Recherche avancée       Liste groupes



      
POP  |  STUDIO

Commentaires (1)
L' auteur
Acheter Cet Album
 



Etienne DAHO - Tirez La Nuit Sur Les Etoiles (2023)
Par AIGLE BLANC le 30 Septembre 2024          Consultée 477 fois

Aujourd'hui que paraît son douzième opus, Etienne DAHO a rejoint le club plutôt restreint des artistes de la trempe de Bernard LAVILLIERS, Jacques HIGELIN ou Francis CABREL, dont chaque nouvelle livraison est perçue, par leur public comme la critique, comme une 'énième' livraison, cela dit sans aucune péjoration. A ce stade de leur discographie, l'auditeur ne jouit plus du privilège d'assister à une carrière en devenir, quand chaque album faisait alors progresser un art en construction. Mais, comme le touriste qui retourne avec un plaisir renouvelé dans son pays étranger d'élection, il se replonge volontiers dans l'univers intime de son musicien préféré dont il n'attend plus aucune surprise, animé du seul espoir d'y retrouver les ingrédients qui le séduisent depuis des décennies. Aucun artiste n'est fautif d'être et de rester tout simplement soi-même.
Ce n'est donc plus l'originalité qui constitue le critère d'évaluation pertinent d'un opus d'Etienne DAHO. Le public indifférent à son art n'appréciera pas davantage ce disque que les précédents, anciens et nouveaux confondus. Quant à ses adeptes inconditionnels, ils touveront dans cette galette ce qu'ils aiment chez le chanteur à la voix singulière : une pop ouvragée aux textes poétiques toujours aussi elliptiques et introspectifs.
Les thèmes parcourus au travers de ces 12 chansons inédites couvrent une fois encore le large spectre des relations intimes : des coups de foudre de tonalité juvénile au rejet du partenaire jadis tant aimé, en passant par l'amertume subsistant après la phase de cristallisation. Comme à son habitude, Etienne DAHO souffle le chaud et le froid, la naïveté et la lucidité aiguisée, trouvant entre ces poles apparemment contradictoires un équilibre subtil qui en constitue le charme toujours opérant.

Pourtant, qui aborde Tirez la nuit sur les étoiles comme un album de pop basique court le risque de la déconvenue. En effet, contrairement à ce qu'attend l'obédience pop, des 12 pistes qui en constituent le programme, aucune ne tente de sortir du lot, Etienne DAHO n'ayant lui-même cru bon de donner sa chance qu'à un unique single (la piste éponyme). A leur écoute, il est évident que ces chansons résistent à toute tentative de mémorisation, bien que leur structure respecte le schéma classique du Couplets/Refrain. Malgré la présence de mélodies, l'auditeur est mis au défi de pouvoir fredonner la moindre bribe de composition. Il manque donc souvent un refrain imparable qui donnerait envie d'y revenir pour le plaisir de savourer une chanson accrocheuse.
Deux réactions sont dès lors possibles : soit attribuer l'austérité mélodique du disque à un déficit d'inspiration d'Etienne DAHO, soit s'obliger à affiner son écoute et son analyse en dépassant la surface des apparences.
Le minimalisme mélodique dominant se voit décuplé par le mixage des différents titres qui, presque tous, se terminent de façon assez abrupte, sur une note qui selon la logique du refrain devrait en appeler une autre mais, soudain orpheline, se voit contrainte au silence, donnant l'impression que la chanson s'interrompt parce qu'inachevée. Cela change totalement des fins orchestrées autour du 'fade out' classique.
L'austérité mélodique n'implique pas l'absence de mélodies : le chant d'Etienne DAHO, devenu maître de son art si singulier, trace des harmonies plus que des mélodies. Cela restreint les couplets comme les refrains qui se caractérisent par leur manque d'amplitude, un resserrage strict de leur structure, un peu dans l'esprit des haïkus*, qui évite toute digression, tout développement attendu d'ordinaire par les adeptes de 'pop music', au risque d'un ascétisme rien moins qu'accrocheur. Corollaire de cet aspect musical, nombre de couplets ou refrains sont réduits à de courtes phrases qui ne suffiraient pas au sein d'une chanson pop basique. Les harmonies du chant rappellent peu ou prou celles qui dominaient les chansons du Condamné à mort, l'album étonnant qu'Etienne DAHO avait osé produire en collaboration avec Jeanne Moreau et dans lequel il chantait le poème éponyme de Jean Genet mis en musique en 1968 par Hélène Martin, la beauté irradiante du texte dictant alors les harmonies et non l'inverse, au détriment évidemment de la mélodie.
Et c'est là que le douzième opus du chanteur révèle son secret ou ses vraies intentions : l'artiste qui accorde leur place centrale aux paroles de ses chansons ne vise plus uniquement l'efficacité mélodique, délivrant une musique pop d'ambition littéraire de plus en plus marquée, qui rapproche timidement l'art du chanteur de celui d'Alain BASHUNG, pas si éloigné qu'on pourrait le croire de l'ombre tutélaire de Léo FERRE. Le chant clair d'Etienne DAHO, d'une pureté inoxidable, est mis en avant d'une façon inédite qui rend passionnante l'analyse de la mise en musique. Malgré la diversité des compositeurs sollicités par DAHO lui-même, chacun d'eux n'a de cesse d'épouser la ligne vocale du chanteur jusque dans ses moindres nuances. Il confirme avec éclat le sens infaillible qui lui permet de s'entourer des meilleurs collaborateurs qu'il puisse trouver, notamment le fidèle claviériste Jean-Louis Piérot (qui co-compose "Respire" et "30 décembre"), Vanessa PARADIS, toujours prête à un duo amical ("Tirez la nuit sur les étoiles") et la chanteuse Jade Vincent ayant rejoint le cercle depuis l'album précédent Blitz (2017) et co-compose "Boyfriend", "Comme deux aimants" et "I've Been Thinking About You" dont elle assure également le duo. Tous ces musiciens venus d'horizons divers (Paul & Christian Fradin, David Holmes, Paolo Carlo Gozzetti, Fred Ventura, Shawn Smith, Keefus Ciancia, Mona Testa) s'immergent pourtant de façon troublante dans l'univers et le style singulier du chanteur, au point que, vampirisés par l'artiste ou totalement dévoués à sa cause, ils ne peuvent délivrer qu'une musique sonnant irrémédiablement comme du Etienne DAHO pur jus, aboutissant à un disque d'une grande cohérence.

Afin de nuancer l'impression que pourraient susciter mes propos antérieurs, je dois préciser qu'il s'agit d'un bon, voire très bon, album d'Etienne DAHO. Certes, aucun titre ne semble taillé pour inonder les ondes radiophoniques, mais l'artiste dans sa pleine maturité nous livre de nouveau un opus solide, agréable, séduisant et mystérieux, autant d'humeurs aptes à satisfaire un certain public.
Depuis Blitz, le chanteur privilégie une production touffue, assez compacte, résultat d'une compression des divers instruments, un peu dans le sillage de Phil Spector. Cela confère à certaines chansons ("Tirez la nuit sur les étoiles", "Le chant des idoles", les refrains de "Boyfriend", "Virus X" et "I've Thinking About You", le crescendo de la masse orchestrale de "Respire") une empreinte immersive plutôt envoûtante.

* des haïkus : nom que les Japonais donnent à des poèmes fort brefs (3 vers seulement) et obéissant vers par vers à un rythme très codifié. Ces poèmes condensent une pensée philosophique en ne s'attachant la plupart du temps qu'à des détails "insignifiants". Mais selon l'adage bien connu : "qui dit le moins dit le plus", c'est tout un art de la concision que nous enseignent ces mystérieux poèmes japonais qui impressionnent fortement les littéraires du monde entier.

A lire aussi en POP par AIGLE BLANC :


Ennio MORRICONE
Western (2020)
Le génie de Morricone à l'oeuvre




LOVE SPIRALS DOWNWARDS
Ardor (1994)
Magie sonore et émotion garanties


Marquez et partagez





 
   AIGLE BLANC

 
  N/A



- Etienne Daho (chant, paroles, compositions - 1, 4, 6, 7, 10, 11 )
- Christian Fradin (compositions - 1 & 7, claviers, programmations)
- Paul Fradin (compositions - 1 & 7)
- Keefus Ciancia (compositions & programmations - 2-3 & 9)
- Jade Vincent (compositions - 2-3 & 9, duo voix -9)
- Shawn Smith (composition - 9)
- David Holmes (composition - 3)
- Fred Ventura (compositions & claviers - 5 & 11)
- Paolo Carlo Gozzetti (compositions & claviers - 5 & 11)
- Jean-louis Piérot (compositions - 6, 10 & 12, claviers -1-3, 7, 9 & 1)
- Mona Testa (composition - 8)
- Vanessa Paradis (duo voix - 1)
- Marcello Giuliani (basse)
- Mary Scully (double basse)
- François Poggio (guitares électrique & acoustique)
- Arnaud Biscay (batterie)
- Fabrice Theuillon (saxophone baryton)
- Laurent Bardainne (saxophones ténor et basse)
- Ian Burdge (violoncelle)
- Fabrice Martinez (trompette, tuba)
- Michael Joussein (trombone)
- Ian Rathbone (alto)
- Alison Dodds (violon)


1. Tirez La Nuit Sur Les Etoiles
2. Boyfriend
3. Comme Deux Aimants
4. Les Derniers Jours De Pluie
5. Virus X
6. Respire
7. Le Chant Des Idoles
8. Le Phare
9. I've Been Thinking About You
10. 30 Décembre
11. Les Petits Criminels
12. Roman Inachevé



             



1999 - 2024 © Nightfall.fr V5.0_Slider - Comment Soutenir Nightfall ? - Nous contacter - Webdesign : Inox Prod