste un des albums mineurs de JOURNEY, et la quasi-totalité des titres de ce début de carrière ne va pas être jouée lors des live set.