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Etienne DAHO - Pour Nos Vies Martiennes (1988)
Par AIGLE BLANC le 28 Janvier 2016          Consultée 4127 fois

La Dahomania ne cesse de croître depuis Pop Satori (1986) et, enfonçant le clou, son nouvel album Pour Nos Vies Martiennes accède en 1988 à la quatrième place des meilleures ventes en France où il est certifié dans la foulée disque de Platine. Etienne DAHO l'enregistre de nouveau à Londres et le produit avec la collaboration de Ben Rogan. C'est aussi le premier à bénéficier d'une sortie simultanée dans huit pays.

La Tournée qui s'ensuit, "Tour Martien", couvrant les quatre premiers mois de 1989 fait une étape remarquée au célèbre Marquee Club de Londres. Le Live qui en découle sobrement intitulé Live ED est certifié quant à lui deux fois disque d'or.

Loin de se réduire à ces événements pourtant essentiels à sa carrière, les activités artitiques du chanteur brassent beaucoup plus large : jouant sur plusieurs tableaux à la fois, E. DAHO se paie le luxe de produire en parallèle les albums solo de Daniel DARC (ex chanteur du groupe punk français TAXI GIRL), de Bill Pritchard et de LIO. Le cinéma, sous l'égide de Bertrand Fèvre, lui offre l'opportunité de chanter en duo avec ni plus ni moins que Chris ISAAC dans le film Tant pis pour l'Idaho.

Depuis La Notte, La Notte (1984), c'est donc à une accélération exponentielle de sa carrière que nous convie l'artiste, emblème d'une jeunesse toujours plus avide de sensations, lancée à corps perdu dans une odyssée vertigineuse à la gloire du sexe, de l'amour, des boîtes de nuit, une jeunesse en quête de plaisirs divers et d'illuminations. Sauf que le temps lui n'attend pas, comme le chantait déjà E. DAHO dans son premier album Mythomane. Et Pour Nos Vies Martiennes se prend le temps comme un boomerang dans la gueule. Les thèmes du songwriter sont quasi les mêmes -envie d'évasion, recherche de l'amour, aspiration à l'illumination. Mais un vice nouveau fait son apparition, qui contamine la quasi totalité des titres en jetant une ombre et un frein à toute cette frénésie qui semblait jusqu'alors inépuisable. La désillusion est passée par là, laissant sur son passage une odeur d'incomplétude, de déception, d'amertume... d'incompréhension.

Est-ce un hasard si l'album ouvre les hostilités avec "Quatre Hivers"? Il ne s'agit pas d'une chanson proprement dite, elle est trop courte pour y prétendre et ne comporte aucune structure pop, ni couplet ni refrain. Etienne DAHO y évoque de sa voix traînante des lendemains de fêtes amers et s'interroge sur le temps qui passe, ce temps qu'il ne sait plus comment passer et que, désoeuvré, il passe tant bien que mal "à regarder les vagues de la mer", à moins que ce ne soient "les vagues de l'amer". La guitare initiale avec ses couleurs celtiques (on jurerait presqu'une cornemuse) ouvre cette intro sur une fausse piste. Il ne s'agit pas d'un hymne... ou alors c'est l'hymne de la désillusion.

La piste suivante enchaîne sur le hit de l'album (30ième au Top 50), le superbe "Bleu Comme Toi" dont la structure couplet-refrain est quelque peu pervertie : tandis que les deux couplets initiaux décrivent une situation que l'on retrouve comme un leitmotiv dans tous ses disques (le chanteur est au lit, dans les bras de sa bien-aimée), le refrain qui se fait attendre plus longuement que d'ordinaire dévoile soudainement l'envers du décor et brise ce que les couplets pouvaient dégager de plus jouissif. Si l'homme est allongé auprès de sa partenaire, il ne dort pas. Le charme ne fonctionne pas ou plus. "Le monde est bleu comme toi.... Et mon humeur est down down down". Après un refrain aussi désillusionné, ne vous attendez pas à voir redébarquer de nouveaux couplets qui réactiveraient la magie et la sensualité de l'instant partagé entre l'homme et la femme! Non, contre toute attente, c'est le refrain qui est repris jusqu'à plus soif. La mélodie reste entraînante et fort agréable grâce à une guitare carillonnante et à un joli effet de dédoublement de la voix du chanteur dans les choeurs du refrain.

Des ritournelles esquissant des bluettes amoureuses, l'album n'en manque pas (et puis c'est la signature DAHO, non?), mais ici vous ne retrouverez jamais plus les évocations idyliques, délicieusement juvéniles, qui faisaient autrefois le charme de "Tu Dors Encore" et de "Promesses". L'amour cette fois rime avec regret, déception, interrogation.

Si "Caribbean Sea" évoque dans un premier temps l'aspiration au voyage, l'attrait de l'ailleurs, bien vite nous découvrons que c'est un voyage de substitution tout juste bon à servir de thérapie suite à une rupture amoureuse. La mélodie encore une fois coule avec une remarquable fluidité. On ne doit pas être loin de la chanson pop parfaite si l'on admet l'arrière-plan mélancolique qui atténue le plaisir enfantin ressenti à cette comptine soyeuse. Dans "Where's My Monkey?", la déchéance résultant d'une rupture amoureuse est contre-balancée pour une fois par un rythme rock avec riffs acérés de guitare et piano survolté à la Jerry Lee Lewis.
L'interrogation atteint des sommets abyssaux dans la très efficace "Affaire Classée" où E. DAHO ne comprend pas pourquoi sa partenaire n'a plus de charme, plus aucun mystère, pourquoi donc elle est devenue "une affaire classée". Les vers "Magie rompue, Affaire foutue, Affaire classée" condensent à eux seuls l'angoisse existentielle de ce constat accablant. Aucune réponse ne vient soulager le narrateur obligé de subir un fait : il n'aime plus sa compagne... et il en ignore la raison. Le martèlement appuyé de la batterie traduit parfaitement le caractère obsessionnel des pensées qui empêchent l'homme de dormir.

Si Pour Nos Vies Martiennes est un jalon essentiel de la discographie de l'artiste, il marque aussi un certain fléchissement qualitatif. A côté de titres évidents où l'on retrouve intact le talent du chanteur-auteur, combien d'autres plutôt décevants? "Des Ir" ne brille pas par sa mélodie assez insipide ni par ses paroles absconses (j'avoue que je ne les ai pas bien comprises). "Stay With Me" avec ses paroles insignifiantes en Anglais n'est sauvé que par le fait qu'il s'agit d'une reprise de Oliver Dembling (chanteur du groupe américain de new wave Comatteens) et que l'orchestration assure. Certains titres s'avèrent à moitié convaincants : c'est ainsi que "Le Plaisir de Perdre" séduit bien davantage par ses textes que par sa musicalité, que "Musc et Ambre", a contrario, envoûte plus par sa musique que par ses paroles plus banales.

Heureusement, le disque se termine par deux superbes réussites. D'une part, une reprise parfaite de "Winter Blue" où les choeurs féminins et les accords métalliques de la guitare fusionnent dans une ambiance pop absolument exaltante.
Et pour finir, sans-doute la plus belle chanson d'Etienne DAHO, la sublime Des Heures Hindoues où le piano et la voix du chanteur se caressent mutuellement dans une humeur poétique d'une troublante beauté. Le genre de chanson qui se hisse instantanément au rang de classique et qu'on ne compose qu'une fois dans sa putain de vie. Merde, le temps passe... et qu'est-ce que je fais en attendant?

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   AIGLE BLANC

 
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- Etienne Daho (chant et chœur)
- Xavier Geromini (guitare)
- Busta Jones (basse)
- David Munday (clavier)
- Ben Rogan (percussions)
- Chuck Sabbo (batterie)


1. Quatre Hivers
2. Bleu Comme Toi
3. Caribbean Sea
4. Where's My Monkey?
5. Affaire Classée
6. Des Ir
7. Stay With Me
8. Le Plaisir De Perdre
9. Musc Et Ambre
10. Winter Blue
11. Des Heures Hindoues



             



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