Avec Les matins d'hiver, la machine est lancée du côté de chez Gérard LENORMAN. Le chanteur français à la voix timide et romantique a connu ses premiers vrais succès en 1972, suffisants pour lui permettre de continuer et de sortir un deuxième opus deux ans plus tard, en 1974, nommé Quelque chose et moi. On ne peut que s'en réjouir, le bonhomme ayant montré un potentiel sérieux derrière des compositions franchement moyennes malgré de très belles fulgurances.

Le moins qu'on puisse dire, quand on écoute Quelque chose et moi, c'est que LENORMAN a bien progressé. Le chant ayant ainsi gagné en maturité arbore déjà la voix qu'on lui connaît d'habitude, un point important quand on fait de la variété. Du côté des compositions, si le LENORMAN compositeur répond aux abonnés absents depuis les années 60, le LENORMAN interprète s'entoure d'encore plus de monde, offrant ainsi un panel de directions musicales relativement différentes [1]. Encore que dans l'ensemble, cet album, sans être totalement cohérent ni homogène, garde une harmonie remarquable et des enchaînements à saluer.

Quelque chose et moi est troussé de qualités indéniables. Les compositions sont dans l'ensemble bien dynamiques et sonnent moins vieillotes que celles des Matins d'hiver, surtout pour une oreille de 2019. La valeur ajoutée LENORMAN apporte également beaucoup, avec son chant toujours touchant, notamment sur l'inventif "Si tu ne me laisses pas tomber", la balade "Sans poulies ni ficelles", courte mais brillante, ou bien le morceau-titre, admirable cavalcade dont on se surprend à fredonner le refrain. LENORMAN frôle même la performance avec "Quand une foule dit bravo", un morceau dramatique doté d'une montée en puissance, une vraie, en guise de final.
L'interrogation sur "Je n'ai jamais rencontré Dieu" est également à relever, même si la chanson est un poil pouet-pouet dans ses arrangements.

Cela dit, ça reste un album de jeune premier, bourré de défauts. L'un qui m'irrite au plus haut point, c'est la manie de LENORMAN d'appuyer lourdement sur les rimes en 'e', devenant des euuuuuh dignes de la marionnette de François Hollande dans les Guignols, si vous voyez le genre.
Dans un sens, Gérard LENORMAN, chanteur de variété française, anticipe bien fort le rock alternatif, non ? Je veux dire, écoutez le contraste si fort dans "Soldats ne tirez pas", on dirait du JESUS & MARY CHAIN. Bon, sans rire, c'est un foirage magistral, entre des couplets instillant une tension palpable et un refrain de fête foraine à jeter. Dommage, le sujet de la chanson était intéressant.
Entre tout ça, on a de l'anecdotique, du passable selon ses goûts, comme "Je viens vers toi", ou "Quand on n'aime pas".

Ne soyons pas excessivement vache : Quelque chose et moi est un album fort sympathique, qu'on ne peut dire sans défense. Il est même plus qu'honorable grâce à l'impression qu'on assiste vraiment à une progression de Gérard LENORMAN qui se révèle capable de sortir de belles chansons. Du coup, on remet une pièce dans la machine. Et avec le sourire, s'il vous plaît.

Note réelle : 3,5/5


[1] : ça, ou bien ça montre qu'il en faut, des incapables, pour faire de la soupe. C'est vous qui voyez.