Les premières fois dans une vie, c'est important. Cela vous forge le physique et le caractère. Le premier pas, la première chute, la première bêtise, la première coquinerie... autant d'étapes nécessaires pour devenir un individu épanoui et responsable. Pour MAGNUM, les premières fois ont eu lieu toutes en même temps. Pas la première note de musique jouée, bien sûr qui, pour Tony Clarkin, doit dater de la première fois où celui-ci a réussi à tendre une corde et à la frotter comme le compositeur frénétique qu'il deviendrait. Chase The Dragon, troisième album du groupe anglais, propose néanmoins son lot de nouveautés : premier artwork réalisé par Rodney Matthews, qui deviendra alors l'illustrateur attitré du combo. Premier album sur lequel figure Mark Stanway, nouveau claviériste du groupe. Et premier succès commercial, Chase the Dragon se classant alors dans le top 20 des charts britanniques.

Un album rempli de grandes premières donc, mais ne présentant en lui-même que peu de révolutions. MAGNUM affine son rock grandiloquent et épique, essayant de mettre en avant ses points forts et ses spécificités tout en parvenant à rendre moins évidentes ses faiblesses. Les hésitations et les tâtonnements sont toujours de mise, mais le groupe continue de progresser et de s'améliorer pour proposer ici quelques unes de ses plus grandes compositions.

Si Chase the Dragon est sans doute l'album pré-Storytellers qui a le mieux vieilli, il le doit sans doute à son nouveau claviériste. Ses interventions, plus mesurées et subtiles que celles de son précesseur Richard Bailey, soutiennent réellement les morceaux au lieu de les écraser, et constituent cette-fois une plus-value remarquable. « Sacred hour », morceau épique gorgé d'interventions de cet instrument, illustre parfaitement cette sensible amélioration qui sert grandement la musique du groupe.

Il ne s'agit pas pour autant ici d'un travail mûrement réfléchi. Car si Chase the Dragon sort en 1982, l'album a été enregistré en 1980. Ce délai de deux ans entre la mise en boîte et la publication de l'album se ressent sur les nombreuses directions, témoignages d'un style pas encore tout à fait maîtrisé, prises par l'album. Entre le hard FM de « Walking the straight line » et ses chœurs sur-aigus, et le hard rock brut de décoffrage, sorte de croisement entre Scorpions et AC/DC, du survolté « The Teacher », MAGNUM se cherche encore.

C'est bien sur les titres les plus épiques et les plus complexes dans leur structure que le groupe se fait le plus convaincant. Dans ce registre, MAGNUM frappe fort, et très fort. Bien aidés par ce vocaliste d'exception qu'est Bob Catley, l'intemporel et magnifique « The spirit », les classieux « Sacred hour » ou « We all play the game », qui préfigurent de l'orientation future du groupe, sont autant de pièces encore aujourd'hui considérées comme parmi les plus réussies du combo, et à juste titre.

Pas encore parfait, mais bien plus convaincant que ses deux prédécesseurs, Chase the Dragon marque le début d'un avenir artistique radieux pour MAGNUM, qui alternera malgré tout grandes réussites et légères déconvenues. Un premier album indispensable, malgré tout.