Bonnie TYLER a stabilisé sa carrière autour des pays du nord de l’Europe depuis son association avec Dieter Bolhen et Hansa records. L’Allemagne a été son refuge pendant sept ans. Mais quand Bonnie, qui souhaite renouer avec le succès de ses glorieuses années, signe avec le label anglais East West, elle vise les marchés britannique et surtout américain. Débute ainsi une nouvelle collaboration avec plusieurs auteurs-compositeurs, dont le précieux Jim STEINMAN. Quand on souhaite remonter au sommet, il faut s’en donner les moyens alors Bonnie tente le tout pour le tout et se lance à fond.

Jim STEINMAN propose donc deux compositions de son cru, une reprise des australiens de AIR SUPPLY, "Making Love", qui en 83 parvint à la 2ème place du billboard, derrière "Total Eclipse of The Heart", dingue non ? Huit minutes, vidéo baroque, on connaît ça par coeur ! Mélodie avec piano percussif, la voix de Bonnie, mais la chanson manque de finalité à mon sens. Bon, Jim aime toujours faire dans le très long, pour un résultat trop moyen cette fois.
"Two Out Of Three Ain’t Bad" est moins prosaïquement tiré du Bat Out of Hell, autant faire dans le lourd ! Beaucoup de sequencers pendant les 9 minutes, mais on reste finalement loin de l’AOR d’antan, ça ne fait guère lever de sourcils, manque d’émotions.

On retrouve aussi Jerry Lynn Williams qui a donné plusieurs de ses hits à l’autre Bonnie … RAITT pour son méga succès Nick of Time quelques années plus tôt. Etonnant comme le destin semble avoir lié les deux Bonnie de la musique populaire ! J’ai moi-même connu Bonnie RAITT alors que j’avais 12 ans sur la B.O de Urban Cowboy, en 1980. Elle y chantait la superbe "Darlin’", titre que l’autre Bonnie a repris des décennies plus tard. Le hasard de l’histoire ou une conjonction supérieure, allez savoir !
La percussive "Nothing To Do With Love" manque de relief, ses choeurs et quelques guitares agressives ne vont pas en faire un hit, mais ça s’écoute. Quant à "What You Got", elle propose quelques relents de countrypolitan avec son beat de guitare syncopé.

On trouve aussi ici quelques curiosités, la signature des SCORPIONS Klaus Meine et Rudlof Schenker sur le morceau "You’re The One" qui sera ensuite assumé sur l’album Pure Instinct. La version des arachnides est évidemment bien plus mignonne. Nous avons aussi la présence de Jeff LYNNE, le leader d’ELO pour "Tyme Bends A Broken Heart", au ton bien pop comme on pouvait s’y attendre. Intéressant aussi de voir la reprise de SIMON & GARFUNKEL "Bridge Over Troubled Water" où le rauque de Bonnie télescope le clair d’Art mais ça reste cool, même si la débauche l’emporte sur la fin. Enfin, le slow ambient "Forget Her" est un poil trop variété pour emporter pleinement l’adhésion.

De l’équipe STEINMAN, nous avons aussi trois contributions du chanteur Stuart Emerson, un des backing vocalistes de MEAT LOAF. Le riff hard-rock plombé et la course haletante de "Driving Me Wild" sont très efficaces ; toujours bien énergique et à la lisière du hard, "Sexual Device" ne démérite pas, on est proche d’une vibe à la BON JOVI. Le mid- slow très ambiancé de "All Night To Know You" offre l'occasion à notre Bonnie de donner de la voix de manière plus subtile. Ces trois titres permettent clairement à l’album d’atteindre une note plus que correcte.
Enfin, deux titres d’Andy Hill, qu’on connaît pour son boulot avec Céline DION ou CHER, nous emmènent dans les territoires de l’AOR pur sucre avec "Given It All" drivé par un piano aérien plutôt sympa et au refrain réussi, assorti de guitares bien grassouillettes. On n'est pas si loin que ça de la formule magique. La martiale "Make It Right Tonight" sort du même tonneau. Il y a du savoir-faire, tant dans les compos que dans le chant et les arrangements.

Malgré une débauche de moyens conséquents, les résultats de vente laissent dubitatifs car les seuls pays réceptifs à Bonnie TYLER restent les mêmes : Norvège, Allemagne, Autriche, Suisse. Voilà de quoi en perdre son latin ! La démarche était courageuse, mais le pari n’est guère tenu d’autant que les singles ne font pas non plus le flambard espéré. Comment faire pour recoller les morceaux d’une carrière un peu derrière elle ? Après plus de vingt ans d’enregistrement et de tournées mondiales, les options sont peu nombreuses. Ce relatif échec malgré STEINMAN n’en demeure pas moins relatif car le disque est méritoire, plusieurs de ses titres de bonne qualité méritant leur place pas trop loin des grands classiques de la Galloise.