Avec The Dubliners, THE CHIEFTAINS est la première formation (dirigée par le sonneur Paddy Moloney) à repopulariser la musique celtique traditionnelle en Irlande. Ce premier album paraît longtemps (presque neuf ans) avant le réel début de la carrière discographique du groupe.

Paddy Moloney dirige, pratiquement à tous les niveaux, en premier lieu artistique. C'est lui qui choisit les morceaux, qui les (ré)arrange, et qui donne le la. Bien que le quatuor composé avec Tubridy, Potts et Fay soit parti pour durer quelques temps, il est normal que ce soit lui (Paddy) qui introduise ce premier album au son du tin whistle et un petit air (" 'Sé Fath Mo Bhuartha") tellement joli que l'on peut déjà presque parler de classique, même si on ne peut cacher que cela tient aussi de la valeur historique. La jig "The Lark on the Strand" arrive ensuite à grand renfort de bodhran (tambour irlandais) et c'est parti pour trois quarts d'heure de belle musique tour à tour dansante et calme, en témoignent en particulier les deux suites qui ouvrent et ferment l'album. La deuxième se conclue par deux reels constituant l'un des moments les plus entrainants du disque. D'ailleurs ce sont les reels qui, malgré la qualité idéniable des morceaux des autres genres, captive le plus dès le premier abord. Pour le charme, si l'on prête l'oreille à l'ensemble, on entend même les musiciens taper des pieds...

Je ne remercierai jamais assez le groupe pour avoir détaillé la tracklisting de cet album comme des suivants, en mettant le genre de morceau auquel on assiste à chaque fois, un air ("An Fhallaingin Mhuimhneach", "Casadh an tSugain"), ou surtout pour les danses, un jig ("The Walls of Liscarroll", "The Battering Ram"), un hornpipe ("An Comhra Donn"), ou un reel ("The Musical Priest", "Rakish Paddy"). On peut ainsi parler des CHIEFTAINS comme d'une école y compris sur le papier et l'on apprend à bien faire la différence entre ces styles, même si ce n'est pas toujours évident au début, par exemple entre une polka et un reel, qui sont les deux plus dansants : le deuxième est encore plus rapide en fait, et il n'y a pas de réelle pause dans la mélodie ni parfois pour parler analyse, de croches liées.

Le son de ce premier album est tout ce que l'on pouvait attendre d'un disque enregistré à cet époque, avec cependant une bonne mise en valeur de chaque instrument. Mais il est clair et apparent que le tout sonne très "live" (ça donne un effet parfois brut de décoffrage ne serait-ce que sur le reel pour cornemuse solo "The Boy in the Gap") et l'on se demande si les morceaux qui ont été mis sous forme de suites viennent de sessions différentes, ou si Tubridy et Moloney sont très forts pour poser leurs flûtes rapidement et s'armer de leur cornemuse et concertina. En parlant de cette dernière, vous devez vous demander de quoi il s'agit, c'est tout simplement un instrument qui se déroule un peu comme un bandonéon, avec un timbre à mi-chemin entre l'accordéon et l'harmonica. Mais ce n'est pas le son que l'on entend le plus souvent, contrairement aux flûtes, cornemuse et violon (parfois en pizzicato comme sur "An Comhra Donn") qui sont omniprésents. Quant à l'instrumentation globale, rien à redire, on voit que tout jeunes qu'ils étaient à l'époque, c'étaient déjà des pros.

Voici le premier volet d'une longue série d'albums hommages à la musique traditionnelle irlandaise plus qu'intéressants venant d'un groupe historique, ce disque, bien que sans doute pas leur meilleur, l'étant également.

Note réelle : 3,5/5