La Clairière de l’enfance (1980) n’était donc bel et bien qu’une exception, une halte dans la carrière de Gérard LENORMAN. Pour son 9ème album studio, notre chère tête brune revient à une forme plus classique, délaissant les albums-concept, alors que cela lui réussissait bien - la Clairière susnommée et Nostalgies (1978) dans une moindre mesure. Cela dit, pas de quoi soupirer de déception, demander à LENORMAN de briller sur le format chanson, c'est comme demander à une centrale électrique de fournir de l'électricité.

Ainsi, on peut être relativement confiant lorsque sort en 1981 D'Amour. Dotée d'une pochette ma foi fort réussie en plus d'être significativement forte [1], c'est également le premier album de Gérard LENORMAN à formellement créditer les musiciens convoqués - c'est la moindre des choses, notamment pour Patrice Tison et Guy Mattéoni. C'est également le premier véritable pas dans les années 80 qui ne vont malheureusement pas épargner notre Gégé national.

D'Amour est un album clairement typé, d'ailleurs. On la sent bien, la décennie, couplée qui plus est à une certaine idée de la variété française. Pourtant, ce cocktail a priori peu ragoûtant est plus plaisant que prévu une fois qu'on se l'enquille dans les oreilles. Les fans de LENORMAN ne seront pas grandement déboussolés, la sensibilité de leur idole étant toujours intacte et au service de propos romantiques, parfois poignants. Cela se ressent sur "J'voulais seulement être un artiste", déclaration vibrante et aux portes de l'épique - toutes proportions gardées.

Les moments de plaisir s'enchaînent, même du côté le plus inattendu. Je pense bien sûr à "Chanson d'innocence" qui frappe fort en termes de chanson engagée. Et pourtant, c'est une 'reprise' française d’une chanson anglo-saxonne, et pas des moindres puisqu'on parle de The Sound of Silence, de SIMON & GARFUNKEL. Pas un petit poisson, en somme. Pari pourtant relevé par LENORMAN et Didier Barbelivien. De manière plus anecdotique, "L’amour guerrier" montre un Gérard montrant les crocs, sur une musique ambitieuse mais pas nécessairement percutante - et côté textes, on n’assiste pas à la meilleure performance de Pierre Delanoë.

Tant qu’à glisser sur ce qui ne va pas, pointons du doigt les défauts évidents, à savoir la fin de l’album. La chanson la plus remarquable, "Pourquoi mon père", est en soi assez forte pour Gérard LENORMAN qui se livre à nu sur ses origines, sujet sans doute encore tabou en 1981. Musicalement, par contre, les arrangements déjà datés de base ne sont pas vraiment flatteurs, on ne va pas se mentir. "Merci (merci pour moi)" et surtout "Les cris du coeur" sont pour leur part affligés du même défaut, et surtout sont facilement oubliables.

Déséquilibré, voilà un mot qui sied à merveille à D'Amour. On est déjà bien loin des merveilles du milieu des années 70, mais il est évident que LENORMAN en a encore sous la pédale. La transition est cependant difficile, comme pour bien des chanteurs stars de la décennie précédente, et sans aller jusqu'à dire que ce n’est que le commencement, il faut admettre qu’elle débouchera sur quelque chose de pas très évident à écouter. Ni à assumer.


[1] : et signée Thierry Ardisson. Oui, incroyable, ce mec a fait de bonnes choses dans sa carrière.