Le public doit comprendre que Nino en a ras la nouille de s'entendre réclamer "Mirza", "Les cornichons" ou autres "Téléfpn" lors de ses prestations live. Alors notre Agostino Ferrari va partir dans tous les sens pour brouiller les pistes, tout désireux qu'il est d'en découdre avec tous ses fans ! Seule lui importe la reconnaissance artistique, d'ailleurs pas un seul single ne va sortir pour porter la bonne parole de cet album dans les charts. Un pari risqué certes, mais Nino est à l'abri du besoin avec le succès précédent de "La maison près de la fontaine". Le baron Estardy est à la production et le guitariste irlandais Micky Finn est pour la première fois présent. Voila la cinquième livraison de Nino FERRER.

Alors comment tout ceci se présente-t-il ? "L'Angleterre" est une sorte de rock mi smooth mi progressif, les structures n'ont rien de variétoche, et les solos de guitare qui émaillent le titre parlent d'eux même, certaines ambiances ne sont pas si éloignés que ça des préoccupations de BLUE OYSTER CULT, mais oui, je vous assure ! La permanence du grand écart chez Nino est tout bonnement incroyable ! Les longs bridges sont assez démonstratifs et chargés d'un certain attrait pour le psychédélisme. Puis matez donc "La révolution" qui emprunte autant au répertoire du culte de l'huître bleu qu'à LED ZEPPELIN. Il y a même du HENDRIX par endroits. Quelle mutation ! A nouveau un bridge prog à l'orgue, on nage dans les substances illicites !

Nous avons aussi deux titres dans la langue de Shakespeare : "Listen To The Master" est un blues lent qui s'approche des compositions de Johnny WINTER ou du BUTTERFIELD BLUES BAND à la même époque. Il y a des aspects soul et l'orgue donne à l'ensemble un look moderne, avec à nouveau un solo remarquable de Micky Finn. On ne pourrait pas être plus loin de la variété et le chant de Nino est foncièrement bluesy. Toujours en anglais "Na na song " est un petit folk sans prétention, nantis de quelques structures à la BEATLES. Vous allez me dire que j'y vais fort avec les références ! C'est juste mais c'est exact même si, nous sommes d'accord, Nino ne sera jamais un chanteur en prude albion. Mais pourquoi ne pas faire l'expérience finalement ?

"L'an 2000" pioche dans un rock qui préfigure certains titres de TELEPHONE ou de BASHUNG. Nino en plus d'être un incompris serait en plus un précurseur ? Pour une chanson qui traite de l'an 2000, finalement rien de bien étonnant. "Moby Dick" n'est pas la reprise du dirigeable, mais le titre présente des identités folk, prog , sur l'histoire du cachalot blanc. "Je vais te dire adieu" se présente comme un blues assez rural, joli slow sentimental qui aurait pu faire un single honorable. Enfin, "Kinou" est dédiée à son épouse Jacqueline Monestier, cette fois la montée du titre me rappelle quelques accords de PINK FLOYD dans "Fearless". oui ça continue...

Tous les sens je vous dit ! La qualité de cet album réside dans les variations subtiles que Nino positionne dans chacun de ses compositions. Il y a du bon et du sympa à tous les étages, et Nino FERRER échappe avec cet opus définitivement à son statut d'amuseur de la variété française. Ca c'est fait ! Cela dit, pas un seul de ses titres n'est vraiment remarquable non plus, et ici réside tout le défaut de cet album original qu'on écoutera d'une oreille polie mais qui ne déclenchera pas de réelles passions. C'est donc un 3 solide et admiratif car il fallait le faire !