« Vous voyez cette plume ?
Eh bien, c'est une plume... d'ange !
Mais rassurez-vous, je ne vous demande pas de me croire, je ne vous le demande plus.
Pourtant, écoutez encore une fois, une dernière fois, mon histoire. »

Imaginez qu'une nuit vous vous réveillez et qu'un ange soit devant vous, qu'il vous tende une de ses plumes et vous la donne en vous affirmant que si un seul humain à qui vous montrez la plume arrive à croire qu'il s'agit d'une plume d'ange, la paix, instantanément, règnera alors sur le monde Que feriez-vous ?
C'est cette histoire que nous narre, durant plus de 15 minutes, NOUGARO avec toute la verve dont il est capable aidé par les orchestrations du légendaire Jean-Claude Vannier qui mettent en valeur ce conte magnifique, lequel constitue la pièce centrale de cet album.

Ce qui ne signifie pas que le reste de l'album soit sans valeur, bien au contraire.
« Le K du Q » est une reprise de « Un grain de folie » qui se trouvait précédemment sur Sœur Âme, l'album de 1971. La première version était plutôt atmosphérique et expérimentale, celle de 1977 est tonique, solide, soutenue par des cuivres fanfarons. Il fallait bien ça pour rendre hommage à « l'astre joufflu ensorcelé de lune (…) qui fait raidir la patte et baver à la une ». C'est cru mais vivifiant et drôle (le scat final).
Vivifiant aussi, « Pablo », cet hymne à la vie qui vient, ainsi qu'à la femme qui le permet, « ma distendue, mon étranglée (…) fille ou garçon qu'importe, pousse la porte, viens, viens ». Ce morceau a, bien entendu été écrit à l'occasion de la naissance de Pablo, le plus jeune de ses enfants. La chanson est superbe, superlativement accompagnée par le piano de Maurice Vander.
« Jalousie », ensuite, nous raconte l'histoire de Desdemona et Othello. « Comme un aigle au coucou, Othello tient à elle », hélas son désir de possession est plus fort que tout et le doute s'empare de lui « De ton stupre, supplice, je connais les exploits, Dieu pardonne tes vices avant que je te broie (…) Tu me trompes, vipère ! Je sais tout, je t'ai dit ! Alors Othello serre... Desdémone périt ». La musique se fait angoissante et pesante pour nous conter ce drame jusqu'au moment où « c'est terminé. Shakespeare referme son stylo. ».
Après Shakespeare, voici Hugo avec « Quasimodo ». Esméralda, comme chacun le sait « dansait avec sa chèvre, sabots, castagnettes d'argent (…) longs cheveux noirs et poils de neige, au pied des tours dansent en rond ». Mais on sait également que « Quasimodo de son balcon, bavant de joie suit leur manège (et se dit que) s'il n'existe qu'un seul ange, il n'est point au ciel mais en bas ». Autant « Jalousie » était oppressante autant la musique de « Quasimodo » est joyeuse, tout n'est que cloches en volées, musique de fêtes moyenâgeuses. Ce n'est peut-être pas le morceau le plus fort de l'album mais il s'intègre bien à l'ensemble et se paye le luxe de finir sur une pirouette.
Adaptation de « Beauty And The Beast » de Wayne Shorter, « Comme une Piaf » est comme son nom l'indique un hommage à Edith Piaf et à sa célèbre capacité à « chanter le bottin et vous remuer les intestins ». Le morceau est particulièrement tonique avec des cuivres qui claquent comme jamais et qui permettent à l'album de se terminer sur une note de jazz.

Second album pour Barclay, Plume d'ange n'est pas l'album le plus célèbre de NOUGARO mais il permet de faire le tour de ses capacités : conte (« Plume d'ange »), hommage (« Comme une Piaf »), confession « (Pablo »), délire (« Le K du Q ») et récits dramatiques (« Jalousie ») ou comiques (« Quasimodo »).
Un grand cru Nougaresque !