Le temps passe et les titres reflètent les changements dans le caractère du troubadour français. Les paroles des chansons sont moins idéalistes, plus mûres. Rien d'étonnant, d'autant que les élections municipales de 1989 l'ont porté à la responsabilité de maire - écoutez donc et lisez les paroles de "Avec les gens de mon village"-. Nous vieillissons tous, et le moment vient systématiquement où les illusions se fanent pour laisser la place à certaines valeurs différentes, plus pragmatiques, plus conformes à ce que la société attend de nous.

Du coup, nous l'avons bien compris, l'artiste a pris conscience du temps qui passe et cela se vérifie à travers deux titres. Le premier est "A mi-chemin de l'existence", qui dénote un certain pessimisme, mais où l'amour reste au centre de ses préoccupations. Les trémolos sont là, mais l'humeur a changé, peut-être définitivement. La chanson est cependant très agréable. Puis "40 ans" sonne tout doux, aucune impertinence et beaucoup de tendresse dans les paroles et la mélodie. Il se remémore aussi le temps où l'argent ne coulait pas à flots dans "Au temps du pain et de l'eau", le destin n'y était pas plus difficile. Chaque époque ses bonheurs, il faut juste savoir les trouver, ce qui reste une leçon permanente des textes d'Yves DUTEIL. Le piano agile, dans un thème presque baroque devance l'orchestre dans "L'autre côté", qui dépeint le mur de Berlin et les destins des hommes. Très jolie et originale On y entend une distorsion ! Mais oui !

"Blessures d'enfance" attaque à nouveau un sujet sensible. Mais qui parlera à tous les parents en chacun de nous. Le ton est grave, mais les tabous se sont envolés avec les années 2000 pour le meilleur. La société doit en passer par là, et même si le texte d'Yves n'est pas accusateur ni même morbide, il a le mérite de poser la question. C'est ce dont nous avons besoin pour progresser. Sans doute la chanson à découvrir de cet opus, incontestablement moins mémorable que ses prédécesseurs.

Et le voyage thème récurrent, avec souvent des descriptions simples et naïves, d'ou mes premières analogies avec le douanier Rousseau. ici il évoque le sud ouest dans "Le coeur en Aquitaine". L'orchestration est poussée sur "Retour d'Asie", les paroles graves sur l'adoption n'incitent pas à la franche rigolade ou à la fête, ni même au romantisme, mais la mélodie est belle. J'y ressens toutefois moins qu'auparavant la patte si spécifique de DUTEIL qui laisse ici de côté ses trémolos naïfs. Puis "Bébé soleil" tape dans un style qu'on connaît mieux chez Julien CLERC ou Philippe LAVIL... C'est donc enjoué et sans beaucoup de relief, mais ça se laisse écouter. Il y a aussi les habituels éclairs, ainsi "Les dates d'anniversaire", qui rejoint les anciens thèmes traités par le poète parisien. Un peu raide toutefois, je l'aurais vu plus slow, avec un brin plus du romanesque propre au chanteur.

A mon sens l'opus le plus moyen d"Yves DUTEIL depuis son deuxième, ça date ! Mais dieu qu'il doit être compliqué de se renouveler dans son créneau si particulier. Quelques éclairs donc à signaler malgré tout avec "Blessures d'enfance" et surtout "L'autre côté". En tout cas, de quoi ravir les fans.