C’est complexe la vie de rock star ! La galloise Bonnie TYLER est un véritable symbole des hauts et des bas d’une carrière internationale 'réussie'. Elle a en effet déjà connu des hauts très hauts, des numéros un du billboard, des millions d’albums vendus, mais elle a aussi connu la quasi indifférence des foules pendant plusieurs années. Alors après avoir sorti coup sur coup deux albums la positionnant au firmament des pop stars mondiales, comment faire pour continuer sur cette voie alors qu’on n'est finalement qu’une interprète et non une créatrice ? Pas une équation simple, mais Bonnie tache de la résoudre en confiant à DESMOND CHILD et son équipe les commandes tant de la composition que de la production de son septième album. En cette année 88 où Bonnie TYLER s’installe définitivement dans sa maison de l’Algarve au Portugal, tout est à refaire, et elle compte sur les talents du fils du démon pour continuer de truster les tops des billboards.

Voyez donc, nous débutons avec "The Best". Ah vous connaissez tous, n’est-il pas ? Mais n'est-ce pas une chanson de Tina TURNER, ça ? Bah nan, Tina l’a piquée au répertoire de Bonnie, c’est ballot. Alors ouais, Bonnie est drôlement bien roulée sur la vidéo, comme sur la couverture d’ailleurs, chouette chanson de Mike Chapman et Holly Knight, à qui on doit le "Love Is A Battlefield" de Miss Pat BENATAR. Je parie que tous ici vous connaissez la version de Tina et pas celle de Bonnie. Et ça continue ! Le riff de "Hide Your Heart" vous parle ? Hé hé, sortez donc votre Hot In The Shade de KISS ou alors votre Lightnin Strikes Twice de MOLLY HATCHET et vous comprendrez pourquoi. Explication ? Paul STANLEY a composé l’ode avec DESMOND et Holly Knight. Voilà voila, la version de Bonnie est mignonne, la chanson excellente, de l’AOR dans toute sa splendeur. Seulement voilà, personne ne s'en souvient ! Ces deux bestiasses de singles sont deux classiques, mais pas de Bonnie TYLER.

Sort ensuite "Save Up All Your Tears", composée par le démon lui-même, classique du genre, mais vous vous dites confusément : Tiens, je connais encore cette song mais chantée par CHER ou Robin BECK. Ca commence à faire beaucoup de pas de bol tout ça ! Bonnie ne démérite pas du tout : de sa voix excellente, elle abat le boulot. On termine les singles avec "Notes From America" - l’album porte ce nom aux US -, toujours de DESMOND : gros synthés, guitare volubile et aérienne à la Neal SCHON. La composition est en forme d’hommage yankee, volonté délibérée d’attaquer le marché en question, pour une réussite inexistante. Il faut aussi admettre que le morceau ne recèle rien de bien original. On prend la calculette et on refait les calculs : malgré des efforts considérables et la grosse machine en place, les charts ne frémissent pas d’un iota. Le succès sera pour d’autres.

Quand on prénomme un titre "Don’t Turn Around" pour Bonnie TYLER, c’est qu’on cherche à retrouver les fans puisque "Total Eclipse" débute par "Turn Around". Il s’agit à nouveau de rock bien pompier à la eighties, pas désagréable mais dispensable. Robbie Seidman, principal collaborateur du rejeton démoniaque, amène deux des compos de fin d’album. Des fonds de tiroir ? "Shy With You" dispose d’un refrain qui n’aurait pas dépareillé dans les grosses écuries AOR du moment, du genre LOVERBOY ou JOURNEY, sympa, ça dépote pas mal. On passe aux antipodes avec la petite ballade pianistique "Streets of Little Italy", en forme d’hommage au quartier italien de la grosse pomme. On cherchera longtemps le lien avec notre Galloise vivant au Portugal. Non, la chanson n’est pas vilaine. La collaboration Michael BOLTON/DESMOND CHILD – ouf ça fait peur ! - donne "Take Another Look At Your Heart" dont seul le refrain surnage, en pleine crisette AOR.

Bonnie s’essaye donc à deux reprises : Les BEE GEES ont sorti "To Love Somebody" en 67. C’est de la grosse artillerie qu’on essaye de déguiser en titre moderne, vingt ans plus tard. Il y en a franchement un peu trop à mon goût. Enfin, on connaît l’influence de la grande Janis JOPLIN sur Bonnie TYLER. Et c’est la première fois que Bonnie se lance dans une telle démarche. Et sa voix passe bien le cap, il faut dire qu’elle est faite pour ça. Voici donc le "Turtle Blues" passé à la moulinette DESMOND. Bien sûr, la guitare et l’ambiance ne sont guère roots, mais on ne peut pour autant pas se gausser de la voix de la blondinette, qui défonce absolument tout sur son passage. Le requin de studio John McCurry s’y éclate à la gratte ! Bluffant !

L’album des rendez-vous ratés, c’est le moins qu’on puisse dire ! Je n’ai pas d’explication sur ce qui a pu arriver. Les compositions sont là, devenues qui un hit interplanétaire avec Tina TURNER ou CHER, qui un classique chez KISS. Mais qu’est-ce que c’est que ce bordel ? Bonnie n’aurait-elle tout simplement pas de chance ? Elle en a déjà eu pas mal, je vous l’accorde, mais voilà qui est tout de même troublant. Cet album aurait pu avoir un succès incroyable par la simple force de ses singles. Bref, c’est souvent comme ça dans l’histoire de la musique populaire. Dans l’ensemble, cet album mérite largement ses trois étoiles, et Bonnie TYLER ne démérite pas une seule seconde. Je conseille donc la découverte de cet opus, injustement déconsidéré.