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VARIÉTÉ FRANÇAISE  |  STUDIO

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Claude NOUGARO - Nougayork (1987)
Par RAMON PEREZ le 24 Février 2025          Consultée 398 fois

NOUGARO n’a que rarement été un gros vendeur de disque. Il se défendait, mais disons qu’il y avait meilleur que lui à ce jeu. On peut d’ailleurs penser que le vieil Eddie avait plutôt tendance à se payer en prestige avec le toulousain. Sauf qu’il a passé la main de sa boite à d’autres qui préfèrent eux se concentrer sur les chiffres. Ceux-ci sont sans équivoques : ça fait longtemps que Claude stagne voire se marginalise, sans trouver de solution satisfaisante malgré différentes tentatives. Pourtant il ne s’en aperçoit pas car il mesure son succès au taux de remplissage des salles. Or, de ce côté-là, globalement ça va bien. Arrive un soir où le chanteur est convié par ses employeurs à un dîner d’affaires. Il y va en toute confiance, mais au dessert il est viré. Il tombe de haut et, pour un émotif comme lui, ça fait particulièrement mal. Le coup est rude, ses amis s’inquiètent pour lui. L’un d’eux lui tend une perche à tout hasard. Il aurait pu comme tout le monde lui proposer d’aller boire un coup, mais cela se fait plutôt sur le mode "j’ai un pote qui vient de monter un studio à New York, si tu veux je te mets en contact". L’idée fait vite son chemin ; c’est décidé, il part. Ni une ni deux, il vend ses meubles et prend le premier avion avec parait-il à peine une poignée de numéros de téléphones en poche.

Dès le tarmac, ou plutôt l’aérogare : le choc. Il n’y a qu’à écouter littéralement le texte de la chanson-titre pour capter ce qu’il se passe. Claude comprend vite qu’à son corps-défendant la maison de disque lui a en réalité fait un grand cadeau : la liberté. Il comprend également qu’il est au bon endroit ainsi qu’au bon moment pour en profiter. C’est la poussée de sève, de fièvre. L’énergie créatrice le traverse de nouveau ! Il se met très vite à accoucher d’un album et il est clair que celui-là va déchirer. J’évacue de suite son problème majeur : il a été réalisé au cœur des années 80, c’est-à-dire qu’il est recouvert d’amiante musicale. Ces affreux synthés, ces chorus de guitare heureusement oubliés depuis, cette horreur de batterie électronique. Qu’est-ce que tu veux, à l’époque on aimait ça, on trouvait que c’était intéressant. Alors, évidemment, comme toute chose faite trop dans l’air du temps, Nougayork est franchement daté. Oui, mais…

Il ne pourrait pas être différent. Je veux dire qu’il n’a pas été maquillé comme ça parce que c’était ce qui marchait à l’époque. C’est parce qu’il a été fait en toute liberté à ce moment-là qu’il est comme ça. On pouvait déjà le lire dans des interviews précédentes. On lui demandait si l’orientation puriste de Bleu blanc blues était un refus des sonorités du moment qu’on avait entrevues sur Ami Chemin. Il répondait que pas du tout, qu’il était au contraire tout à fait intéressé en tant que créateur par ce genre de musicalité. C’est donc le moment de s’y consacrer, d’autant que là il fraye avec les pros. Philippe Saisse, le pote du pote et finalement compositeur de l’essentiel du disque, convie en effet quelques requins de studio ou des voisins qui ont un peu de temps libre pour s’amuser avec le Petit taureau. Des mecs qui ont pratiquement inventé cette musique comme Nile Rodgers de CHIC. Ou le petit Marcus MILLER… Ouais, Marcus Miller est sur cet album, ça situe bien le délire.

Ensemble ils font donc souffler ce vent de liberté qui ramène le chanteur à l’enthousiasme créatif qu’il pouvait connaitre une quinzaine d’années plus tôt. Et c’est pour ça que Nougayork est un grand album de NOUGARO. Pas pour son habillage différent, mais pour sa grande vitalité. C’est aussi pour ça que "Nougayork" est un grand morceau. Pas pour ses qualités intrinsèques puisque c’est probablement l’une des compositions les plus pauvres jamais enregistrées par notre homme. Mais parce qu’il y a une énergie incroyable dans la base du morceau, dans ces cuivres qui riffent, dans cette guitare en sur-kiff qui le termine. Cette énergie, on la retrouve très régulièrement au fil de l’album, en particulier dans le plat de résistance qu’est "Un écureuil à Central Park". Comédie musicale en trois actes et dix-sept tableaux… Typiquement le genre de morceau qu’il se permettait au plus fort des années 70, en roue libre sur une longue jam de ses musiciens. A ceci près que maintenant c’est du gros funk plutôt qu’une impro jazz.

NOUGARO est inspiré. En réalité il n’y aurait que cela à dire. Inspiré par la ville, c’est l’évidence. Il en parle à pratiquement tous les morceaux d’une manière ou d’une autre. Ses rencontres à Harlem, sa visite de la statue de la Liberté… ou encore cet écureuil aperçu à Central Park. Il en fait un personnage de Broadway prenant vie dans une interprétation particulièrement ample. Le morceau dure dix minutes ; sur le CD on en reprend sept supplémentaires exclusivement musicales. Et il y a bien d'autres moments enthousiasmants, même si tout n’est pas du même niveau dans cette collection. Il y a bien quelques chansons plus mineures comme "Rythm’n flouze" qui ne me passionne guère. Mais cela compte bien peu en comparaison, par exemple, de la fraicheur du "Petit oiseau de Marrakech", ouverture world du disque avec son texte percussif plein d’allitérations.

Ou du dernier titre, "Il faut tourner la page". Celui-là aussi contraste pas mal avec l’ambiance générale. Il est plus sombre, plus introspectif. Mais ô combien représentatif de l’état d’esprit de NOUGARO. C’est finalement la grande leçon de cette aventure : il faut tourner la page, toucher l’autre rivage, changer de paysage. C’est sans doute ce qu’il n’avait pas voulu comprendre durant toutes ces années à tourner plus ou moins en rond. L’avoir fait, même en y étant contraint, a tout rallumé. Lorsqu’il revient en France avec son disque sous le bras, la récompense va bien au-delà de toute espérance. Le choc de ce nouveau son avec la classe nougarienne est tellement inattendu qu’il explose tout. "Nougayork" cartonne ; Claude, sidéré, n’en dort plus. Lui qui n’y avait jamais fait attention découvre la joie des chiffres et se prend à surveiller sa place au Top 50. Dans la foulée les Victoires de la musique lui réservent un triomphe : le milieu s’incline devant le looser d’hier. Il y avait largement de quoi fondre un fusible, mais heureusement on parle de quelqu’un qui a bien roulé sa bosse (il a presque soixante ans). Alors il préfère sagement s’éloigner de toute cette ébullition. Retour aux Etats-Unis, mais côté ouest, manifestant ainsi une autre forme de sagesse : il a pris ce qu'il y avait à prendre à New York, il faut déjà tourner la page pour ne pas s'enfermer.

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   RAMON PEREZ

 
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1. Nougayork
2. Rythm'n Flouze
3. Harlem
4. Un écureuil à Central Park
5. Lady Liberty
6. Le Petit Oiseau De Marrakech
7. Le Gardien De Phare
8. Sébastian Santa Maria
9. Nougarock (un écureuil à Central Park Instrumental
10. Il Faut Tourner La Page



             



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