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Jacques HIGELIN - Illicite (1991)
Par RAMON PEREZ le 18 Octobre 2018          Consultée 1975 fois

Comme la plupart des artistes exubérants, Jacques HIGELIN était finalement quelqu’un de plutôt pudique. A bien l’écouter, dans ses chansons ou ses interventions publiques, il était un sujet soigneusement contourné, tant que faire se pouvait : lui-même. A une exception près sur laquelle il n’a jamais fait de mystère : son amour pour sa fille Izïa, son attachement et son admiration sans limites. Il faut dire qu’il y a visiblement de quoi. Depuis que sa p’tite gonzesse a fait son entrée dans l’espace public, tout le monde a pu découvrir à quelle boule d’énergie il avait à faire. Le genre de personne capable de te faire grimper le taux de mélanine en te parlant. Si l’on dit de certaines qu’elles sont des soleils, IZIA semble plutôt graviter dans la catégorie Altaïr. On parle quand même de quelqu’un dont la première action fut d’inspirer Illicite ! Ce qui n’est pas la plus mince des affaires.

En effet, cet album tourne autour d’un thème principal, ce qui est une exception dans cette discographie. Quatre chansons traitent de sa fille nouvellement arrivée et une cinquième a aussi un rapport avec elle. « Illicite » vient rappeler qu’une naissance est d’abord le fruit d’un amour. Les quelques notes orientales ne trompent pas sur la personne évoquée (Aziza, la mère d’Izïa) dans cette chanson à la tonalité sexuelle plus que soulignée par le texte, ainsi que par la moiteur de la basse et l’intensité grimpante du morceau, jusqu’au très court solo de guitare en forme de jouissance.

« Ce qui est dit doit être fait » et « Criez priez » abordent la naissance et le sentiment d’euphorie qui s’ensuit. La seconde est carrément une célébration religieuse à l’africaine. J’ai un peu de mal avec cette chanson et lui préfère largement la première, une vraie réussite à la HIGELIN. C’est frais, enthousiasmant, vivant. Et déjà l’occasion de rendre hommage à la qualité de production de l’album. C’est la bonne surprise de cette livraison, après deux disques discutables sur ce point. Dans le précédent, notre Jacques avait cherché à changer ce qui l’entourait. Cette fois, c’est à lui-même qu’il s’attaque, pour un changement spectaculaire. La pochette annonce la couleur d’un album beaucoup plus épuré. Les effets de claviers sont en retrait, les cuivres et les cordes sont absents, au profit d’un simple harmonica qui vient illuminer la plupart des morceaux. Encore plus surprenant, le peu de guitares présentes. C’est aussi la première fois que le fidèle complice scénique Mahut s’invite à ce point sur un album, enrichissant par petites touches la palette. Un album qui a l’élégance de prendre son temps en permanence, créant ainsi de larges plages de liberté, laissant la place à de nombreuses et surprenantes variations.

Par exemple, « L’homme oiseau » est une pure expérience transcendantale, dont le texte obscur ainsi que l’ambiance planante font décoller l’auditeur puis le transportent dans un autre univers où quelques notes de free-jazz et une voix féminine venue d’ailleurs le guident entre les dimensions. Dans un autre genre, HIGELIN fait à nouveau mouche en ne comptant que sur son piano dans la « Ballade pour Izïa », une chanson de la famille de « Mistral gagnant ». Un morceau d’une délicatesse délicieuse, qu’une vingtaine d’années plus tard IZIA viendra quelquefois partager sur scène, pour des moments toujours très forts.

Bien qu’il n’ait pas été un grand succès, Illicite fait partie du haut du panier de la discographie de Jacques HIGELIN, grâce à ce nouveau son et à son inspiration particulière. Il correspond sans nul doute au cliché de l’album de la maturité (à 50 ans, il était temps de le sortir celui-là !). Il pose les bases de la décennie à venir, durant laquelle le chanteur organisera plus ou moins sciemment son retrait de la lumière, en proposant des disques nettement moins accessibles. Il a cependant un vrai défaut, celui de s’achever par deux titres inférieurs au reste.

Il aurait été bien mieux avisé de terminer par l’excellent final d’« Il n’y a pas de nom » ; ce titre inattendu qui démarre très discrètement avant de progressivement livrer ses secrets. Une chanson par laquelle la boucle se boucle en évoquant la mort, après tant d’autres à avoir parlé de la naissance. C’est en fait une autre façon de parler de la vie, finalement le vrai concept du disque. Sur un pur blues de désert ricain, dessiné aux slides et à l’harmonica, le chanteur remarque une croix sans nom dans un cimetière, ce qui l’interroge sur la vie de la personne enfouie ici. On prête l’oreille à ce texte aux accents philosophiques et à la mélodie qui finit par faire penser à Paul PERSONNE. C’est d’ailleurs au moment où l’on se fait cette réflexion que la voix de ce dernier vient se poser en douceur, pour un très bel échange. Puis ce final, une de ces plages de liberté dont je parlais précédemment, vient achever ce superbe moment. Un moment très différent de ce qu’HIGELIN avait proposé jusqu’ici. A l’image de cet album qu’il serait bête de dédaigner plus longtemps.

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   RAMON PEREZ

 
  N/A



- Jacques Higelin (chant, piano)
- Sébastien Cortella (clavier)
- Chikara Tsuzuki (harmonica)
- David Salkin (batterie, guitare électrique)
- Nicolsa Fiszman (basse, guitare acoustique)
- Dominique Mahut (percussions)


1. We Are The Show Men
2. Ce Qui Est Dit Doit être Fait
3. Illicite
4. Ballade Pour Izia
5. L'homme Oiseau
6. Il N'y A Pas De Nom (pour Le Repos De Son âme)
7. Criez Priez
8. Les Ailes Du Silence



             



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