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VARIÉTÉ FRANÇAISE  |  B.O FILM/SERIE

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Nino FERRER - Litan : La Cite Des Spectres Verts (mocky) (1982)
Par MARCO STIVELL le 12 Avril 2023          Consultée 973 fois

AVERTISSEMENT : cette chronique de bande originale de film est également susceptible de contenir des révélations sur le film

À Litan, par tradition, on célèbre la fête des morts par un grand carnaval auquel participent tous les habitants. Cette année toutefois, un vent de folie débridée plane sur la ville nichée dans les côtes, et des sortes d'étranges 'poissons' vert fluo se baladent dans les sources d'eau en faisant disparaître tout corps humain qui aurait le malheur de nager ou de flotter sans vie.

Après s'être quelque peu relâché durant la seconde moitié des années 70 en termes de rythme mais aussi de qualité (même pour Le Piège à Cons, dernier volet pauvre d'une trilogie où il y avait Solo et l'Albatros), Jean-Pierre Mocky revient en 1982 avec non pas un, mais deux films d'envergure. Le premier se nomme Litan, la Cité des Spectres Verts, et à cinquante ans bien sonnés désormais, mister vit ses dernières années de jeune premier en tenant toujours le premier rôle. À ses côtés, pour écrire le scénario : Patrick Granier, Jean-Claude Romer (une de ses futures 'gueules') ainsi que le couple d'écrivains américains Suzy et Scott Baker, ce dernier s'étant fait dès 1981 un nom en France avec l'Idiot-Roi, dans le genre science-fiction.

Mocky en profite pour revenir au fantastique (on peut même préciser fantastique rural) pour la première fois depuis 1964 et La Cité de l'Indicible Peur. Marie-José Nat, qui a tourné depuis les années 50 pour de grands réalisateurs (Gérard Oury, Claude Autant-Lara), tient le rôle féminin. Tout ici se passe dans les vieux quartiers d'Annonay, centre urbain le plus peuplé d'Ardèche (07) devant Privas le chef-lieu ou même Aubenas, et ville abritant les papetiers Canson, en bordure sud du massif du Pilat. D'une part, Mocky conserve une image rustique et brumeuse de la ville, à laquelle, tâtant au trucage, il ajoute ses fameux 'spectres verts' aquatiques et des éléments d'expériences scientifiques, de l'autre il convie la population à être plus que de simples figurants, avec masques, costumes, fanfare... Annonay dite 'Litan' devient un gigantesque théâtre oppressant dans les brumes d'altitude en ville et alentour dans les rochers, où les badauds sont spectateurs non-passifs des actions menées par les protagonistes aux noms éloquents (Nora pour Mat, Jock pour Mocky).

Et au milieu de tout cela, il y a le grand inattendu : Nino FERRER, lui aussi, dans le monde de la musique, en pleine période de flou artistique (mais pour le reste, vous pouvez lire les superbes chroniques d'Erwin). Entre deux albums méconnus et sa signature de la B.O des Babas-Cool (comédie avec l'équipe du Splendid en 1981), on occulte une présence certes secondaire mais non dépourvue de charmes au film Litan. Présence physique qui plus est, car s'il a tenu quelques rôles au cinéma durant la seconde moitié des années 60, Mocky (qui à la base voulait David Carradine !) lui offre un nouvel essai tardif ; ce sera le dernier. Quittant temporairement son cher Lot (46) et arrivant à la moitié du film, l'Italien joue le savant pas-si-fou, ce qui leur correspondent bien, à lui et sa tête vampiresque comme Bill Nighy.

Musicalement, toutefois, il convient de préciser que son travail est à la hauteur de celui 'espéré' pour un film de Mocky, avec une poignée de thèmes à la clé qui tournent en boucle. L'originalité veut qu'il y ait plus de matière que cela au final et que, une fois n'est pas coutume, le réalisateur fasse comme les autres en acceptant de passer des morceaux pré-existants. L'ouverture de Litan sur des plans du décor lugubre est chantée a-cappella par un certain mr Iégor Reznikov, spécialiste de la culture très ancienne ; ce cantique funeste est extrait d'un oratorio des Gaules (ou gallican), remontant à l'époque mérovingienne. Après tout, pour Litan, Mocky sous-entend 'litanie', et cette première séquence, qui n'a rien de réjouissant, est terriblement poétique. On réentend Reznikov en fin de film, pendant la 'messe'.

Le reste du temps, quand FERRER ne fait pas jouer son groupe/orchestre, on a droit à quatre ou cinq thèmes empruntés à Dimitri CHOSTAKOVITCH, non précisés (guère plus que leurs interprètes), mais en évitant bien sûr la célèbre Valse N°2 gracieuse et tant aimée des banques pour leurs publicités. Outre quelques musiques pour cordes et cuivres, notamment dans le laboratoire secret de l'asile, la plus percutante est cette autre valse contemplative quand le fou échappé entre dans la maison familiale pour commettre sévices, sinon meurtre.

La touche Nino FERRER se ressent dès le départ où, Nora sortant de son cauchemar supposé prémonitoire en plein matin de carnaval, dans lequel elle a 'vu' son tendre Jock mourir, elle part de chez elle et est tout de suite guettée par un type lambda avec un effrayant masque mortuaire, sur fond de cors en montée glaçante. On retrouve ce motif ensuite aux Roches Noires, hors de la ville, là où le cimetière côtoie les grottes aux sources d'eau ; il y a un étrange funambule à vélo en plein précipice et Mat l'actrice doit se faire doubler pour ne pas côtoyer de trop près un long reptile exotique sans pattes qui l'effraie. C'est foisonnant, très spécial, et en quelques notes, FERRER s'accorde bien à ce qui est dérangé, s'amuse à faire du dérangeant.

Il écrit le thème lancinant de la fanfare approximative en valse, jouée par des types masqués et qui ponctue la fête païenne macabre et délurée sur toute la longueur du film. En tant que mélodie principale, elle bénéficie d'une sortie en 45-tours acétate, mais seule. Autrement dit, sans l'autre thème principal qui souligne plutôt les parties action/courses-poursuites au ton policier cette fois, et qui est un peu plus fidèle à ce que composait FERRER au début des années 70 surtout, comme sur son album Metronomy. Loin des tubes rigolos de l'Italien, on y retrouve cet amour pour la fusion jazz-rock, sans guitare mais avec basse et percussions en avant, claviers bourdonnants dans une intention rituelle, fiévreuse, ensorceleuse. Une chorale mixte hommes et femmes y pousse de simples vocalises, le tout n'étant pas sans évoquer MAGMA. De bonne facture, le style se marie avec le film, aussi imprégné des effets au synthétiseur en bruitages rudimentaires pour souligner la présence des 'spectres verts', 'mangeurs' de corps humains.

Litan, c'est vraiment un film à part, y compris pour Mocky et même à-demi. Il faut le voir pour la photographie d'Edmond Richard (autrefois avec Orson Welles, Romain Gary, Marcel Carné, Henry Chapier, Luis Buñuel) qui débarque dans l'équipe pour une collaboration durable et très comiquement houleuse, comme un célébrissime reportage de l'émission Strip-Tease dédié à Mocky le dévoilera plus tard à des millions de téléspectateurs puis internautes. Aussi, à voir pour la curiosité qui l'habite et, encore une fois, en incluant la participation des habitants d'Annonay eux-mêmes, tout en se disant qu'on est loin du chef-d'oeuvre. La patte Mocky coutumière (surtout dans la relation inter-personnage et pour le caractère policier) n'en fait point un film de genre standard, mais Litan : La Cité des Spectres Verts se voit primé pour son scénario au festival fantastique d'Avoriaz. Les réactions des grands réalisateurs américains sont épidermiques avec un Brian De Palma, parait-il, fort mécontent et, au contraire, un Steven Spielberg très enthousiaste qui rachète carrément les droits du film pour une adaptation anglaise ; jamais sortie au final, naturellement.

Au moins, la carrière de Mocky est relancée, sans plus guère de temps mort jusqu'à la fin des années 2010 (sauf en 2007-2010, mais pour la production d'une série TV), contrairement à Marie-José Nat qui n'a pas compris Litan à l'époque et a décidé de sabrer sa carrière au cinéma, ne réapparaissant que timidement çà et là durant la décennie 90. Elle est décédée deux mois après Mocky, en automne 2019. La vidéo du film est restée indisponible pendant longtemps et le réalisateur, déjà parti dans autre chose à l'époque (le génial Y a-t-il un Français dans la Salle ?, son plus gros succès, paraît deux mois plus tard), ne refera pas de fantastique ou très peu, à raison de quelques séquences hallucinatoires dans, par exemple, Tout Est Calme (1998).

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   MARCO STIVELL

 
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- Nino Ferrer (direction musicale)
- Dimitri Chostakovitch (compositions, orchestrations)
- Légor Reznikov (chant grégorien)


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