En 2003, PAT METHENY n’avait rien publié en solo depuis de nombreuses années et le très électrique et controversé Zero Tolérance For Silence. Pour lui donner un successeur, Pat revient à un registre beaucoup plus attendu chez lui : une guitare électro acoustique baryton, son studio d’enregistrement, et c’est parti pour 1h05 de musique jouée en quasi-solo (avec juste quelques notes de basse ajoutées pour appuyer certains titres). En fait, cet album a nécessité deux sessions, une première fin 2001 constituée de six titres, et une seconde en janvier 2003 avec trois nouvelles impros et 3 reprises. La tonalité de l’album, comme l’indiquent son titre et sa splendide pochette, est extrêmement feutrée et intime : Pat utilise l’accordage Nashville pour donner encore plus de relief et de profondeur à son son, tout en tirant le meilleur des graves de sa guitare baryton. Le style déployé est très méditatif avec des titres souvent très lents, légèrement atonaux et volontairement assis sur des structures mélodiques un peu répétitives (dans une démarche proche de celle de certaines œuvres intimistes de Keith JARETT ou Bill EVANS par exemple avant lui). Avec cet opus, on s’approche au plus près de la dimension impressionniste de la musique de Pat : celle-ci prend forme par strates successives et ne trouve sens que dans la totale interaction avec un auditoire qui doit s’y laisser engloutir pour vivre pleinement l’expérience sensorielle drivée par le maître. Dit autrement, cette œuvre s’apprécie dans un contexte et un état d’esprit propices, conditions pour qu’elle délivre toutes ses splendeurs et produise pleinement l’effet attendu.

L’album est constitué en fait de huit créations de Pat et de quatre reprises, dont une du PAT METHENY GROUP, le fameux "Last Train Home". Cette version est évidemment bien différente de l’originale, plus lente et adaptée au climat du disque, et fait l’objet d’enrichissements harmoniques témoignant de tout le savoir-faire du virtuose. Le titre le plus accrocheur du disque est évidemment la reprise du "Don’t Know Why", le tube Jazz de NORAH JONES, dont Pat met à nu les splendeurs et ressorts, grâce notamment à un prodigieux travail de la main gauche (ceux qui s’y sont frottés savent de quoi je parle). Sur "My Song", superbe pièce de Keith JARETT, Pat témoigne de tout son amour pour le pianiste américain par une interprétation toute en sensibilité, alors que "Ferry Cross The Mersey" de Jerry Mardsen dévoile une jolie mélodie, assez répétitive, autour de laquelle Pat brode de belles variations harmoniques.
Parmi les huit nouveaux titres composées par Pat, deux se distinguent par un rythme assez rapide et certains traits quasi-folk : le superbe et dynamique "Song For The Boys" et le non moins réussi "Over On 4th Street" qui évoque les belles heures de New Chautauqua par sa dimension plus pastorale. Les six pièces restantes sont nettement plus mélancoliques et propices à la méditation. Je pense notamment à "North To South, East To West" aux 12’ de lente progression harmonique, qui nous enveloppe de son atmosphère onirique. "I will Find The Way" a des accents un peu classiques et parfois un rythme de valse lente qui génère un fort effet méditatif, proche d’une sorte de transe hypnotique. Les autres titres, "One Quiet Night", "Another Chance", "And Time Goes On" et "Peace Memory" produisent des effets assez proches et nécessitent une forte attention pour en saisir tous les trésors et subtilités.

En résumé, voici un disque aux antipodes des reproches parfois adressés à Pat quant à la facilité d’écoute de sa musique (essentiellement celle du PAT METHENY GROUP). Pour autant, il ne cherche en rien à complexifier son propos, ni à contenter les puristes d’un Jazz orthodoxe qu’il maîtrise par ailleurs à la perfection. One Quiet Night est une œuvre exigeante mais très séduisante qu’il faut aborder dans le bon mood et une atmosphère appropriée pour en apprécier toutes les immenses qualités. Cet album constitue une belle pièce de plus à la formidable collection du guitariste américain une nouvelle fois récompensé en 2004 d’un Grammy Award au titre du 'Best New Age Album'.