Ah ! Le passage du 21ème siècle ! Il peut s'avérer complexe pour ceux qui sont nés dans la première moitié du précédent, comme notre poète troubadour. Les pochettes sont de plus en plus confuses, un patchwork apparaît ici, qui représente les divers aspects de l'artiste, en toute simplicité, ce n'est pas racoleur pour un sou. Le titre, lui, évoque le temps qui passe et qui s'échappe, comme pour symboliser l'âge qui avance.

"Avoir et être" qui débute cette livraison, ressemble à une leçon de choses, un enseignement, Yves DUTEIL se pose là en professeur d'humanité. Mais cela va sans doute de pair avec ses responsabilités de maire. L'artiste voit bien que tout dépend de l'éducation, le constate sans cesse et déplore l'incapacité des responsables à changer la donne de manière efficace. D'ailleurs, quelques minutes plus loin, nous trouvons "Apprendre" qui se situe toujours dans cette même nécessité de la culture et de l'éducation. L'artiste a sans doute été déjà plus inspiré au niveau des mélodies, mais le résultat reste chouette, et les textes sont fort beaux.

Nous trouvons aussi deux petites friandises au détour du microsillon. La bossa nova, qui se rappelle à notre bon souvenir comme souvent dans ses opus. Ici il s'agit de la chaloupée "Vivre sans vivre" qui se tient remarquablement, même devant la baie de Guanabara. Ce duo avec BIA est très réussi, allez je vends la mèche, l'originale est "Samba em preludo" par Vinicius DE MORAES, forcément ça aide. "Nos yeux se sont croisés" est d'ailleurs aussi assez exotique dans l'idée. Plus loin, les paroles coquines de "Tombée des nues" présentent d'un seul coup notre troubadour sous un tout autre angle... Et c'est drôlement sympa ! Après tout, même le gendre parfait a bien le droit de fantasmer sur les belles parisiennes, il y a tantôt du AZNAVOUR, tantôt du DUTRONC dans cette chanson... Sacré Yves !

Et puis des chansons d'amour sur sa femme et ses parents, toujours différentes mais avec des mélodies souvent réussies, c'est surprenant comme DUTEIL parvient à sublimer son amour pour son épouse comme PICASSO ou DALI l'ont fait avec Dora et Gala dans un tout autre art. La contemplation avec "Le simple fait que tu existes", la nostalgie avec l'îlienne "Nos yeux se sont croisés". La proximité de la mort avec "Pour que tu ne meures pas", sans doute la plus aboutie de l'album. Le voyage avec la mignonne "L'ile de Toussaint", et enfin, les regrets avec "Lettres à mon père".

Tout ici est agréable et de bonne tenue. Il ne manque qu'un morceau supérieur pour en faire l'égal de l'un des grands de sa discographie. On ne peut que constater la plume toujours féconde de DUTEIL, même si le temps passe et que ses grandes années sont derrière lui.