Serait-ce ses origines Yéniches ? Toujours est-il que Stephan EICHER, bien que Suisse (même si la fameuse neutralité suisse restera à jamais simplement politique), est un artiste ouvert aux quatre vents. Européen convaincu et convaincant, le bonhomme pioche allègrement et avec curiosité dans tout ce qui constitue l'Europe que nous connaissons aujourd'hui, dans ses disparités, mais aussi dans une unité culturelle croissante (et décriée par des régionalistes inutilement apeurés).

Sur ce 14ème album, l'Europhilie et l'Europhagie d'EICHER atteignent leur paroxysme. Sa volonté de confronter les nationalités se retrouve en effet dans le livret (fourni avec un film transparent rouge et un vert, les paroles sont imprimées en allemand, en anglais et en français, et ne se révèlent que lors de la superposition du film transparent souhaité), dans le line-up qui compose l'album, EICHER ayant fait appel à des artistes britanniques, allemands, hollandais, français, italiens et autrichiens et, bien entendu, dans la musique elle-même.

Surprenant de la première à la dernière note, Taxi Europa est sans doute l'album le plus original proposé par STEPHAN EICHER. Si les bases rock sont bien là (et bien plus présentes que sur Louanges, qui se voulait plus intimiste), le bonhomme agrémente ses morceaux d'influences et d'éléments inédits. Que ce soient les chœurs gospel d'"On Nous a Donné", single rock efficace, ou les sifflements de Micheline DAX sur "Avec Toi", qui constitue sans doute le meilleur morceau de l'album (sur lequel EICHER n'hésite pas à intégrer des instruments classiques du plus bel effet), nombreux ici sont les éléments faisant de Taxi Europa un album hétéroclite et très convaincant. Retrouvant la recette des titres à succès, EICHER propose ici quelques-uns de ses morceaux les plus efficaces, bien servis par des paroles, faisant toujours mouche, de Philippe DJIAN. "Mon Ami [Guarda & Passa]", soutenu par un refrain imparable, "Cendrillon après minuit", titre pop-rock agrémenté d'éléments électroniques dispensables, ou encore "Tant & Tant", qui n'aurait pas dépareillé sur Carcassonne, font du premier tiers de l'album une véritable réussite musicale.

Invitant ses amis Max Gazze et Herbert Grönemeyer à l'accompagner au chant du titre éponyme, Stephan EICHER pousse ici son concept au paroxysme, mêlant chant en français, en anglais et en allemand, pour un résultat moyen, le côté jazz-pop prononcé du morceau se révélant bien plus rebutant qu'intéressant. N'hésitant pas à se faire plus intimiste, EICHER propose avec la reprise de "Si on s'y mettait" (originellement écrite par Jean-Pierre Ferland) une pause peu convaincante, alors que "Swim to America", seul titre entièrement composé par le Suisse, offre une ballade piano/guitare/voix en langue anglaise dont lui-seul a le secret. Étrangement, les 3 morceaux chantés en bernois sont aussi les moins intéressants. Ultra-répétitif et trop marqué par l'empreinte du DJ Hollandais REYN, "Kreis 5" constitue sans doute la plus grande déception de l'album, de même que l'inutilement longuet "PS" qui le clôt sur une note bien moyenne.

Mêlant les styles et les nationalités, Stephan EICHER parvient à construire avec Taxi Europa un album à dominance rock et miraculeusement homogène. Handicapé par quelques morceaux dispensables, l'album montre néanmoins le duo EICHER/DJIAN sous son meilleur jour, signant là quelques-unes de leurs plus belles collaborations ("Avec Toi", "Mon Ami" et "Tant & Tant" en tête). Il n'y a donc aucune raison de ne pas embarquer dans ce taxi européen où les cultures s'épousent. Certainement pas le meilleur opus de Stephan EICHER, mais très honorable.

Note réelle : 3.5/5