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- Membre : Roland Romanelli

BARBARA - Chante Barbara (1964)
Par MARCO STIVELL le 17 Juillet 2021          Consultée 1046 fois

En 1964, avec son quatrième album, BARBARA connaît enfin l'essor de sa carrière, d'abord grâce à une cessation de contrat avec CBS/Columbia à laquelle se substitue un partenariat durable (jusqu'en 1997, date de sa mort) avec Philips par l'intermédiaire de Claude Dejacques, son agent attitré désormais. Il est amusant de constater que Philips est aussi la maison de disques de Jacques BREL depuis plus de dix ans, preuve qu'une amitié forte peut générer de sacrées coïncidences !

Pour ce disque, CBS a même laissé à l'artiste les droits de deux chansons, "Chapeau bas" mais aussi et surtout "Nantes". L'immense "Nantes", un des titres les plus beaux du répertoire français au féminin du XXème siècle et même du XXIème qui a, pour l'heure, bien peu d'oeuvres équivalentes à proposer. BARBARA n'est point nantaise, même si elle a vécu dans beaucoup de villes et de villages différents pendant son enfance.

La chanson fait très explicitement référence (même si ce n'est expliqué par l'artiste elle-même que bien plus tard) aux dernières heures de la vie de son père qui l'avait violée enfant, qu'elle n'avait plus croisé depuis l'adolescence et qui, de ses propres aveux à elle, avait sans doute dû mener une vie de repentir jusque là. Vagabond, alcoolique, donateur pour des bonnes œuvres mais criblé de dettes à cause du jeu, en cette année 1959 il est atteint de maladie et réclame sa fille auprès de son lit de mort à Nantes. Celle-ci, prévenue indirectement par téléphone, se précipite depuis Paris pour arriver trop tard, sous une pluie battante. Dans son autobiographie de 1997, elle précise que l'appel lui avait déjà annoncé la mort de son père. Ses sentiments passent de la haine due à son préjudice d'enfant à la plus vive tendresse de fille qui pardonne, mais ils la marquent pour le restant de sa vie.

"Nantes" nécessite cinq années de préparation avant de voir le jour. La nuit plutôt, car BARBARA la joue pour la première fois à l'Ecluse durant un récital devant un public dont sa mère fait partie. 'Il pleut sur Nantes' sont les premières paroles, entonnées dès le début sans fioriture. Les notes de piano résonnent comme des gouttes de pluie, le triangle ajoute une touche cristalline. La mélodie mélancolique reprend les faits, cette ville qu'elle ne connaît pas, la rue de la Grange au Loup imaginaire, en fait rue des Charrettes à l'origine jusqu'à ce qu'elle soit nommée véritablement ainsi en 1986. Le pas de valse s'intensifie, les notes deviennent accords, la voix douce devient écorchée, déchirante, les soupirs sont des sanglots, les 'mon père, mon père' implorants. BARBARA s'est souvent livrée dans ses chansons, mais elle ne le fera plus d'une telle façon. "Nantes", chef-d'oeuvre, trouve-t-il mieux sa place en fin de disque sur le précédent, ou au milieu comme ici ?

Barbara Chante Barbara est aussi le disque d'un autre tube intemporel, la chanson d'amour enfantine "Au bois de Saint-Amand" que l'artiste a composée en une soirée. Même si moins personnel par son texte, celui-ci comme la musique sont simplement rattachés à l'idée que BARBARA est une chanteuse populaire mais qui ne pense pas toujours comme une femme adulte, d'où lui viennent une partie de son charme et l'amour de son public. Le rythme jazz, la batterie aux balais et la guitare d'Elek Bacsik soulignent à merveille cette poésie sautillante, printanière, toute en montée mélodique, marque de fabrique de la chanteuse. On passe de l'enfance à la vieillesse d'un couplet à l'autre, mais toujours en passion et avec une légèreté communicante. Durant les années 60, on parle beaucoup des deux minutes trente de bonheur pour le format des tubes, mais "Au bois de Saint-Amand" se range dans celles qui en une minute trente à peine en disent autant (un peu comme le "Fais pas ci, fais pas ça" de Jacques DUTRONC, quatre années plus tard et lui aussi très gamin, espiègle !).

Même sans ces deux titres emblématiques, de la distinction ce disque n'en manque pas. "Mourir pour mourir" ouvre le bal en danse slave sautillante, tandis que la Dame en noir chante 'À mourir pour mourir, je choisis l'âge tendre et partir pour partir, je ne veux pas attendre, j'aime mieux m'en aller du temps que je suis belle, qu'on ne me voie jamais faner sous ma dentelle.' Texte plus ou moins prémonitoire pour celle qui ne partira pas si âgée. 'Demain c'est l'au-revoir, je quitte vos rivages', mais pas trop vite heureusement. Ce qui est sûr, c'est que cette chanson nous asseoit !

BARBARA a délaissé les chansons de guerre pour parler avec légèreté, espièglerie et même accent parisien prononcé, du climat gris de la capitale, de l'envie de se rendre "Gare de Lyon" pour partir vers des contrées plus méridionales. À travers l'Italie ou la Suisse, elle évoque ses voyages avec son cher et tendre diplomate, ex-petit ami pour l'époque. "Paris 15 août", sur un piano romantique en roulements, use aussi du thème de la monotonie, de longues notes en suspens, avec l'envie irrémédiable de briser celle-ci. Et que dire de "Pierre", faussement fragile, où la chanteuse fredonne ce prénom qui la hante, l'inspire, le désire tout en classe folle, devant une cheminée quand il pleut dehors, tandis que le saxophone (en une prise) de Michel Portal lui offre un écho parfait ?

Sans fard, elle clame presque avec gouaille 'Un homme j'aime ça !' sur "Bon" où l'accordéon revêt une certaine importance. BARBARA vient d'ailleurs de rencontrer Roland Romanelli, remarquable musicien également pianiste-arrangeur qui l'accompagnera longtemps et pas que sur scène ou en studio, qui travaillera aussi beaucoup en une autre époque musicale (pas si lointaine pourtant !) avec Johnny HALLYDAY, Jean-Jacques GOLDMAN. Même avec un ensemble minimaliste (BARBARA s'est battue pour garder peu de musiciens auprès d'elle, jamais d'orchestre) la maîtrise de la réalisation comme de l'interprétation se fait ressentir sur "Je ne sais pas dire", broderie fine sur toutes les hésitations au moment de dire "je t'aime".

La sensualité du "Bel âge", la couleur magique de "Sans bagages" avec son vibraphone, ses illusions perdues mêlées d'espoir dans l'amour retrouvé, participent à la belle force de ce disque. Une des perles cachées reste ce magnifique "Ni belle, ni bonne", jazz à trois temps lent et des plus chaleureux avec, là encore, une orchestration sublime, mélodie en majeur, trompette bouchée. Et ces méandres vocaux, ces paroles envoûtantes : 'Je suis la très mystérieuse, la noire, la fleur vénéneuse'. Difficile de ne pas tomber amoureux de BARBARA. Et pour ma part, croyez bien qu'entre les cheveux courts et la distance imposée par la personnalité publique, ce n'était pas gagné. L'identité parisienne aussi, quadruplement corsé de fait (Paris compte toujours double) ! Mais ce disque, de bout en bout, c'est du petit lait.

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   MARCO STIVELL

 
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1. Mourir Pour Mourir
2. Pierre
3. Le Bel âge
4. Au Bois De Saint-amand
5. Je Ne Sais Pas Dire
6. Gare De Lyon
7. Nantes
8. Chapeau Bas
9. Paris 15 Août
10. Bon
11. Sans Bagages
12. Ni Belle, Ni Bonne



             



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