Il y a eu la tonitruance de Hüh !, en début d'année, qui marquait le grand retour de Stephan EICHER, avec tambours et trompettes, après de trop longues années de silence. En ce dernier trimestre, il y a cette fois la discrétion de Homeless Songs, nouvel album constitué de compositions originales, le douzième de l'artiste suisse. En toute intimité, apaisé après des années de conflit avec sa maison de disques Barclay, qu'il a quittée pour donner sa chance à une autre major, Polydor, le Bernois installé en Camargue propose un album essentiellement folk, calme, qui s'affranchit du format 'chanson' classique pour proposer des pièces surprenantes, d'une durée s'étalant de 44 secondes à plus de 6 minutes, et qui s'inscrit pourtant parfaitement dans la discographie bariolée de cet artiste haut en couleurs.

Les refrains ? Facultatifs. Les arrangements ? Inexistants. Stephan EICHER fredonne, chante, mais ne hausse jamais la voix sur ces 14 pièces interprétées majoritairement en Français, l'indispensable Philippe Djian proposant une nouvelle fois des textes poétiques et mystérieux. Si "Si Tu Veux Que Je Chante", délicate ritournelle folk qui ouvre l'opus, s'inscrit dans les ambiances de L'envolée (2012), on ne tarde pas à sortir des sentiers battus pour découvrir une facette inédite du chanteur. Sur "Prisonnière", titre piano-voix aux intonations baroques, Stephan EICHER mis en mots par son compagnon de 30 ans, se fait à la fois noble et pudique, oeuvrant ici sur un morceau qui s'accorde parfaitement avec sa moustache qui lui donne un air de mousquetaire. Il s'agit à l'évidence d'une des plus belles chansons du duo.

Loin du rock, le chanteur construit des morceaux alambiqués, patchworks subtilement assemblés, à l'image de "Haiku - Papillons", que nous avions déjà en partie découvert sur Hüh !, ou balance des ritournelles folk chaleureuses et apaisantes, qui mettent en avant le piano et le verbe. On se drape dans ces chansons comme dans un peignoir douillet, et on les déguste dans un silence sépulcral. Aucun bruit extérieur ne doit déranger la beauté pure et lancinante de "Toi et ce monde", "Je n'attendrai pas", et les intonations jazzy de "Still". Jouant une carte plus espiègle, Stephan EICHER convie l'artiste indépendant américain Dan Reeder pour une adaptation fort savoureuse de "Born a Worm", qui devient le savoureux "Né un Ver". Si on ne retient pas grand-chose du trio formé avec MIOSSSEC et Axelle RED sur "La Fête est finie", cela n'est qu'accessoire. Il y a eu avant suffisamment de belles choses pour ne pas tenir rigueur à l'artiste lorsqu'il pêche par manque de conviction.

Album surprenant, proposant des ambiances inédites dans le répertoire de Stephan EICHER, Homeless Songs, qui cherche ses influences autant du côté de DYLAN que de BARBARA, se veut un délicieux mélange d'ambiances dont le seul point commun reste la délicatesse. En Bernois, en Anglais ou en Français, le chanteur suisse propose quelques pièces exigeantes et douces qui trouveront sans difficultés leur chemin jusqu'aux oreilles des amateurs de l'artiste les plus ouverts. Si on peine à déceler de grandes chansons (notons "Prisonnière" ou "Haiku - Papillons"), ce n'est pas grave, car ce n'est pas ici l'objet. S'affranchissant des codes, Stephan EICHER livre un album touchant et, somme toute, novateur.

3,5/5