Le deuxième volet, forcément moins bon et parent pauvre du premier ? Vous croyez ? Même avec des noms comme Ricky SCAGGS (de nouveau), Chet ATKINS (peu avant son décès, posthume donc comme Derek Bell cette fois-ci), Carlene CARTER, Don WILLIAMS, Emmylou HARRIS, Patty LOVELESS etc ? Further Down the Old Plank Road ne souffre aucunement de la comparaison avec son prédécesseur, c'est même sans doute l'effort le plus réussi des CHIEFTAINS dans leurs crossovers Irlande-U.S.A. Exit les medleys de dix minutes, on reste sur du format court, avec un niveau de chansons équivalent.

On débute dans la joie et bonne humeur avec l'archi-connu "The Raggle Taggle Gypsy", américain dans son élancement mais 'irish' dans ses interludes, en compagnie des Californiens NICKEL CREEK et notamment son adorable chanteuse-fiddleuse Sara Watkins. Sans oublier l'exceptionnelle violoncelliste Caroline LAVELLE ! En termes de groupe, plus loin, la suite "The Squid Jiggin' Ground/Larry O'Gaff" permet le rapprochement CHIEFTAINS-NITTY GRITTY DIRT BAND. Jeff Hanna comme Kevin Conneff entonnent leurs airs chacun dans une ambiance de pub et légèrement punk avant l'heure, avec cependant le tiompán (dulcimer frappé) de Derek Bell pour valeur ajoutée.

En parlant de ce dernier, difficile de passer à côté de ses interventions pourtant simples mais tellement judicieuses aux côtés de Don WILLIAMS, le 'gentil géant' de la country, pour un "Wild Mountain Thyme" absolument fantastique. Les amateurs de musique écossaise-irlandaise mais aussi de rock (pour ceux qui aiment THIN LIZZY et leur "Roisin Dubh/Black Rose") la connaissent également bien sous le nom "Will You Go Lassie Go" (de même que sa consoeur "Shady Grove", en réalité "Little Musgrave"/"Matty Groves"). C'est le coeur de l'album le mieux choisi entre la voix grave et belle de WILLIAMS, les tapis de violons par Seán Keane et le superbe début avec la cornemuse de Paddy Moloney planant sur les grands espaces.

Il y a un titre où Bell est déjà 'remplacé' par la très talentueuse Triona Marshall ("The Fisher's Hornpipe/The Devil's Dream", avec Doc WATSON et son fils Merle), mais pour sûr, l'autre enchaînement "The Cheatin' Waltz/Bandit of Love" constitue son dernier haut fait, en accompagnement de ses collègues et de Carlene CARTER, tout en sensualité fort adaptée pour cette ballade à trois temps (accordéon de Sharon SHANNON en prime !). Elle en devient plus marquante encore que "Lambs in the Greenfields", superbement entonnée par Emmylou HARRIS, la reine de la country !

Autre voix acidulée mais masculine cette fois, celle de John HIATT sur "Jordan Am a Hard Road to Travel", danse égayante et très efficace, tout comme l'hommage 'juste à temps' au grand Chet ATKINS récemment disparu ("O'Neill's Hornpipe", avec David Hungate, ex-TOTO à la basse !). Mais décidément, en dehors d'eux et Don WILLIAMS, les femmes raflent tout ou presque sur ce deuxième volet ! "Hick's Farewell", brumeuse et délicate avec les claviers totalement inédits de Pete Wasner, la harpe roulée de Bell, est un autre splendide instant de profondeur avec Allison MOORER (future Madame Steve EARLE) très imprégnée. À son tour, Patty LOVELESS s'illustre bien sur la ballade ample et mélancolique "Three Little Babes", pleine de tambours, brillante de cornemuse.

Mais le plus beau, c'est encore ce "Lily of the West" final, deuxième version par les CHIEFTAINS moins de dix ans après celle pour laquelle ils ont fait venir Mark KNOPFLER, sur l'album The Long Black Veil en 1995 (vous aurez d'ailleurs peut-être remarqué la présence de Glenn Worf, son bassiste attitré, sur cette suite de disques nashvilliens). Cette dernière version était encore assez acoustique et humble, alors qu'ici, et afin de parer Rosanne CASH, fille aînée de Johnny CASH, de ses plus beaux atours, on a préféré voir les choses en grand. Comme pour mieux rendre les espaces larges d'Amérique ou d'Irlande à cette belle mélodie. Roulements de batterie, mandoline, choeurs féminins superbes (mais aussi Teddy THOMPSON, fils du roi Richard, qui a sa propre carrière) et bien sûr les principaux intéressés que sont nos Irlandais, tout est fait pour clore de façon épique, toute en majesté là où une fois de plus, les ponts ont été joliment érigés.