Nous voici face à la dernière contribution du troubadour Yves DUTEIL au monde de la chanson populaire française. Au final, une belle discographie certes, mais si on excepte les années 78/88, tout ceci s'est déroulé dans la plus stricte intimité. Ainsi que la personnalité de l'artiste le veut, il est d'une discrétion absolue, et seule l’extrême qualité de ses compositions parle pour son talent. Voici donc son 14eme album, tout pareil que sa camarade de promo Véronique SANSON. Peu volubile, peu bavard, discret à l'extrême, pas la moindre concession au showbiz, pas de scandale ni de cancan, il est resté marié à sa compagne depuis toujours. Il est aussi absent des plateaux des reality shows. Le gendre idéal, un artiste qui ne fait pas parler de lui. Exemplaire non ?

Alors, la démarche devient malgré tout de plus en plus hasardeuse. proposer des titres de folks mâtinés de jazz à de jeunes oreilles d'aujourd'hui ? Pas simple... Avouons-le, la tâche est impossible ! Yves continue donc de composer pour ceux qui l'aiment déjà. Mais si le renouvellement de son style est improbable, en revanche la qualité des compositions reste de mise. "Naître", qui débute l'opus, évoque le regret que connaissent beaucoup d'hommes de ne pas pouvoir enfanter. C'est franchement très beau, avec une orchestration simple mais réussie ou les cordes créent une ambiance presque classicisante. La naissance, plus difficile, à nouveau dans "Le souffle court".

Avec "Flagrant délice", Yves repart sur les terrains chaloupés de la bossa nova, ce qui arrive à chaque fois depuis maintenant quelques deux décennies. Il devient crooner à cette occasion. C'est smooth et tranquillou comme une brise brésilienne sur Ipanema... Ouais c'est donc réussi. Et si vous écoutez bien les paroles... Pas de doutes, Yves parle de cul ! Mais oui ! La classe ! "Mon tout et mon contraire" avec son piano serein et répétitif. propose une belle mélodie qui me semble parfois inachevée, mais dont l'ambiance est carrément magique, ma préférée de l'album.

Yves aime à se souvenir du passé : dans "Secrets de famille", c'est l'évocation des ancêtres, un de ses grands dadas, la guitare y est délicate, et la douceur omniprésente. Cette chanson raconte pourtant la double vie de son aïeul. "La chanson des justes" rappelle la shoah, comme il se doit dans une superbe évocation plein de sensibilité. "Ma grammaire de l'impossible" est un plaidoyer pour une plus grande compréhension entre les hommes. Yves DUTEIL a déjà fait son maximum pour le genre humain, mais l'effort reste admirable. On cause d'ailleurs philosophie et religion avec amabilité dans "Et si la clé était ailleurs".

"Le temps presse" est une nouvelle comptine comme il en faisait systématiquement dans les eighties. Il y joue avec les mots et un petit banjo crée une ambiance festive de belle allure. Elle cache cependant une critique de notre société qui veut sans cesse aller plus vite. Plus loin cependant, "Je t'mms" prend la modernité sous un angle à contrario plus positif. Enfin, nous en terminons sur "Lame de fond", un bel instrumental !! Ça alors ! Mais finalement est-ce si étonnant ? L'homme est un grand musicien, aucun doute la dessus ! La preuve n'est plus à faire !

Le dernier opus d'Yves DUTEIL est indubitablement un de ses meilleurs. La qualité des compositions est omniprésente, évidente. C'est une sacrée performance pour un artiste de cette génération et qui oeuvre dans un style si peu mainstream. Je le conseille donc vivement. Et j'en termine en félicitant cet être humain sui semble pétri des qualités les plus belles qui soient. Merci Yves !