Drukqs fait peur. Drukqs est incompris. Drukqs horripile les vieux de la vieille. Drukqs est un chef d’œuvre raté, mais une œuvre rare. Depuis le début du XXIe siècle, Aphex Twin semble se cantonner à une tentative de synthèse de tous ses travaux. Si les divers projets qui résultent de cette logique sont souvent de très bonne qualité, il leur manque le souffle de nouveauté qu’apportaient un Selected Ambient Works 85-92 ou un Richard D. James Album. Drukqs serait donc bancal, mal foutu, inégal, en un mot : chiant.

Oui, chiant, c’est tout du moins ce que j’ai pensé la première que je l’ai entendu. Les titres à la Avril 14th et Kesson Dalef me faisaient bien marrer ; Aphex Twin en pianiste mélodieux, je n’y croyais pas une seconde. La retour inattendu à des sonorités Acid-House (Meltphace 6) voire même Ambient (Gwely Mernans) ne faisait qu’accentuer cette impression de déjà-vu, de melting-pot grotesque. J’avais déjà un schéma bien défini de comment allait évoluer mon artiste préféré dans les prochaines années : soit il se tournerait vers une musique de plus en plus accessible (à la Windowlicker), soit il creuserait son expérience Drum n’Bass toujours plus loin, quitte à rogner sur les terres du Speedcore et du Breakcore. Les fans ont parfois la vue basse, et plus grave, s’obstinent longtemps à ne pas vouloir porter de lunettes.

Aphex Twin appartient aux années 90, il a redéfini des genres, il en a créés d’autres, lui et ses petits copains de Warp et de Rephlex ont changé la donne, et permis à quelques projets indépendants viables d’exister. On peut critiquer la récente orientation du label Warp, renier ses anciens héros, mépriser l’IDM à cause de son nom ingrat, il n’en reste pas moins que tous ces gens ont apporté quelque chose de nouveau. Toute cette nouveauté est concentrée, puis transformée par un piano inattendu sur un album testament d’Aphex Twin, qui s’en retourne désormais vers l’anonymat (mais est-ce seulement possible ?). Aphex Twin est mort, vive AFX.