En cette fin d'années 1990, si Paul McCARTNEY a considérablement ralenti le rythme de sa production pop-rock en solo, ce n'est que pour mieux diversifier sa créativité. Lorsqu'il revient en 97 avec Flaming Pie, il a déjà retravaillé avec ses comparses Ringo STARR et George HARRISON pour faire revivre la nostalgie BEATLES (entre 94 et 96). Et par la suite, même si cela vient aussi d'un événement subi et déchirant, il passera les cinq années suivantes avec ces projets épars : deuxième et troisième opus de musique classique (après celui de 1991), deuxième effort plus électro/indé sous le nom The FIREMAN, albums de reprises rock'n'roll (deuxième, là encore, bien meilleur que 'le russe' de dix ans avant) et d'avant-garde...

Contrairement à tout ce qui précède donc, notamment un Off the Ground (1993) de qualité, Flaming Pie semble venir de presque nulle part. Le titre n'est pourtant pas anodin, lui aussi tourné vers un lointain passé, souvenir d'une anecdote de John LENNON qui aurait raconté dans un périodique musical de Liverpool, le Mersey Beat, que le nom de BEATLES avec un 'a' lui serait venu en songe par un homme survolant une tarte flambée. À côté de cela, la pochette est assez terne, mais Paul McCARTNEY reste bien décidé à ne pas assumer sa soixantaine approchant. L'enregistrement s'est fait dans son propre home-studio Hog Hill Mill, l'ancien moulin d'Ickelsham dans la campagne méridionale de l'East Sussex, mais aussi à Abbey Road et aux AIR studios de George Martin, enfin quelque part au fin fond de l'Idaho, U.S.A., dans la Sun Valley perchée sur les hautes Rocheuses.

Dès l'intro de "The Song We Were Singing", la brillance de son arpège acoustique et l'esprit folk avenant avec basse, percussions, accordéon en avant, guitares hero-électriques, on ressent le professionnalisme d'un tel enregistrement malgré ses contextes différents. En même temps, comme co-producteur, il y a Jeff Lynne, tête pensante d'ELECTRIC LIGHT ORCHESTRA, également ami de George et Ringo, travaillant avec eux de façon régulière. La voix de Macca est toujours jeune et le début de Flaming Pie se montre aussi plaisant que réjouissant. Par la suite, il enchaîne quelques titres d'obédience pop-rock tranquille plus ou moins efficace, à l'image de "The World Tonight", "If You Wanna", "Young Boy", "Used to Be Band" en compagnie de Steve MILLER (titre justement capturé en Idaho, dans le ranch de ce dernier) ou encore "Really Love You".

Comme souvent avec ce genre de disque, on se demande si la finalité justifie la quantité et la forme du contenu. On est dans les années 90 et il faut remplir le support CD, donc tout n'était pas indispensable effectivement ("Young Boy", "Really Love You") mais s'écoute agréablement, se tient en soi et puis encore une fois, les productions les plus évidentes de Macca se raréfient, en attendant que le nouveau millénaire relance la motivation. Dans cet ensemble si similaire voire commun, on note une petite perle nommée "Heaven on a Sunday", entre effet un peu gris terne du dimanche matin, guitares de caractère (par James McCARTNEY, le fiston déjà croisé quelquefois) et couleurs californiennes avec du piano Wurlitzer.

Et puis, par chance, la plupart des autres titres vaut vraiment le détour. En acoustique mais pas seulement : deux titres restituent fort bien la magie des BEATLES, à savoir "Flaming Pie", blues-rock adolescent massif ponctué de ruptures énergiques y compris ce sacré piano boogie bastringue, de choeurs dignes etc, puis "Beautiful Night", titre débuté une décennie plus tôt et auréolé de la touche George Martin aux orchestrations. On y frôle le 'too-much' sans y arriver ; quelle réussite vraiment, qui plus est grâce au trio rythmique Macca-Lynne-STARR (qui ressort également bien dans les choeurs) mieux que sur les autres titres rock ! Pour finir, retenons "Souvenirs" avec des textures blues plus rugueuses et toujours l'aide de George Martin.

Question profondeur, les titres plus calmes ne sont pas en reste, d'un point de vue attachement. "Calico Skies" au guitare picking lumineux et sautillant, Paulie l'a écrite sur Long Island, lieu de villégiature près de New York où il se trouvait en 1991 quand l'ouragan Bob a frappé les environs. La planante "Little Willow", dotée de choeurs irréels, est dédiée à Maureen Tigrett, l'ex-première épouse de Ringo STARR, qui vient de mourir d'un cancer, et leurs trois enfants. Macca, qui sait de quoi il parle niveau maladie, non pas directement mais pour pour le vivre d'assez près, y joue de la contrebasse, comme ça lui arrive parfois.

Avec autant de simplicité et d'inspiration, il dédie deux chansons elles aussi folk à sa chère et tendre Linda : "Great Day" où elle fait des choeurs et un peu plus jazzy, ainsi que "Somedays" dont la guitare avait besoin d'être doublée (les choses vont mieux par deux, comme les gens harmonieux). Une ballade où master Martin se fait encore plaisir, par un quatuor à cordes et en conviant aussi la harpe délicieuse de Skaila Kanga, musicienne connue grâce à Elton JOHN presque trente années plus tôt (l'album de "Your Song"). Flaming Pie, pour tout cela, est très bien reçu à sa sortie, décrit par beaucoup comme le meilleur Macca depuis quinze ans, porté en top des classements même si bientôt détrôné par des SPICE GIRLS plus en vogue. Or, on parlait de bouleversement subit et définitif, et c'est pour cela que les derniers instants de Paul et Linda réunis, même de façon minime, sont à savourer. La tragédie veut que le vilain crabe, de nouveau et présent depuis longtemps (elle l'avait contracté au sein depuis plus de deux ans) se mette à frapper...

Note réelle : 3,5