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VARIÉTÉ FRANÇAISE  |  STUDIO

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- Membre : Roland Romanelli

BARBARA - Seule (1981)
Par MARCO STIVELL le 4 Septembre 2021          Consultée 1235 fois

Huit ans sans albums, cela semble beaucoup quand on est fan de BARBARA et que l'on a été habitué à une certaine régularité (que ce soit un album tous les deux ans ou l'inverse, deux par année). Moi, je me cache lorsque je sais que je n'apporterai rien aux autres, disait-elle. L'artiste n'a même pas cherché à meubler avec des disques live plus qu'elle ne le faisait durant les années 60. C'est depuis 1973 sa grande période Précy-sur-Marne dans la campagne seine-et-marnaise autour de Meaux et proche de Paris (le maire de la commune n'est autre qu'un collègue chanteur : Yves DUTEIL). Elle la vit intensément, en bien comme en mal (sa surdose de médicaments en 1974, l'incendie dû à un court-circuit en 1977), mais surtout en bien. Le jardinage lui offre une belle alternative à sa musique, et en 1981, quand on voit la pochette du nouveau disque, on se dit qu'elle va rester longtemps. C'est en effet le cas, jusqu'à son décès.

En 1981, BARBARA en est à son avant-dernier album, qui n'est pas tellement original puisque cinq titres sur les douze étaient présentés au spectacle de l'Olympia en 1978. Seule est réalisé en petit comité, avec Michel Colombier aux arrangements et Roland Romanelli dont c'est aussi le dernier effort en compagnie de la Dame en noir, même si leur séparation ne survient que cinq années plus tard. Les musiciens occasionnels sont en nombre réduit également : Eddy Louiss, organiste de jazz que BARBARA adore et qui a déjà joué sur ses albums des années 60, ainsi que le bassiste Jannick Top, qui, depuis qu'il a quitté l'école MAGMA, est dans tous les bons coups en termes de chanson française.

La batterie est ici remplacée par une boîte à rythmes car non seulement BARBARA ne s'est jamais opposée à une forme de modernité (les arrangements pop-rock des années 70-73), mais en plus, outre son précieux piano, les claviers forment le principal accompagnement sur tous ses morceaux, en concert comme en studio. Et c'est particulièrement fort sur Seule, où même les arrangements orchestraux de Colombier sont minimes ("Il automne"). L'ambiance y est tellement belle et forte, qu'une fois de plus on ne peut qu'admirer le talent de la Dame et celui de ses accompagnateurs.

Et ce même si la principale intéressée commence à perdre sa voix, en cette année 1981. Lors d'un concert où elle rend d'ailleurs hommage à François Mitterrand en lequel elle plaçait beaucoup d'espoir comme tant d'autres, elle sent que le fil (pour ne pas dire la corde) commence à casser, et dès lors, sa voix paraîtra plus fragile, moins chaude et plus imprégnée de son souffle. Cela dit, c'était déjà le cas pour l'enregistrement de Seule, et cela garde un charme fou, une couleur particulière. Le morceau-titre qui ouvre l'album est formel, la surprise est de taille, surtout que BARBARA choisit de mettre de l'écho sur sa voix, pour pratiquement toutes les chansons du disque. Pour ceux qui veulent donc entendre une partie de celles-ci avec la voix que l'on connaissait et des arrangements mieux axés sur le piano classique, il y a toujours le live à l'Olympia 78.

Toutefois, on ne saurait trop vous recommander d'écouter Seule, au passage l'un des plus grands succès de 1981 en France grâce à l'effet grand retour et des fans au rendez-vous, même s'ils ne se préparent guère à attendre bien plus longtemps par la suite. Ce disque est pourvu d'une atmosphère incroyable, entre l'esprit champêtre de Précy qui l'imprègne et quelque chose d'absolument magique dans le traitement musical, fortement éloigné des arrangements très chargés de La Louve. BARBARA chante avec douceur la complainte oppressante du premier morceau, l'accordéon de Romanelli plane sur un bourdonnement de synthé obscur ; un minimalisme des plus envoûtants !

Les frissons me viennent dès l'introduction de "La musique" avec ces accords lumineux et réverbérés du piano électrique Yamaha CP-70, que l'on pouvait déjà entendre un peu à l'Olympia, et qui est selon moi le plus beau son de piano au monde, hors du classique. BARBARA semble l'aimer aussi car il revient sur la plupart des morceaux. Avec ces synthés-cordes, ces enchantements clavieristiques, il y a donc sur Seule la texture ample et feutrée qui sied tant à certaines productions de la fin des années 70, encore valables en 81. Et cela s'accorde parfaitement à l'univers de notre chanteuse-sorcière au magnétisme puissant, même si elle ne parle que peu d'amour désormais.

La mort, dernière épousée, celle que l'on attend guère, BARBARA semble incarner le spectre en lui donnant un peu de féminité, et le crépuscule de la vie prend sous diverses formes une large place au cours des titres "Il automne", "Mille chevaux d'écume" ou encore "Les insomnies" (laissez-moi à mes insomnies, j'aime mieux mourir en enfer que mourir au paradis, superbe point final du disque). Les regrets sont présents concernant "L'amour magicien" qui arrive et revient toujours trop tard.

BARBARA chante d'abord ce qui lui fait du bien, cette liberté qu'elle appelle "Déraison" (à te regarder vivre à l'abandon, j'ai choisi la déraison), le plaisir d'entretenir les roses de son cher "Précy jardin", ou bien encore "Monsieur Victor". Tardif également, mais tendre à souhait, le souvenir de cet homme, ce 'bad boy' contrebandier tout tatoué qui l'avait prise en stop et fait revenir en France, quand elle était toute jeune au début des années 50, une nuit où elle fuyait Bruxelles. Je chante sur toutes les routes, mais je n'ai pas oublié ce café chaud sur la route du nord, Monsieur Victor, vous aviez un coeur d'or ! Comme tous les autres titres et à l'inverse du cru 1973, il est bien écrit 'seule' (Colombier et Romanelli co-participent à deux ou trois musiques).

Les amoureux de la BARBARA plus légère sont servis avec "Fragson", et c'est la première fois qu'elle évoque les notions familiales au-delà du couple avec "Cet enfant-là". On a ainsi une vision de ce qu'aurait pu être son idéal en la matière... Deux très belles chansons au milieu d'un ensemble homogène, en qualité comme en style. Outre les ballades, complaintes et autres voyages évanescents en une poignée de minutes, Seule propose un couple de morceaux qui sonnent chanson française à l'ancienne ("Fragson", "Les insomnies"), autant d'échappées jazzy avec les grands Eddy Louiss et Jannick Top ("Monsieur Victor", "Mille chevaux d'écume", un titre que Michel BERGER aurait pu écrire), ainsi que quelques rythmes légèrement chaloupés, avec une pointe d'exotisme latin. La musique de "L'amour magicien" n'aurait pas dépareillé sur un album de SUPERTRAMP. Un disque rare, pour BARBARA mais également pour la chanson française en général.

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   MARCO STIVELL

 
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- Barbara (chant, piano)
- Michel Colombier (arrangements)
- Roland Romanelli (claviers, accordéon)
- Jannick Top (basse)
- Eddy Louiss (orgue)


1. Seule
2. La Musique
3. Précy Jardin
4. La Mort
5. La Déraison
6. Mille Chevaux D'écume
7. Il Automne
8. Monsieur Victor
9. Cet Enfant-là
10. L'amour Magicien
11. Les Insomnies



             



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