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Etienne DAHO - Paris Ailleurs (1991)
Par AIGLE BLANC le 7 Mai 2016          Consultée 3187 fois

L'année 1991 se termine en forme d'apothéose pour Etienne DAHO. Son album Paris Ailleurs se vend à près de 500 000 exemplaires (devenant dès l'année suivante Disque de Platine). Pas moins de 5 singles en sont extraits. La tournée internationale qui s'ensuit et qui couvre 14 pays aboutit à un live enregistré lors de son passage à Paris en décembre 92 et intitulé astucieusement Daholympia (devenu dans la foulée double Disque d'Or).
Pour l'auteur-interprète, les années 80 ont signé non seulement sa naissance en tant qu'artiste mais aussi sa consécration comme icône de la pop française assurant incontestablement la relève des Jacques DUTRONC, Françoise HARDY et autres Michel POLNAREF.

Alors, que reste-t-il aujourd'hui de ce Paris Ailleurs, une fois digérée la dahomania à laquelle succomba l'Europe en ce début des années 90 ? La réponse, le moins qu'on puisse dire, ne manque ni d'intérêt ni de surprise.
Une écoute superficielle révèle la première qualité de cet opus : une homogénéité dans la qualité des 11 titres qui le composent dont on chercherait en vain l'équivalent dans la production discographique française d'aujourd'hui. Vous me rétorquerez qu'en affichant seulement 38 minutes au compteur, l'album ne court pas vraiment le risque d'une inspiration déclinante sur la durée. Oui mais voilà, qu'attendent les maisons de disques actuelles pour revenir au format des 40 minutes, à mon sens le format idéal pour l'auditeur pressé d'aujourd'hui ? Cela permettrait de faire un tri parmi les chansons de l'artiste qui n'est pas toujours le mieux placé pour juger de leur qualité.

Depuis le premier opus Mythomane (1981), la synth-pop d'Etienne DAHO a peu à peu viré pop-rock : les synthés bien que n'ayant pas totalement disparu se sont faits de plus en plus discrets. Disons que les années 90 ont cherché à les rendre transparents. Si les arrangements de Paris Ailleurs sonnent plus intemporels, on peut regretter la perte d'un certain charme juvénile qui chez DAHO, loin d'être une posture, s'affirmait comme une authentique signature.

Une étude plus attentive des paroles écrites par le chanteur permet de nuancer l'impression première qu'elles suscitent. Le thème du voyage lié à celui des villes traversées dessine le fil conducteur de l'album que nourrissent des titres comme "Des Attractions Désastres", "Saudade", "Les Voyages immobiles". Pour un artiste qui depuis son avant-dernier opus n'a cessé d'aligner les tournées, il n'y a là rien d'étonnant. Sauf que l'exaltation des voyages se colore, même masquée, d'une pointe d'inquiétude. "Des Attractions Désastre" ont beau décrire le tourbillon d'expériences dans lequel le plongent ses tournées, la magie se voit assombrie par le danger que représente la vie dissolue tant vantée par la "Rock way of life". Il semblerait parfois qu' E. DAHO éprouve un certain malaise comme s'il n'assumait pas pleinement l'icône qu'il est devenu en quelques années ramassées. "Saudade" évoque sur un ton poétique et crypté sa rencontre avec Lisbone que les paroles personnifient au point de confondre la capitale portugaise avec une figure de la femme fatale. Le vers qui cite "cette valse d'avions" contiendrait-il un regret du chanteur supportant de moins en moins les allers et retours des concerts dans les villes d'Europe ? Ces deux premiers titres, autant de singles à succès, se posent en bilans de l'icône pop confrontée au piège enjôleur du succès international.

L'amour, comme à son habitude, traverse l'ensemble des chansons. Mais contrairement à ses premiers textes, la figure de l'être aimé se confond ici très souvent avec celle de la ville parcourue. Dans "Comme un igloo", troisième single de l'album, DAHO se sent tiraillé entre la surface de son être "ultracivilisé" et sa nature passionnée, intempestive qui pourrait craqueler son image médiatique au risque de choquer la bien-pensance. Il est incontestable qu'une dynamique auto-destructrice menace l'aspiration de l'artiste à une vie sereine riche de contemplation. Cette dichotomie contamine particulièrement "Les Voyages Immobiles", chanson dans laquelle il demande à celle qu'il aime (la ville ou la femme fatale qui guette ?) qu'elle l'entraîne avec elle "dans ces eaux sombres". Alors qu'"Interlude à la désirade" évoque une relation privilégiée à laquelle il s'abandonne en s'affranchissant des contraintes temporelles, signe de son désir d'accéder à un état de plénitude que soulignent "le courant d'air sur les toits" et la pluie qui lui "donne l'envie de toi".
Seulement, sa vie de pop star le condamne semble-t-il aux relations éphémères dans les villes qu'il parcourt. Même à Paris, la licence poétique des paroles autorise plusieurs interprétations : dans "Rue des Petits Hôtels", n'évoque-t-il pas de manière subliminale sa relation avec une prostituée avec laquelle il se prend à rêver d'une partenaire qui lui donnerait tellement plus qu'une relation tarifée ?

Ses doutes, ses inquiétudes, ses réflexions parfois à la limite du désabusement, Etienne DAHO les exprime en privilégiant une écriture cryptée, presqu'ésotérique. Musicalement, ces zones troubles et anxieuses sont masquées par une dynamique pop rock qui les saupoudre d'un esprit toujours entraînant. Je tiens à rappeler à ce propos le caractère séduisant et exaltant des mélodies, toutes aussi accrocheuses les unes que les autres. Une fois n'est pas coutume, le chanteur compose la plupart des chansons avec un sens du groove inné. La guitare d'Edith Fambuena, sans faire étalage de virtuosité, assure juste ce qu'il faut pour donner envie de trépigner sur place : "Saudade" et "Un Homme à la Mer". Elle sait aussi dessiner un climat vaporeux à coups d'accords judicieux comme dans "Les Voyages Immobiles" ou d'arpèges flottants dans l'envoûtant "Interlude à la désirade". Autant Thommy Price reste banal à la batterie lors des titres enlevées, autant il excelle dans les plages lentes les plus climatiques. C'est lui par exemple qui soutient avec efficacité l'armature de l'original "Double Zéro et l'Infini", sans doute le titre plus intéressant de l'album, ainsi que le titre éponyme où DAHO se prenant pour Gainsbourg s'essaie aux style parlé incantatoire. Sinon, le saxophone de Crispin Cioe ne se distingue pas particulièrement lors de ses rares interventions.
C'est le reproche principal que l'on peut formuler à l'encontre de Paris Ailleurs : la docilité transparente des musiciens qui confine, comme souvent dans la variété française, à l'insipide. Si les instrumentistes qui accompagnent Etienne DAHO avaient eu une marge de liberté plus importante, nul doute que ses chansons, au fort potentiel, eussent sonné avec une force autrement plus prégnante. Cette discrétion des musiciens est d'autant plus curieuse que notre icône de la pop est allé enregistré son album à New York. Peut-être que les musiciens de studio qu'il a sollicités n'ont pas apporté une aussi grande contribution que s'ils avaient constitué un groupe à part entière.

Paris Ailleurs reste un album très efficace, solide, mais dont les musiciens se sont bien gardés de délivrer la chair de leur chair. Dommage.

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   AIGLE BLANC

 
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- Etienne Daho (chant, chœurs)
- Edith Fambuena (guitares)
- Kenny Aaronson (basse)
- Thommy Price (batterie)
- Peter Scherer (cuivres, orgue, synthétiseurs)
- Crispin Cioe (saxophones ténor et baryton)
- Bob Funk (trombone)


1. Des Attractions Désastre
2. Saudade
3. Comme Un Igloo
4. Les Voyages Immobiles
5. Un Homme à La Mer
6. Interlude à La Désirade
7. Toi + Moi
8. Rue Des Petits Hôtels
9. La Berlue
10. Double Zéro Et L'infini
11. Paris Ailleurs



             



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