Les années s'espacent de plus en plus entre les albums d'Yves DUTEIL. C'est que l'homme prend très à coeur ses responsabilités de maire, même si sa commune est toute petite. Cette implication républicaine est effectuée avec pas mal de réussite puisqu'il va être récompensé par une Marianne d'or qui célèbre les meilleurs maires de France. D'ailleurs, en lisant les titres de ce onzième album, on constate que les aspects politiques et sociaux sont bien présents. Compte tenu de la personnalité de l'artiste, je vois peu de raisons de douter de son engagement. En tout cas, ceux qui regardaient les guignols dans les années 95 se souviennent des nombreuses interventions de sa marionnette chantant la gloire de Jacques Chirac... Voyons voir plutôt si les chansons sont à la hauteur des idées qu'elles défendent.

"Dreyfus" est incontestablement la plus marquante du lot. Yves est l'arrière petit neveu du capitaine Dreyfus, à ce titre il est concerné au premier plan et il est donc naturel qu'il se soit impliqué dans la composition d'une chanson afin d'affirmer la réhabilitation de sa mémoire. La chanson est réussie, ce qui ne gâche rien à ses belles paroles.
Un autre hommage, à Yitzhak Rabin celui là, est aussi présent sur ce touché. Yves revendique donc sa judaïté au travers de l'héritage de sa famille, avec force et conviction.

"La tibétaine", nantie d'une orchestration moderne, est dédiée à Ngawang Sandrol, qui resta prisonnière de 11 à 35 ans des geôles chinoises. Là encore, les paroles frappent l'auditeur peu habitué à ce genre de diatribe. La compo est étonnante et bien originale pour DUTEIL. On passe du coq à l'âne avec "Aller simple pour l'enfer" où Yves décrit l'univers quotidien des camés de notre société. Le choix est effectivement au centre de ce problème mondial, s'attacher à décrier le monde des stupéfiants ne peut pas faire de mal. "Les savants les poètes et les fous", sur une chansonnette bien swingante, apporte un espoir franc et massif après ces divers textes pessimistes.

Sinon comme toujours, le voyage et l'amour, la famille, sont au centre des préoccupations de l'artiste parisien. Je remarque en premier lieu 'La grande maison des vacances", tellement taillé pour ce chanteur que c'en est drôle. Lui seul sait chanter ce genre de chansons contemplatives chargées de souvenirs. Les âmes noires pourront s'en moquer, c'est possible, mais c'est franchement beau. Il reprend aussi du service comme troubadour avec la mignonne "La légende des arbres". Enfin, "Autour d'elle" reprend ses thèmes favoris des enfants et de son amour sur un très joli texte.

Touché est donc un opus réussi du maire de Precy-sur-Marne. Je n'irai pas au dessus du 3,5, mais nous sommes clairement en présence de son meilleur album depuis "Ton absence". Ne vous laissez pas abuser par le lance-pierre de la photo de couverture, Yves DUTEIL reste un poète romantique, mais il se fait ici l'image de l'adulte responsable.