Bonnie TYLER sort son huitième opus l’année de ses quarante ans. Les choses ont bien changé, également les équipes autour de l’artiste. L’allemand Dieter Bohlen travaille désormais au quotidien avec elle. Bien entendu, il n’est ni DESMOND CHILD ni Jim Steinman et on s’attend à des résultats plus modestes. D’un autre côté, Bonnie a déjà tout tenté pour rester au sommet des charts américains, mais quand ça ne veut pas….ça ne veut pas et l’option raisonnable était de changer son fusil d’épaule, ce qu’elle fait clairement sur ce nouvel album, avec un beau pragmatisme doublé d’une évidente modestie.

L’éponyme "Bitterblue", le premier single, surprend d’emblée par ses consonances celtiques, et nous sommes clairement aux portes de la variété internationale. Bonnie a troqué les guitares bien grasses pour des arrangements de synthés, certes bien foutus, mais l’évolution est marquante, vous ne serez pas sans remarquer la ressemblance avec les albums de Rod STEWART à la même époque. C’est en tout cas très agréable mais, cette fois, Bonnie ne parvient plus à poser le pied sur le continent américain, nous allons rester en Europe.

Et pour cause, c’est le producteur allemand Dieter Bohlen qui a pris en main les destinées de la Galloise, en composant notamment les deux premiers singles. Les suivants "Against The Wind" a carrément perdu toute vibe rock, il sert au mieux les capacités vocales de la blondinette, mais s’oublie rapidement. C’est Holly Knight qui amène le dernier single "Where Were You". A son habitude, le titre sonne pop avec sa rythmique de guitare folky, et le refrain se laisse bien écouter, avec des choeurs judicieux.

Bohlen compose trois autres titres pour cette livraison de Bonnie : "Tell Me The Truth" à la rythmique en cavalcade sonne encore très eighties dans le texte, et colle donc sans surprise pas mal au style de la chanteuse. L'ensemble sonne fort bien, ce beat riff de synthé basse est vraiment cool. Le règne de l’AOR repart avec "Too Hot" qui nous rapproche des élans passés de Jim Steinman, efficace. "Why" est un slow aux intonations très emphatiques avec des synthés symphoniques, un brin "too much".

La présence du père du disco Giorgio MORODER, aux crédits comme à la prod' de quatre morceaux, ne passe pas inaperçue. Le thème répétitif de "Keep Your Love Alive" penche de fait vers le disco, une première chez Bonnie TYLER. On retrouve l’Italien en duo avec la Galloise sur "Heaven Is Here" pour un slow vite oublié. On est hard-rock sur la suivante "Love Is In Love Again", très eighties dans l’idée et le son, plutôt sympa. Le duo qui l’oppose avec Dan HARTMANN – compositeur de "Living In America" de James BROWN - "Till The End Of Time" est suffisamment horrible pour être souligné !

A mon goût, s’il y a un titre à retenir de cette galette, c’est au poppy "He’s Got A Hold On Me" qu’on le doit, les divers éléments new wave qui ponctuent cette composition, avec un refrain très enlevé qui parle à l’auditeur. On se jette sur les crédits et nous n’avons guère de surprise à y découvrir le nom de Nik KERSHAW, toujours aussi originale dans ses créations. Autre nom célèbre, celui de Roy ORBISON sur "Careless Heart" mais il y a grand écart entre la douceur de Roy et l’agressivité de Bonnie.

Il reste "Whenever You Need Me" où on a la surprise de retrouve Bonnie aux crédits, et le ton est plutôt AOR dans l’esprit, avec une belle gratte distorsionnée. Enfin, la plus ensoleillée "Save Me" clôture cet album plutôt chargé, où Bonnie TYLER a essayé d’approcher une autre formule que précédemment. On sentait bien que la grande réussite internationale n’était plus vraiment une option. A l’échelle européenne cependant, les résultats sont satisfaisants et l’album s‘écoule à plus d’un million d’exemplaires, les nations nordiques étant très demandeuses de la Galloise. Je reste sur un trois équilibré.