Stephan EICHER est un "aventurier" de la musique, comme aime à le décrire son excellent ami Antoine De Caunes, celui qui a joué les entremetteurs et lui a permis, à la fin des années 80, de réaliser cette rencontre décisive avec l'écrivain devenu parolier Philippe Djian. Un aventurier donc, qui a vu sa carrière fleurir sur des sons électro, se structurer sur des mélodies plus douces et acoustiques, puis le succès frapper à la porte en réaction à un virage rock particulièrement remarquable qui a permis au chanteur multi-culturel d'accoucher de quelques uns des meilleurs albums du style enregistrés en langue française.

A l'été 2003, Stephan EICHER et son groupe s'élancent dans une tournée européenne et font étape à l'Ancienne Belgique, célèbre salle bruxelloise, le 19 octobre. Ce sera le cadre d'une captation qui fera l'objet d'une double sortie en 2004, au format CD et DVD. Un live qui réaffirme ici, 13 ans après le pavé Engelberg, les velléités rock d'un artiste protéiforme.

Le début du concert se fait à ce titre un véritable manifeste. Le groupe est carré, parfaitement en place, et c'est toutes guitares électriques dehors que les percutants extraits du dernier album Taxi Europa ("On Nous A Donné", "Cendrillon Après Minuit", "Mon Ami (Guarda E Passa)") laissent une marque particulièrement rugueuse. Si les enchainements des morceaux font malheureusement l'objet de fondus qui coupent les interventions du chanteur, la place est laissé à la musique, rien qu'à la musique, et celle-ci se fait ici percutante. Dans cet environnement live, les titres de l'album Taxi Europa se dévoilent et font jeu égal avec les classiques du Suisse, notamment "Rien n'est si Bon" qui aurait mérité de passer à la postérité.

Grande place étant laissée à l'album de 2003, Stephan EICHER omet ici de présenter des morceaux du pourtant formidable Carcassonne, exception faite de la formidable et envoûtante "Rivière", ode à la procrastination. Le chanteur et son groupe s'amusent, et n'hésitent pas à rallonger certains morceaux, notamment l'entraînant "Hemmige" agrémenté d'extraits de "Ghostriders In The Sky" et "Smoke On The Water"). "Déjeuner en Paix" est expédié, car si ce morceau constitue à jamais le pic de popularité de l'artiste, il n'est pas le cœur de son identité musicale bariolée, dont on retrouve ici les différentes facettes, que ce soit dans ces arrangements faisant la part belle à la distorsion ou dans un environnement plus intimiste, notamment lorsque Stephan EICHER se lance dans un intermède acoustique constitué des splendides "Louanges" et "Two People in a Room". En français, en anglais, en allemand ou en italien (aidé pour cela par ses camarades Max Gazzè et Achim Meier qui prennent le micro sur le polyglotte "Taxi Europa").

Il y a une rage débridée qui sévit sur "Les Filles du Limmatquai" (qui auront décidément été mises à toutes les sauces, de l'électro au jazz/soul), et l'intensité ne faiblit pas à mesure que, en fin de concert "Eisbär" ou encore "La Chanson Bleue" (dont les claviers évoquent les premiers pas musicaux du chanteur) témoignent de cette envie de frapper du sceau du rock cette prestation particulièrement intense, porté par une cohésion bien supérieure à celle du très intéressant bien que plus décousu double live Non Ci Badar... publié 10 ans plus tôt. Dire que ce live est représentatif de l'univers musical de Stephan EICHER serait réducteur, mais il se fait le condensé délicieusement rock d'une période de sa carrière menée par cette envie de faire résonner sa musique de manière différente. Toujours en recherche, l'artiste propose ici un témoignage particulièrement bluffant de son savoir-faire, et un condensé intéressant de ses meilleurs morceaux. Impressionnant.